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A-t-on toujours admis que les sciences ont, ou doivent avoir, une utilité ?

Publié le 21/01/2020

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travaille pour améliorer le sort des hommes (Pasteur, selon l’imagerie convenue) vient se superposer un savant plus inquiétant, ou carrément dangereux : ce n’est plus seulement parce que les secrets qu’il cherche à percer peuvent produire des conséquences échappant à son contrôle (Franken-stein), c’est, plus gravement, parce que ses recherches peuvent obéir à des visées perverses. Parallèlement, l’opinion commence à craindre les effets négatifs des techniques les plus perturbantes (ne risque-t-on pas de s’asphyxier dans les tunnels ferroviaires ?). Ainsi, ç’est un complexe technoscientifique qui se trouve doté de qualités contradictoires. Et le xx’ siècle confirme de façon particulièrement dramatique cette ambivalence.

D’où le mélange permanent d’espoirs et de critiques qui accompagnent, pour l’opinion, toute allusion aux sciences : on en attend la guérison de toutes les maladies, mais on en déplore les effets catastrophiques. On s’impatiente pour voyager dans

« CORRIGÉ 19 [I.

Une utilité« moderne»] L'idée que les sciences peuvent servir à quelque chose est aussi bien ancienne que récente, selon le sens que l'on donne au verbe« servir à».

Si l'on admet que tout apport d'une satisfaction peut être compris comme une modàlité du « servir à », les sciences ont toujours servi à quelque chose - ne serait-ce qu'à satisfaire la curiosité, la soif de savoir, éventuellement à calmer l'inquiétude de l'homme face aux phénomènes qu'il n~ pouvait initialement comprendre.

Toute compréhension intellec­ tuelle ou toute connaissance (scientifique aussi bien que préscientifique) a de ce point de vue l'avantage de supprimer un peu de la distance existant entre l'homme et le monde : l'interprétation d'un phénomène naturel donne à celui-ci une teinture d'humanité en le transférant du monde objec­ tif vers un monde conceptuel ou « subjectif» (au sens où il intègre alors la subjectivité humaine en général, et non une subjectivité individuelle).

Comprendre scientifiquement le monde, c'est alors en élaborer une version humaine peut-être la meilleure version humaine possible-, et une telle humanisation prend aisément le sens d'une démonstration des capacités intellectuelles de l'homme en même temps qu'elle comble sa curiosité.

Mais «servir à» peut être considéré d'un point de vue plus concret - au sens où les sciences pourraient nous rendre service - en modifiant, non seulement notre interprétation des choses, mais notre situation dans le monde : nos capacités à y agir, nos possibilités d'intervention sur la nature.

C'est déjà le point de vue que l'on trouve chez Bacon, qui est repris par Descartes et qui se trouve finalement confirmé par Auguste Comte : depuis la fin du Moyen Âge, il est bien admis que le savoir confère du pouvoir, et les sciences, alliées aux techniques qui en sont, au moins partiellement, les conséquences, doivent aider l'homme à devenir comme «maître et possesseur de la nature».

La formule cartésienne ne fait sans doute que reprendre un projet déjà évoqué dans la Bible, mais elle lui confère une efficacité nouvelle à l'articulant à un savoir précis, dont les applications telles que Descartes les prévoit permettront de changer la situation de l'homme dans le monde.

Ce projet s'est révélé, dans l'histoire, tout à fait réalisable.

En effet, les Temps modernes montrent, depuis le XVII" siècle, que les sciences n'en finissent pas de bouleverser les relations entre l'homme et la nature.

Loin de nous donner seulement un certain savoir, elles nous confèrent un pou­ voir sur le monde - qui nous permet de l'explorer, d'y circuler de mieux en mieux, d'en modifier l'aspect, de l'exploiter.

[Il.

Des performances ambiguës] Dès la fin du xrx< siècle cependant, l'image publique des sciences et des savants se nuance de quelques aspects négatifs.

Au « bon » savant qui 97. »

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