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Analysez la notion de bonheur et précisez son rôle dans la vie morale. ?

Publié le 14/06/2009

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morale

Introduction. — Le grand scandale pour l'homme, c'est l'existence du mal, de la souffrance et de la mort. Certains philosophes modernes, ayant pris une vive conscience, d'une part, de l'insatisfaction du coeur humain et, d'autre part, de l'indifférence du monde qui roule dans l'espace, insensible à nos appels et à nos angoisses, sont portés à trouver la vie absurde et l'existence injustifiable ou du moins injustifiée. C'est que nous aspirons si incoerciblement au bonheur qu'une vie malheureuse nous paraît ne pas valoir d'être vécue et nous amène à nous demander : pourquoi nous est-elle donnée ? Cette attitude spontanée de l'homme pose le problème du rôle du bonheur dans la vie morale. I. — LA NOTION DE BONHEUR Précisons d'abord ce qu'il faut entendre par « bonheur «. A. L'étymologie. — Comme à l'ordinaire, en remontant à l'origine de ce mot et des termes qui dans d'autres langues expriment une idée analogue, nous glanerons quelques indications précieuses. Le substantif français « bonheur « dérive du latin « bonum augurium «, bon augure, présage favorable. Nous trouvons en grec un terme presque parallèle : eudaimonia «, substantif exprimant un état dû l'action de quelque « démon «, c'est-à-dire quelque dieu bienfaisant. Ainsi, à l'époque appelée par Auguste Comte « théologique «, le mot bonheur et ses équivalents désignaient un succès ou une satisfaction des désirs obtenus, dans des circonstances difficiles ou aléatoires, grâce à l'intervention de quelque puissance surnaturelle. Mais, à mesure que l'humanité s'éloignait de l'âge théologique, la résonance mystique et religieuse de ce concept s'atténuait et l'accent se déplaçait vers le caractère aléatoire du bonheur. En anglais, « happiness «, le bonheur, dérive de « happen «, arriver par hasard. En français, l'exclamation « quel bonheur ! « équivaut le plus souvent à « quelle chance ! « Pourquoi ce recours au hasard ? Peut-être parce que le bonheur est trop difficile à atteindre pour qu'on puisse espérer l'obtenir par une recherche méthodique. Peut-être aussi parce qu'il vous tombe précisément quand on ne le cherche pas. Ces deux suggestions ne nous seront pas inutiles.

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« vie humaine et adopter pour principe de moralité : cherche le bonheur ?De nombreux moralistes, en particulier Kant et sa descendance spirituelle, condamneraient ce mot d'ordre commemanquant du désintéressement essentiel à la moralité.

Mais cette critique, qui vaut contre la morale du plaisir,porte-t-elle quand on l'adresse à la morale du bonheur tel que nous l'avons défini ? Si la source profonde du bonheurest la conscience du règne des tendances nobles, de la victoire du bien, sera-ce une faiblesse de le désirer ? Si leCiel consiste essentiellement à être définitivement fixé au principe de tout bien et assuré de ne plus pécher,condamnera-t-on celui qui soutient son effort en s'aidant de ces perspectives ?Ainsi, il est légitime de chercher le vrai bonheur, celui qui implique l'accomplissement du devoir et la réalisation dubien, et lorsque c'est ce bien que l'on vise et non la satisfaction personnelle de l'avoir accompli, la morale dubonheur ne le cède en noblesse à aucune autre.Mais, en fait, ce n'est pas au bonheur que, pour l'ordinaire, nous visons immédiatement.

Cette affirmation va àl'encontre d'une idée si répandue que nous ne pouvons pas la justifier en quelques lignes.Nous pouvons l'accorder, les sens tendent vers la jouissance.

En dehors des phénomènes d'instinct, dontl'interprétation est d'ailleurs fort difficile et fort controversée, c'est l'attrait du plaisir qui commande l'activitéanimale.

De même, c'est en fonction du plaisir que, lorsque la réflexion n'intervient pas pour réprimer les impulsionsspontanées, nous reprenons d'un plat ou revêtons notre pardessus.Mais il n'en est pas de même de l'esprit qui se porte immédiatement vers l'objet ou vers l'ceuvre.

Sans doute, decette oeuvre résultera une jouissance, mais ordinairement cette jouissance n'est point visée.Ainsi, l'architecte qui passe ses nuits sur le plan d'une église, l'industriel qui ne rêve que d'un meilleur équipement deson usine, ne songent guère au plaisir qu'ils retireront de leur entreprise.

La perfection de leur oeuvre ils la veulentpour elle-même, et lorsque, plus tard, le succès viendra couronner leurs efforts, ils apprécieront les avantages qu'illeur procurera, moins pour le plaisir qu'ils en retireront que comme preuve de la valeur de leur création.A plus forte raison il serait absurde de croire que les âmes charitables se dévouent au service des déshérités de lavie en vue du petit frisson de plaisir qu'il leur arrive d'éprouver au spectacle de la joie qu'elles procurent.

Ce qu'ellesveulent, c'est le bonheur des autres, et le sentiment d'avoir réussi leur est d'autant plus agréable qu'il vient parsurcroît.

Il suffirait de le chercher pour qu'il se refuse ou se corrompe : on ne peut pas goûter le plaisir de se donneraux autres quand on ne songe qu'à soi. Il n'en est pas autrement de celui qui, ayant un haut idéal, s'est élevé au-dessus de l'attrait du plaisir et cherche lebonheur.

Le bonheur auquel il vise, c'est, non pas cette satisfaction subjective qui résulte du sentiment de posséderle bien désiré, mais ce bien lui-même.Ainsi, on ne peut pas faire du bonheur la fin de la vie morale si l'on entend par là que vivre moralement consiste àchercher le bonheur : vivre moralement, c'est chercher le bien. B.

Comme résultat. — Il ne s'ensuit pas que le bonheur n'ait aucun rôle à jouer dans la vie morale et qu'une vie d'une haute moralité mais sevrée de tout bonheur pourrait satisfaire nos exigences rationnelles : il est nécessairequ'une vie conforme à l'idéal moral soit heureuse.Cette association de la moralité et du bonheur est d'abord nécessaire à la pratique morale.

Sans doute, quand nousagissons moralement nous avons en vue le bien et non le plaisir qui pourra s'ensuivre.

Toutefois, l'expérience de ceplaisir nous permet de mieux goûter le bien lui-même et, par suite, renforce notre penchant vers lui.

Le mot « bien »aurait-il un sens pour nous et serions-nous portés vers l'objet qu'il désigne sans l'expérience du contentementintérieur qu'il procure ?Ensuite, la rencontre de la vertu et du bonheur est exigée par la raison.

Tandis que le plaisir nous paraît normal, lespectacle de la souffrance nous heurte : pourquoi être sorti du néant si exister c'est souffrir ? Un certain nombre desouffrances humaines s'expliquent par les fautes de ceux qu'elles frappent ; ainsi, celui qui préfère à la maîtrise deson esprit le plaisir de boire ne peut s'en prendre qu'à lui des suites de son ivresse.

Mais on ne comprend pas qu'unevie honnête échoue dans la douleur.

La souffrance du juste nous accule à nous demander si le monde n'est pasabsurde, et, plutôt que d'admettre cette hypothèse, le philosophe, à la suite de Kant, conclut à l'existence d'un au-delà dans lequel l'ordre exigé par la raison sera rétabli.

Qui veut le bien et le pratique doit trouver son propre bien ;le bonheur est inséparable de la vertu. Conclusion. — Comme nous venons de le voir, l'intervention de l'idée de bonheur dans l'édifice moral suppose admis, comme thèse ou comme postulat, que le monde est bien fait et qu'il vient d'un être intelligent et juste : lacroyance au bonheur implique celle à l'existence de Dieu. Par ailleurs, ainsi que nous l'avons dit, quand on remonte à la source du vrai bonheur on aboutit à la possession dusouverain bien, de la perfection suprême, dénominations diverses de la divinité.On comprend, dès lors, que la morale religieuse puisse se présenter tantôt comme une morale du bonheur, sansmériter les critiques faites aux morales de l'intérêt, et tantôt comme une morale théocentrique, sans sombrer dans lachimère de l'absolu désintéressement.. »

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