Agir sous l'emprise de la passion, est-ce subir ?
Publié le 21/07/2005
Extrait du document
Bien définir les termes du sujet :
- « Agir « : c’est faire quelque chose, avoir une activité qui transforme plus ou moins ce qui est. C’est aussi s’exprimer par des actes, intervenir en passant à l’action. (Le Robert)
- « Passion « : ce terme peut avoir plusieurs sens selon le contexte philosophique, mais il désigne en général une affection spécifique et très forte pour un objet donné. Il envahit la personnalité et se caractérise par l’intérêt impérieux porté à un seul objet. Cette polarisation de la conscience peut entraîner la diminution ou la perte du sens moral et de l’esprit critique. Quoi qu’il en soit, elle est difficilement maîtrisable. à Cf Ribot : « La passion est dans l’ordre affectif ce que l’idée fixe est dans l’ordre intellectuel. «
- « Subir « : Subir désigne l’attitude passive selon laquelle on se laisse mener ou persécuter par les événements sans pouvoir intervenir.
Construction de la problématique :
Lorsque j’agis, je suis en général considéré comme acteur, comme actif, je suis moi-même l’auteur de mes actes. Or le sujet semble poser de ce point de vue un problème paradoxal, puisqu’il demande s’il est possible à la fois d’agir et d’être passif, c’est-à-dire d’agir et en même temps de subir notre propre action. Cela impliquerait un dédoublement de la personnalité, celui qui agirait et qui en même temps subirait son action serait en quelque sorte son propre bourreau, il serait dépossédé de lui-même.
C’est la question que pose le sujet. Autrement dit, est-ce que lorsque je suis soumis à mes passions je suis encore en possession de moi-même, ou au contraire, est-ce que je ne deviens pas étranger à moi-même du fait que je me laisser dominer par quelque chose que je ne maîtrise pas ?
«
● C'est ce qu'explique Descartes dans Le traité des passions.
Il ne distingue pas les passions de ce que nous appellerions les états affectifs, comme l'admiration, l'étonnement, ledésir, l'amour, la tristesse… Quoi qu'il en soit, ces passions sont pour luinaturelles, et elles ne sont pas mauvaises.
Bien au contraire, leur fonctionnaturelle est de « disposer l'âme à vouloir les choses que la nature dicte nousêtre utiles, et à persister dans cette volonté.
» Passions, 52.
Ce sont doncdes sentiments que nous éprouvons et que nous pouvons utiliser commeguides dans l'action, puisqu' « elles sont toujours bonnes de leur nature.
»idem.
Si l'âme meut volontairement le corps, le corps meut aussi l'âme.
Lespassions sont l'ensemble des émotions de l'âme qui sont causées par lesmouvements ou états non volontaires du corps (exemple : la faim).
La passion incline l'âme à vouloir des choses auxquelles elle a d'aborddisposé le corps.
Ainsi la vue d'un fauve, en accélérant mon rythmecardiaque, en nouant ma gorge, etc., dispose mécaniquement mon corps àfuir, pour faire cesser ce malaise.
Mon âme, affectée de peur, croit vouloir lafuite alors que c'est le corps qui l'y entraîne.
Descartes raconte qu'il a ressenti longtemps une passion inexpliquée pour lesfemmes qui louchent.
Elle cessa le jour où on lui rappela qu'il avait été, trèsjeune, amoureux d'une jeune fille qui louchait : l'amour s'était mécaniquementassocié, dans son cerveau, à l'image d'une fille qui louche.
Il était vain dechercher des raisonnements inconscients pour expliquer sa passion ; elle n'était que mécanique.
Le seul inconscient,c'est le corps.
Les passions sont bonnes en elles-mêmes car elles nous meuvent.
Mais si elles ne sont pas réglées par la raison,elles peuvent nous perdre, en nous menant où nous ne devrions pas.
L'énergie passionnelle doit nous servir, nonnous asservir.
● Mais cela ne signifie pas qu'il faut complètement leur obéir, il faut au contraire se prémunir contre leurexcès et leur mauvais usage.
C'est ce que montre Descartes dans le même ouvrage, mais c'est surtout ce sur quoiinsiste Kant dans la Critique de la raison pure.
Selon lui, la passion « est une maladie qui exècre toute médication[…], un ensorcellement qui exclut toute amélioration.
» En effet, la passion est certes l'expression de notre nature,mais il faut limiter le plus possible l'expression de cette dernière par l'usage de la raison, puisqu'elle exprime notrecoté animal.
"Les passions, puisqu'elles peuvent se conjuguer avec la réflexion laplus calme, qu'elles ne peuvent donc pas être irréfléchies comme lesémotions et que, par conséquent, elles ne sont pas impétueuses' etpassagères, mais qu'elles s'enracinent et peuvent subsister en mêmetemps que le raisonnement, portent, on le comprend aisément, le plusgrand préjudice à la liberté ; si l'émotion est une ivresse, la passion estune maladie, qui exècre toute médication 2, et qui par là est bien pireque tous les mouvements passagers de l'âme; ceux-ci font naître dumoins le propos de s'améliorer, alors que la passion est unensorcellement qui exclut toute amélioration." KANT
1.
Introduction
• Ce texte, extrait de l'Anthropologie du point de vue pragmatique, serapporte au thème de la passion et soulève le problème de la nature de cettedernière.
La passion, dysfonctionnement majeur, pathologie dangereuse oumouvement psychique fécond pouvant porter l'âme vers de grandes choses ?• Quelle est l'idée directrice de ces lignes? La passion est une véritablemaladie de l'âme, portant atteinte à notre liberté.• On saisit ce que le texte nous fait gagner, son enjeu: une attitude pratiqueconcernant le jeu passionnel.
Si la passion est une désorganisationpathologique, nous devons tenter — si possible — de la dominer.
Or, la passion porte atteinte à la liberté.
Donc la maîtrise de la passion est difficile.
2.
Étude ordonnée
A.
Première grande partie: « Les passions [...] préjudice à la liberté»Dans cette première partie, Kant souligne que la passion porte atteinte à notre liberté.
Toute cette partie analyse lemécanisme passionnel et conclut, à partir de l'analyse de ce mécanisme, que passion et liberté sont difficilementcompatibles.
Analysons plus en détail le raisonnement de Kant.Les passions, définies comme des déséquilibres psychiques intenses et durables, se caractérisent par une certainerelation à la réflexion, conçue comme retour de la pensée sur elle-même.
L'émotion, au contraire, désigne undéséquilibre passager et violent, une surprise de l'âme aussi soudaine que momentanée, surprise parfaitement.
»
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