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Alessandro Scarlatti

Publié le 22/02/2012

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Les Scarlatti sont deux : Alessandro, il cavaliere, et Domenico, son fils. Le premier incarne le suprême épanouissement d'un art vocal qu'on ne saurait imaginer plus pur et plus achevé. Le second est le réalisateur sur le clavecin d'un style dont on ne voit pas que, pour l'audace et l'ingéniosité de l'imagination, il se soit trouvé quelqu'un pour le dépasser. Entre l'un et l'autre se définit en son entière originalité le génie napolitain au moment de son plus grand éclat. Naples donc. Depuis Adam de la Halle, auteur du premier opéra-comique (et sans doute avant lui déjà), la musique y était pratiquée avec ardeur et toujours avec cette prédilection pour les divertissements profanes qui devait faire de Naples le berceau des formes populaires polyphoniques de la Renaissance, puis, au XVIIIe siècle, de l'opera-buffa. En outre, et cela dès la première moitié du XVIe siècle, Naples possédait de remarquables écoles de musique : le Conservatorio di Santa Maria di Loreto, le Conservatorio Della Pietà de Turchini, celui que l'on appelait Dei poceri di Gesù Cristo, enfin le Conservatorio di Sant'Onofrio. Ces quatre institutions dont Murat devait consacrer la fusion en 1809 en un Collegio reale di Musica étaient à l'époque d'Alessandro Scarlatti des sortes d'hospices où les enfants qui faisaient preuve de dispositions particulières pour la musique recevaient un enseignement très poussé.

« de 1715 à 1719, le poste de maître de chapelle à l'église Saint-Pierre.

De cette période datent diverses compositionsreligieuses, Messes, Psaumes, Salve Regina, etc. Le voyage de Scarlatti à Londres en 1720 ouvre la grande période de sa carrière qui, par l'éclat et le caractèrecosmopolite qui seront désormais les siens, préfigure déjà celle des grands virtuoses romantiques.

Dans la capitaleanglaise, où il se rendait pour assister aux représentations de son opéra Narciso, le jeune maître napolitain retrouveHaendel, qui ménage à son ami un chaleureux accueil.

Les deux grands musiciens qui, depuis le temps de leurrencontre en Italie, avaient conservé l'un pour l'autre l'admiration la plus vive, donnent aux mécènes londonienschez lesquels ils sont reçus le spectacle d'une mutuelle estime qu'il n'est pas inopportun de rappeler, tant il est vraique dans le monde des arts, de tels sentiments ne sont point si fréquents entre rivaux. En 1721, Scarlatti est appelé à Lisbonne en qualité de claveciniste de la Cour et maître de clavecin des princesses.Cette situation nouvelle devait déterminer en quelque sorte tout le cours ultérieur de la carrière de Domenico etfaire de la péninsule ibérique le centre principal de son activité.

En effet, l'illustre claveciniste sut si bien se faireapprécier de ses nouveaux maîtres que, lorsque la princesse Marie-Thérèse de Portugal fut fiancée au prince héritierdu trône d'Espagne, Scarlatti, qui s'était retiré à Naples en 1725, fut appelé à Madrid auprès d'elle avec le titre declaveciniste de la princesse.

Ceci se passait en 1729.

Après le couronnement des jeunes souverains, Scarlatticonserva ses fonctions et fut nommé chevalier de l'Ordre de Saint Jacques.

Il resta à Madrid où il forma quelquesélèves (parmi lesquels le père Antonio Soler dont M.

Joaquin Nin a retrouvé de jolies sonates) et ne s'en retournadans sa patrie qu'en 1754.

C'est là, selon certaines opinions, que la mort vint l'emporter en 1757.

Cependant, lesdétails manquent sur les dernières années de sa vie et rien ne permet d'infirmer avec certitude la thèse qui veut queScarlatti soit mort à Madrid, lors d'un ultime séjour dans cette ville. C'est par ses sonates dont une trentaine seulement les Essercizi per gravicembalo furent publiées de son vivant,mais dont le nombre connu à ce jour (quatre cents environ) est encore susceptible de s'accroître, car on n'a pas finide les rechercher, que Domenico Scarlatti s'est acquis une gloire de premier plan. Les efforts de la musicologie moderne en Italie, ceux d'une Wanda Landowska, enfin et surtout, je crois certainesmanifestations de l'art contemporain (j'ai en vue des Oeuvres telles que Pulcinella de Stravinski ou le Concerto deFalla) qui proposent à notre oreille une image radicalement décrassée du classicisme, nous ont mis à même de saisirmieux qu'on ne l'avait fait par le passé l'audace géniale et, partant, l'importance de ces pièces. Dépouillées des écOeurants remplissages dont de trop zélés "réviseurs" les ont gratifiées ici et là, relestées enrevanche des multiples acciacatures dont ces mêmes réviseurs croient utile de les soulager afin de les rendre"convenables", ces admirables sonates surprennent à chaque page, souvent à chaque mesure, par leur verveillassable, l'incessant rebondissement de leur invention. On a beaucoup insisté sur la présence d'un bithématisme dans ces pièces dont la coupe ne diffère pas de celle desdanses de la suite traditionnelle.

Sans vouloir en rien diminuer l'importance de ce phénomène en effet capital pourl'histoire de la sonate, l'intérêt d'une étude morphologique des sonates de Scarlatti nous paraît dépasser debeaucoup la constatation de cette caractéristique.

Poussée dans le domaine harmonique, cette étude nousamènerait à des découvertes non moins passionnantes.

Il n'est pas de région de la poétique musicale quel'extraordinaire oreille de Domenico n'ait au moins pressentie.

Telle ornementation laisse, en sa physionomietourmentée et riche d'allusions harmoniques, présager la douloureuse figure de Chopin ; telle modulation s'inscritdans ce climat de simplicité rare qui appartient en propre à Franz Schubert.

Et je ne parle pas, bien entendu, de cequi n'appartient dans ce langage si souple et si divers qu'au seul Scarlatti. Il n'est par ailleurs guère de possibilité mécanique de la technique du clavier que l'intarissable ingéniosité deDomenico n'ait découverte et aussitôt exploitée.

Rompant délibérément avec la servitude d'une écriture héritée ducontrepoint vocal, il n'en négligea cependant pas les ressources mais sut incorporer celles-ci dans un style nouveauque la hardiesse de sa sensualité harmonique a paré de toutes les séductions de la virtuosité moderne. D'une donnée uniquement technique, d'une trouvaille des doigts et là encore, comment ne pas penser au Chopin desÉtudes s'échappe tout un poème.

On peut douter de la légende selon laquelle le thème de la Fuga del gatto a étéfourni au musicien par l'incursion sur le clavier du compagnon des "amoureux fervents" et des "savants austères".L'idée en est cependant plaisante et le paradoxe de cette forme, élaborée sur le plus hasardeux des sujets, biendans l'esprit du malicieux napolitain. Badinage brillant, a-t-on dit de cette musique.

Et certes, elle est d'abord spirituelle, prompte en ses réparties,proche en somme de l'esprit de l'opéra-bouffe.

Elle ne dédaigne pas d'emprunter au spectacle de la vie populaire unrythme, un refrain dans lequel il est parfois difficile de démêler la souche napolitaine de l'espagnole et dont elle faitle motif d'un divertissement purement musical.

C'est peut-être en cela que réside sa profondeur (ou son élévation,comme on voudra) et, dans tous les cas le plus sûr garant de sa pérennité : elle spiritualise, elle universalise sanscesse et toujours.

C'est le propre de l'art de Scarlatti, en effet, de savoir donner à l'air de danse le caractèreabstrait qui sied à une composition instrumentale et de faire entrer dans la sphère du grand art ce qui pourrait,entre d'autres mains, n'appartenir qu'à celle du pittoresque.

Jointe à ces qualités d'audace que j'ai dites et à lahardiesse étonnante de la rédaction pianistique, cette vertu majeure assure à Scarlatti sa place parmi les plusgrands.. »

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