Aide Philo " sujet "
Publié le 07/10/2012
Extrait du document
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La devise delphique laisse entendre que nous ne nous connaissons pas réellement, que la connaissance de soi n'est pas une donnée immédiate de
la conscience.
Elle nous invite donc à entreprendre une recherche, une descente dans les profondeurs de notre intériorité pour trouver l'essence
de notre être.
Or, cette recherche passe d'abord par la découverte et l'affirmation de notre moi.
Cette affirmation est le fondement de la
philosophie cartésienne en même temps que celui de toute entreprise de recherche de sa propre identité.
Pour approfondir la connaissance que
nous avons de nous-mêmes, il faut donc se demander s'il est légitime de parler du soi par soi et quels en seraient les moyens et les conditions.
La recherche de la connaissance de soi a une condition : le sentiment de notre être.
Descartes, dans son Discours sur la méthode, prouve que
l'affirmation " Je pense, donc je suis " (c'est à dire le cogito, " premier principe " de la philosophie cartésienne) est " si ferme et si assurée que
toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques [ne sont] pas capables de l'ébranler.
" En effet, il est possible de douter de tout, même
de l'existence effective de notre corps et du monde autour de nous, sauf de l'existence de notre pensée, de notre je.
A partir du moment où nous
nous rendons compte de l'irréfutabilité de l'existence de notre pensée indépendante, nous prenons conscience de notre " je.
" Il nous est permis
alors d'entamer la recherche de notre " moi ", c'est à dire de la nature de notre propre identité.
Certains philosophes imaginent que nous avons à tout moment " la conscience intime de notre moi " (Hume), que nous avons un sentiment
invincible de la connaissance de nous-mêmes que nous ne mettons que rarement en doute.
Cependant, avoir un sentiment immédiat de notre
être, ce n'est pas avoir une connaissance pleine et entière de soi.
Il arrive que nous nous surprenions nous-mêmes, ou que nous passions par de
graves crises de remise en question.
Notre comportement, notre façon de penser varient suivant nos expériences.
La connaissance de soi
implique une recherche, et cette recherche doit disposer de moyens adaptés à son but.
Nous sommes a priori les mieux placés pour nous connaître ; par l'introspection, nous pouvons accéder à une certaine connaissance de nos
sentiments, de nos qualités et de nos défauts, de nos motivations et de nos convictions.
Mais accède-t-on à un niveau particulier de la réalité
mentale par l'introspection, ou cette méthode tend-elle a susciter l'objet même auquel elle prétend accéder? Le paradoxe de l'introspection est
que le sujet se confond avec l'acte de s'observer lui-même.
De même l'introspection est normalisée par le langage.
Il n'en reste pas moins que
l'idée de "savoir " ce qu'on est soi-même soulève des difficultés de principe : en quel sens emploie-t-on " savoir ", s'il s'agit d'intériorité ?
Il paraît difficile par ce moyen d'avoir une connaissance objective de nous-mêmes : la connaissance que nous pouvons avoir de nous par
l'introspection passe à travers le filtre de l'opinion que nous nous faisons de nous.
Ainsi, nous pouvons être tentés d'exagérer, d'amoindrir ou de
taire certains de nos défauts.
Dans son roman de science-fiction La Révolution des Fourmis, Bernard Werber nous rappelle que " pour
comprendre un système, il faut… s'en extraire.
" Or, il est impossible de " sortir de soi " ! Je suis à la fois le sujet et l'objet.
Le Je qui pense le
moi en est une émanation.
L'introspection ne peut, seule, mener à la connaissance de soi.
De plus, elle est presque impuissante à juger nos
actions sans prise de recul : le temps et l'expérience qu'il délivre permet parfois de porter un regard réellement critique sur le " soi " que l'on était
auparavant - mais elle ne peut permettre d'éviter les ennuis ayant résulté d'une mauvaise action passée de notre part, elle permet tout au plus de
prendre conscience de nos erreurs passées.
Il apparaît donc clair que l'introspection ne peut suffire au philosophe recherchant son identité réelle.
Il lui est indispensable de prendre en
compte les réactions de l'Autre devant les manifestations dans le monde extérieur de sa pensée, de ses sentiments.
Si possible, il devra faire
directement appel au jugement de l'Autre.
Il lui sera ainsi permis de prendre conscience de ce qu'il se cachait, de ce à quoi il n'avait pas pensé.
Il
aura l'impression que la vérité lui " saute aux yeux ", et il aura fait un grand pas dans la connaissance qu'il a de sa propre intériorité.
Cependant, ce deuxième moyen d'accéder à la connaissance de soi n'est pas parfait ; en effet, la vision que l'Autre nous donne de nous-mêmes,
si elle a le mérite d'être différente de la nôtre, n'est pas purement objective : son jugement peut être déformé par l'amitié ou l'antipathie qu'il
éprouve pour nous.
En outre, sa critique est nécessairement incomplète, puisqu'elle ne peut s'appliquer que sur les traits de notre caractère que
nous laissons transparaître, consciemment ou non, au-dehors.
L'Autre ne peut voir que mon masque social, le " persona " des latins.
De plus,
l'Autre n'a pas forcément connaissance de notre expérience personnelle, qui influence considérablement notre psychisme.
De sa place, il ne voit
qu'une facette, qu'une manifestation de notre personnalité, certainement influencée par sa présence.
Le regard de l'observateur modifie déjà
l'objet d'observation : alors quand cet objet est un sujet capable de se modifier lui-même, cela nous entraîne dans un jeu de miroirs peu propice à
l'observation.
En effet, nous sommes des êtres changeants : notre manière d'être, notre rapport aux choses, nos convictions, peuvent varier infiniment d'un
moment de notre vie à un autre.
Là encore, notre expérience personnelle joue un grand rôle sur ce que nous sommes, en influençant l'évolution
de nos pensées conscientes et inconscientes.
Deux amis d'enfance se retrouvant après plusieurs années risquent de ne plus se reconnaître, voire
de ne plus prendre plaisir en compagnie de l'autre, tandis que si leurs voies ne s'étaient pas séparées, leur amitié serait peut-être restée intacte.
La connaissance de soi ne peut donc être à la fois totale et définitive : l'évolution de ce que nous sommes, conditionnée par l'évolution du monde
autour de nous, est un processus continu, qui ne connaît de fin qu'avec la mort.
.
" La crainte, le désir, l'espérance nous élancent vers l'avenir, et
nous dérobent le sentiment et la considération de ce qui est, pour nous amuser à ce qui sera, voire quand nous ne serons plus " Montaigne,
(Essais 1.3) souligne ainsi la perpétuelle mutation, la marche en avant de l'être.
Il montre aussi que notre faculté à nous projeter vers l'avenir
constitue un obstacle à la connaissance de notre moi.
S'il est probable de retrouver chez un individu les mêmes traits de caractère à différentes étapes de sa vie, il est fort rare que ces caractéristiques
mêmes qui font la spécificité de cette personne n'aient pas évolué tout au long de son existence.
"On ne peut pas descendre deux fois dans le
même fleuve.
" (Héraclite.) La recherche de notre " moi " s'apparente donc à la recherche philosophique de la sagesse, dans la mesure où cette
recherche est infinie.
Se connaître soi-même, ce serait se chercher à chaque instant, s'exercer sans cesse à l'autocritique.
Cet appel régulier à l'autocritique, on l'a vu, doit s'appuyer à la fois sur l'introspection et l'appel au regard de l'Autre, et rechercher la vérité dans
la confrontation des subjectivités.
La recherche de la nature du " moi " nécessite un esprit critique envers soi-même, une grande capacité
d'abstraction (puisqu'il faut s'efforcer d'oublier son amour-propre pour se considérer le moins subjectivement possible), une grande constance (il
ne faut jamais se surprendre à croire que l'on se connaît " une fois pour toutes ") et un esprit à la fois analytique et synthétique : pour arriver à la
connaissance de soi, il faut en effet savoir confronter efficacement les subjectivités (la sienne et celle de l'Autre) pour en faire jaillir la vérité.
Cependant est-il possible d'accéder à une connaissance pleine et entière de soi ? Il est clair que les moyens que nous avons passés en revue
permettent d'explorer notre intériorité, mais leur combinaison adroite peut-elle, seule, nous amener à la connaissance de l'ensemble de notre
être ?
Les découvertes de la psychanalyse, et les travaux des différents philosophes que l'on peut qualifier de " précurseurs " de cette science, semblent.
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