Admettre l'inconscient, est-ce nier la liberté ?
Publié le 27/02/2008
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La construction progressive de la notion d'inconscient a toujours chez Freud été accompagnée de l'idée qu'il régnait, dans les phénomènes psychiques, un déterminisme aussi puissant que dans les phénomènes naturels; dans un cas comme dans l'autre, il semble possible d'expliquer tout ce qui arrive par des causes précises. Cette thèse semble bien en complète opposition avec une théorie de la liberté comme libre arbitre, qui postule au cœur de la réalité de la liberté humaine une indétermination essentielle ou, du moins, une capacité à se déterminer de manière autonome, indépendamment de toute cause extérieure. Bien plus, la théorie de l'inconscient pousserait alors à son comble le déterminisme : s'il n'y a même pas de liberté psychique, mais si au contraire le moindre de nos rêves, de nos associations de pensées a des causes, et qui plus est des causes qui nous échappent, il semble décidément que notre conscience ne soit plus seule maître à bord. Il faudrait compter avec l'inconscient comme avec une force aussi contraignante que la pesanteur terrestre. Dans le cas particulier de la psychanalyse, et à la différence de celui des sciences en général, le déterminisme peut s'entendre en deux sens : il peut tout à la fois renvoyer au principe de causalité (Tout a une cause) et au principe d'interprétabilité (Tout a un sens). On s'intéressera surtout ici au deuxième sens : l'affirmation de mobiles inconscients, inconnus du patient, mais interprétables par le psychanalyste, n'ouvre-t-elle pas grande ouverte la voie de l'interprétation abusive, ne laissant d'autre issue au patient que d'accepter l'explication de son symptôme ou de son rêve que lui fournit l'analyste ? Admettre l'inconscient, est-ce nier la liberté ?
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légitimement se demander ce que peut encore signifier liberté d'action pour lui.
Freud cite de nombreux exemples de patients qui trouvent à leurs comportements pathologiques des raisonsd'apparence cohérente.
Cette remarque peut s'étendre à tous les individusqui, en réalité, agissent en ignorant les causes profondes qui les incitent à lefaire.
En effet, le moi est fondamentalement dans un rapport deméconnaissance avec tout ce qui l'entoure comme ce « clown de cirque qui,par ses gestes, cherche à persuader l'assistance que tous les changementsqui se produisent dans le manège sont des effets de sa volonté ».Une telle définition, poussée à l'extrême, ne peut avoir pour conséquence quela remise en cause du libre-arbitre, et plus généralement de l'idée de libertéde l'individuelle.
La mise en question de la responsabilitéSi l'inconscient nous manipule sans cesse à notre insu, nous ne sommesjamais sûrs de choisir nos actes en fonction de mobiles librement délibérés.Dès lors, quel sens peut-on donner à la notion de responsabilité ? Commentpeut-on nous imputer des actes que nous n'avons pas vraiment voulus, ausens le plus fort de ce terme ? Il faudrait dans ces conditions renoncer àl'idée même de responsabilité, puisque l'auteur d'un acte ne peut jamaisl'assumer totalement, qu'il soit jugé positif ou négatif.
Il faudrait rappeler icique la justice, aujourd'hui, tient compte de certains aspects psychologiquesdes accusés, avant de les condamner : justice et psychiatrie entretiennentdes relations de plus en plus étroites.
2 - L'autonomie de la conscience
a) L'indépendance du moi La conception psychanalytique, dans le schématisme précédent, transforme l'inconscient en une véritable fatalité qui pèserait sur les hommes.
Or, Freud lui-même montre que nous pouvons avoir prise sur l'inconscient : le traitement des névroses par la cure permet de faire disparaître, au moins partiellement les troubles pathologiques.Comment l'activité consciente peut-elle obtenir ce résultat si elle ne dispose d'une certaine autonomie ? Il faudraitalors en conclure que la conscience n'est pas entièrement dominée par les pulsions ou les instincts, et qu'elle gardeune certaine autonomie.
L'hésitation des psychanalystes, voire les contradictions que l'on peut relever dans leurs différentes conceptions, ne font que souligner l'importance de l'enjeu.
Quel est en effet le but de la cure psychanalytique ? Comment peut-on apprécier la guérison d'un patient ? Et plus profondément, quelle est la fonctionde la psychanalyse ? La réponse à ces questions est du plus grand intérêt pour le problème qui nous occupe, car elle conditionne l'idée que l'on se fait de la place du moi dans l'appareil psychique. Si l'on admet que le moi conscient garde une autonomie par rapport à l'inconscient, ce dernier n'apparaît plus comme une fatalité, mais comme un obstacle à la libre expression du moi.
b) L'inconscient comme déterminisme Dans ce cas, la liberté n'est plus niée par l'existence de l'inconscient.
Celle-ci devient un obstacle à franchir, undéterminisme supplémentaire qui limite l'autonomie de l'individu, mais ne la supprime pas.
Or, l'existence de déterminismes ne fait pas disparaître la liberté, elle l'oblige seulement à se redéfinir.
Bien mieux, la connaissance desdéterminismes accroît la capacité d'action des individus, en permettant la maîtrise de l'obstacle.
Savoir est toujoursun auxiliaire de pouvoir.
La découverte de l'inconscient peut, en ce sens, être un facteur de libération.
En prenantconscience des origines de son trouble, le patient retrouve son équilibre et se libère d'un fardeau.
Dans cetteperspective, l'inconscient n'exclut pas l'idée de liberté, il contribue au contraire à étendre, et préciser son domaine.Mais on voit bien que le mot liberté n'est plus porteur de la même signification.
Dans le premier cas, il renvoyait à une essence de l'homme ; ici, il réfère seulement à son pouvoir d'agir.
3 - L'enjeu philosophique
a) L'exemple de Sartre La philosophie sartrienne a su concilier liberté et acquis de la psychanalyse.
Les déterminations inconscientes nesont pas niées : les biographies de Genêt, Flaubert ou Baudelaire écrites par Sartre les prennent en compte.
Mais elles sont intégrées dans la liberté fondamentale de tout être existant.
La notion de projet qui unifie le comportement individuel permet de surmonter la contradiction.
Flaubert ou Baudelaire peuvent bien avoir étédéterminés à se comporter d'une certaine manière, il arrive toujours un moment où ils adhèrent à ce qu'on a faitd'eux (ou le refusent).
L'individu ne devient pleinement lui-même que par cet acte qui reprend, intègre et dépasse la détermination dans une intention.
b) Reich : un contre-exemple L'optique de Reich est différente ; il reproche à Freud de n'être pas allé jusqu'au bout de sa découverte.
Après avoirmis à jour la puissance et l'importance du désir, sous la forme des tendances refoulées, Freud aurait contribué à leurrépression en affirmant la nécessité de leur contrôle par les forces de censure de l'appareil psychique.
Pour Reich,au contraire, la liberté ne sera,complète que si l'on libère les forces de l'inconscient que l'ordre social s'efforce de réprimer.
Le cas limite de Reich est intéressant parce qu'il met en lumière l'ambiguïté de la découverte psychanalytique.
Devant la difficulté de préciser la nature exacte de l'inconscient, des rapports qu'il entretient avec.
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