ACCOMPLIR TOUS SES DÉSIRS EST-CE UNE BONNE RÈGLE DE VIE
Publié le 16/12/2013
Extrait du document
«
naturel : c'est le moyen le plus sûr d'arriver à ce que l'on veut à travers tout ce que nous faisons : le
bonheur.
Il ne s'agit pas tant d' une règle de vie que de la règle.
Et c'est une bonne règle de vie car
c'est la règle de la vie bonne.
Mais il reste à voir si cette règle est toujours applicable.
Si cette règle de vie n'est pas toujours applicable, si elle admet des exceptions dans sa mise
en oeuvre, elle ne vaut plus grand chose comme règle.
Par sa nature de règle, elle doit être toujours
applicable et il y a plusieurs reproches que l'on peut lui faire à ce titre.
Tout d'abord, il semble bien que le désir peut être impossible à satisfaire.
Par exemple, je
peux désirer deux choses contradictoires, être à la fois grande et petite, blonde et brune...
Contrairement à la volonté, le désir n'a pas de règle.
Et surtout, on peut très bien désirer quelque
chose sans vouloir se donner les moyens de l'obtenir : je peux désirer être immensément riche, mais
sans travailler.
À partir de là, il apparaît que si satisfaire tous ses désirs est la clé du bonheur, cette
clé ouvre aussi celle du malheur.
Avoir des désirs, c'est aussi, éventuellement, ne pas pouvoir tous
les satisfaire, il y en aura toujours un que nous ne pourrons pas satisfaire et qui va enlever leur éclat
à tous ceux qui seront à notre portée.
Tout désir comporte quelque part une portion d'imaginaire
mais ce n'est peut-être qu'une critique de mauvaise fois.
Au fond, ce qui compte, c'est de pouvoir de
temps en temps arriver à éprouver du plaisir, ce qui n'est possible qu'en accomplissant un ou des
désirs.
Mais même ce lien du désir au plaisir peut être retourné comme une critique contre le désir.
Comme le fait remarquer Schopenhauer dans le monde comme volonté et comme représentation ,
"Il n'y a pas de satisfaction qui d'elle-même et comme de son propre mouvement vienne à nous; il
faut qu'elle soit la satisfaction d'un désir.
Le désir, en effet, est la condition préliminaire de toute
jouissance.
Or avec la satisfaction cesse le désir, et par conséquent, la jouissance aussi".
Le désir est
donc, en un premier temps, la conditio pour qu'il y ait un plaisir, mais ensuite, arrivé à cette
jouissance, sa disparition ôte au plaisir ce qui en faisait le prix.
Le désir est une promesse de plaisir,
mais ce plaisir est toujours reporté à plus tard, la promesse n'est jamais tenue.
C'est pourquoi
l'homme ne fait que passer de désir en désir, à l'infini.
Il semblerait donc qu'il serait vain d'attendre
de la satisfaction de tous ses désirs, une forme quelconque de bonheur.
A moins qu'il ne faille, avec
Epicure, distinguer parmi les désirs ceux qu'on peut satisfaire et ceux qui ne peuvent en aucun cas
obtenir satisfaction.
En effet, dans la Lettre à Ménécée , Epicure conseille, pour arriver à la vie
heureuse, de ne pas satisfaire tous ses désirs, mais seulement certains d'entre eux, de satisfaire tous
les désirs mais d'une classe particulière.
Il faut éviter les désirs qui ne sont ni naturels, ni
nécessaires, comme le désir de gloire ou d'immortalité.
Ce désir est vain par excellence, un désir
vide.
A fuir également, les désirs naturels mais non nécessaires : il est naturel de désirer manger
quand on a faim, boire quand on a soif, mais peu importe ce que l'on mange, pourvu que le désir
soit satisfait.
Le désir porte naturellement sur un besoin, pas sur un objet particulier pour satisfaire
ce besoin.
Les désirs naturels et non nécessaires sont ceux où l'imagination fait de l'objet du désir
une fin en soi, et dès lors, on n'en aura jamais assez, si bien que ce désir ne s'éteint jamais, il renaît
de ses cendres, toujours plus fort, toujours plus pressant.
On peut le comparer à un tonneau cassé,
celui des Danaïdes, châtiment infernal où le désir est toujours plus accusé et inversement
proportionnel à la puissance de sa réalisation.
Ce désir naturel et non nécessaire est en fait la
perversion du seul bon désir : le désir naturel et nécessaire, qui consiste à ne pas se rassasier du
plaisir que nous donne la satisfaction du désir naturel et nécessaire.
Comme on prend plaisir à
manger, on va exiger une nourriture toujours plus élaborée, alourdie par les épices et les sauces, et
en manger jusqu'à l'écoeurement, où le plaisir devient une souffrance, traduite, dans notre exemple,
par des maux de ventre.
Ainsi, on voit que ce qui fait la perfection de certains désirs parmis
d'autres, c'est d'avoir une limite naturelle : manger jusqu'à un certain point, mais pas plus loin.
Savoir distinguer les désirs que l'on peut satisfaire et ceux qui ne peuvent être satisfaits, voilà l'acte
fondateur de la vie heureuse.
Nous avons donc vu que vouloir satisfaire tous ses désirs est le plus sûr moyen de ne jamais
atteindre le bonheur.
Cependant, n'en satisfaire que quelques-uns, savoir faire des choix parmis nos
propres désirs, c'est sans doute là la meilleure règle de vie possible.
Mais n'y en a t-il pas d'autres ?
Est-ce nécessairement la seule bonne règle ? Et, une "bonne" règle de vie, est-ce celle qui mène au
bonheur ?.
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