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Alain: L'homme réel est né d'une femme

Publié le 27/02/2008

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alain
L'homme réel est né d'une femme. [...] Tout homme fut enveloppé d'abord dans le tissu humain, et aussitôt après dans les bras humains ; il n'a point d'expérience qui précède cette expérience de l'humain ; tel est son premier monde, non pas monde de choses, mais monde humain, monde de signes, d'où sa frêle existence dépend. Ne demandez donc point comment un homme forme ses premières idées. Il les reçoit avec les signes ; et le premier éveil de sa pensée est certainement, sans aucun doute, pour comprendre un signe. Quel est donc l'enfant à qui on n'a pas montré les choses, et d'abord les hommes ? Où est-il celui qui a appris seul la droite et la gauche, la semaine, les mois, l'année ? [...] Sans aucun doute tout homme a connu des signes avant de connaître des choses. Disons même plus ; disons qu'il a usé des signes avant de les comprendre. L'enfant pleure et crie sans vouloir d'abord signifier ; mais il est compris aussitôt par sa mère. Il ne comprend ce qu'il dit que par les effets, c'est-à-dire les actions et les signes que sa mère lui renvoie aussitôt.« L'enfant, disait Aristote, appelle d'abord tous les hommes papa. » C'est en essayant les signes qu'il arrive aux idées ; et il est compris bien avant de comprendre ; c'est dire qu'il parle avant de penser. [...] Toute pensée est donc entre plusieurs, et objet d'échange. Apprendre à penser, c'est donc apprendre à s'accorder ; apprendre à bien penser, c'est s'accorder avec les hommes les plus éminents, par les meilleurs signes. Vérifier les signes, sans aucun doute, voilà la part des choses. Mais connaître d'abord les signes en leur sens humain, voilà l'ordre. Leçons de choses, toujours prématurées ; leçons de signes, lire, écrire, réciter, bien plus urgentes. ALAIN.

Alain traite ici de la formation de la conscience, dans une perspective de communauté humaine. Pour lui, c’est ce « tissus humain «, constitué de signes, qui conduit à la parole. Sa thèse est double : la parole précède la pensée ; et donc, puisqu’il n’y a de parole qu’à plusieurs, que la pensée est un acte partagé, qui prend place dans un réseau humain.

 

Il faudra donc bien analyser les termes suivants : signes, choses, idées, échange.

 

alain

« par l'échange, thèse qui sera développée plus avant dans le texte. Ne demandez donc point comment un homme forme ses premières idées.

Il les reçoit avec les signes ; et lepremier éveil de sa pensée est certainement, sans aucun doute, pour comprendre un signe.

Quel est donc l'enfantà qui on n'a pas montré les choses, et d'abord les hommes ? Où est-il celui qui a appris seul la droite et la gauche,la semaine, les mois, l'année ? [...] Sans aucun doute tout homme a connu des signes avant de connaître deschoses . • L'idée, indissociable de notre définition de l'humain – animal doté d'une intelligence conceptuelle – est forgéejustement par le contact avec les « signes ».

C'est-à-dire que c'est moins l'observation directe des choses quidonne naissance aux idées, que l'observation du signe qui indique la chose.

Il faut montrer les choses à l'enfant, cetacte de montrer étant un signe, pour que celui-ci puisse passer de la simple observation matérielle à laconceptualisation, c'est-à-dire à l'idée.

Ainsi, la droite et la gauche, ou le découpage du temps en semaines, mois etannées, sont des interprétations du monde, des conceptualisations, qui ne peuvent être « inventées » par l'enfantmais qui nécessitent un apprentissage, c'est-à-dire un échange (il ne peut le faire seul).

Ce n'est pas le monde réelqu'on lui montre et lui apprend, mais l'interprétation humaine de ce monde : un monde de signes. 2.

Accéder à ce monde par l'échange Disons même plus ; disons qu'il a usé des signes avant de les comprendre.

L'enfant pleure et crie sans vouloird'abord signifier ; mais il est compris aussitôt par sa mère.

Il ne comprend ce qu'il dit que par les effets, c'est-à-dire les actions et les signes que sa mère lui renvoie aussitôt.« L'enfant, disait Aristote, appelle d'abord tous leshommes papa.

» C'est en essayant les signes qu'il arrive aux idées ; et il est compris bien avant de comprendre ;c'est dire qu'il parle avant de penser.

[...] • Comment se fait l'accès aux signes et à la compréhension du monde ? Par le contact avec d'autres humains,comme nous l'avons vu.

Mais surtout parce que les autres interprètent nos propres signes.

Ce n'est pas tant ce quenous voulons dire, que le fait que les autres comprennent que nous voulons dire quelque chose qui donne naissanceaux idées.

L'enfant ne sait pas qu'il émet des signes, mais la mère les interprète comme tels. à C'est donc dans l'interaction qu'existent les signes humains puis les idées. • On accède d'abord aux mots, et ensuite seulement aux concepts. L'enfant connaît le mot « papa », qu'il rattache aux adultes de sexe masculin, avant d'en comprendre le sens exact– un adulte masculin en particulier.

Il faut donc manipuler ces signes, observer les réactions qu'ils entraînent chezles autres, avant d'en comprendre le sens. • Une thèse couramment admise fait le lien entre pensée et langage, la pensée ne pouvant exister qu'à travers lelangage.

Mais Alain étudie ici l'autre versant de ce lien : la parole existe indépendamment de la pensée.

Parler n'estpas encore « échanger des idées ou des informations » mais « faire signe ».

Il faut dans un premier temps que lesautres interprètent nos signes et les traduisent en idées pour que nous accédions à la pensée. • Un autre rapport entre langage et pensée : c'est bien ce qui fait l'intérêt du texte.

Le langage, nous en sommesconscience, est nécessairement une interaction entre plusieurs individus (on parle pour être entendu de quelqu'un) ;or, dit Alain, il en est de même pour la pensée, qui est également une interaction. 3.

Qu'est-ce que penser ? Toute pensée est donc entre plusieurs , et objet d'échange .

Apprendre à penser, c'est donc apprendre à s'accorder ; apprendre à bien penser, c'est s'accorder avec les hommes les plus éminents, par les meilleurs signes.

Vérifier les signes, sans aucun doute, voilà la part des choses.

Mais connaître d'abord les signes en leur sens humain , voilà l'ordre.

Leçons de choses, toujours prématurées ; leçons de signes, lire, écrire, réciter, bien plus urgentes . • Alain prend le contre-pied d'une idée qui s'est notamment développée avec la période romantique et qui accordeune place primordiale à l'individu, au « je ».

Or, voit-on ici, aucune pensée n'est réellement individuelle, aucune neprovient totalement de l' ego .

Toutes pensées, même celles qui nous appartiennent en propre, trouvent nécessairement leur place dans un réseau de pensées – de même que l'on parle de la « communauté des savants ».L'image du début du « tissus humain » est à comprendre également en ce sens : toutes les pensées sont tissées ensemble comme les fils d'un tissus. • La pensée n'est donc pas une simple intériorité mais un rapport entre l'intérieur et l'extérieur, rapport qui ne doitpas se faire sur le mode du conflit mais de l'harmonie : « s'accorder ».. »

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