Agent de l'histoire ?
Publié le 30/08/2014
Extrait du document
Lorsque Marx entend « faire descendre la dialectique hégélienne du ciel des idées sur la terre des hommes «, il commence par considérer que c'est par son travail que l'homme est producteur d'une Histoire. Bien que, au début de cette dernière, l'accès au travail ne soit certainement pas volontaire (la volonté ou la conscience étant elles-mêmes des conséquences des transformations introduites dans l'homme par le travail), l'Histoire, une fois mise en place, doit être conçue selon le schéma d'un va-et-vient dialectique entre conditions matérielles et représentations. Le matérialisme (dialectique) de Marx souligne que les modifications qui s'effectuent dans le réel dépendent à la fois de facteurs déjà matériels et de facteurs idéologiques : doit ainsi être conçue une sorte de collaboration ou de complémentarité entre une histoire qui arrive à l'homme et une histoire qui arrive par l'homme.
«
[1 -Du hasard au plan imposé]
La question posée n'a de sens que pour une mentalité qui essaie de
donner à l'être humain une part plus ou moins importante de responsa
bilité dans le déroulement des choses.
Autant dire qu'elle ne se poserait
ni pour une mentalité admettant que
1' ordre du monde est défini par
des divinités,
ni pour une interprétation du monde dans laquelle les
événements sont perçus comme plus ou moins aléatoires, non soumis à
une organisation, ni enfin pour une pensée affirmant le caractère
cyclique de la temporalité.
Dans ce dernier cas, il est clair que les évé
nements, inscrits dans une circularité métaphysique, échappent à la
volonté humaine.
Il en va de même pour les deux autres cas évoqués : si c'est le hasard,
ou une volonté divine, qui est maître du jeu, l'homme assiste aux événe
ments sans le moindre pouvoir
d'y intervenir; ce mode de pensée sur
l'Histoire comme chaos, ou comme domaine peu compréhensible par
l'homme,
se rencontre dans l'Antiquité grecque, accompagné de considé
rations sur le caractère énigmatique, mais inéluctable, du destin.
Les
choses arrivent à l'homme, qui les subit et
ne peut, même s'ill'essaie, les
éviter (comme l'enseigne l'histoire d'Œdipe).
Pour que
se pose la question de savoir si l'Histoire est faite d'un déter
minisme étranger à l'homme ou
si elle dépend de son initiative, il est
d'abord nécessaire qu'elle soit conçue comme
se déroulant selon une tem
poralité linéaire, éventuellement orientée à partir de son commencement.
On sait que cette conception est celle de la pensée chrétienne, et il n'est
pas étonnant que ce soit dans cette même pensée chrétienne que
se ren
contre, avec Bossuet, une philosophie de l'Histoire nous enseignant que
cette dernière ne dépend que de la volonté de Dieu et des voies de la Pro
vidence : dans ce contexte, l'homme doit même s'abstenir de juger la
valeur des événements (il risque de mal en comprendre la portée) en se
confiant à la Providence divine, qui ne peut bien entendu que travailler à
la réalisation finale d'un bien.
En affirmant la création de l'homme par Dieu, le christianisme
considère de surcroît que l'homme a pour tâche de réaliser une essence
en même temps que les projets divins.
C'est dans ce cadre que peuvent
se rencontrer des difficultés concernant la définition de la liberté
humaine, et de son action possible dans l'Histoire.
En considérant par
exemple que le destin de
1' âme individuelle est prédéterminé par la
volonté divine, la théologie calviniste ôte pratiquement toute significa
tion ou valeur aux actes, incapables de modifier un décret divin :
1' exis
tence de l'être humain ne peut être consacrée
qu'à la réalisation d'un tel
décret..
»
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