A-t-on raison de dire que les grands hommes font l'histoire ?
Publié le 03/09/2009
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A-t-on raison de dire que les grands hommes font l'histoire ?
En posant la question « les grands hommes font l’histoire ? « il nous semblera d’abord évident de répondre par l’affirmative. En effet, il semble qu’un grand homme n’en est un précisément que parce qu’il a la capacité à modifier le cours de l’histoire au moyen de ses actes, ou de ses pensées, celles-ci donnant à l’histoire une inflexion différente. Cependant, nous verrons qu’à proprement parler, personne ne fait l’histoire seul, pas même les grands hommes, car jamais un individu ne peut jamais modeler intentionnellement l’histoire, elle lui échappe toujours. En vérité, ce sont les hommes dans leur ensemble, par l’interaction de leurs agirs particuliers, qui en viennent à faire l’histoire. Enfin, nous verrons que si le grand homme n’est jamais celui qui fait l’histoire, il est au contraire celui qui la marque et qui est fait par elle, puisque ce n’est jamais qu’à posteriori qu’un individu se voit donner durablement le titre de «grand homme «.
La question au centre de notre travail sera donc de déterminer si le grand homme se définit comme celui qui fait l’histoire ou qui est fait par elle.
«
l'histoire.
En effet, si les grands hommes ont eu des activités différentes, celles-ci ont du moins eu pour effet dechanger le monde dans lequel ils vivaient et d'enclencher des suites causales qui à leur tour ont modifié l'avenir.Pensons, par exemple, au général de Gaulle : il est considéré comme un grand homme par la France parce que sonopposition immédiate à l'occupation et au régime de la collaboration instauré par Vichy ont permis à son pays dedemeurer dans la guerre, de poursuivre le conflit (sans parler de ses accomplissements ultérieurs, tels que lacinquième république).
Parallèlement, Goethe est également considéré comme un grand homme, parce que l'ampleuret l'extrême qualité de ses travaux littéraires ont donné à la langue allemande une brillante et éternelle illustration.Nous dirons donc que les grands hommes, en dépit de leurs apparentes différences, ont ceci de commun qu'ils fontl'histoire par les répercussions de leurs pensées ou de leurs actes.
II.
Les grands hommes ne font pas l'histoire, ce sont les hommes dans leur ensemble qui la font par leurs interactions
L'histoire ne peut être faite par un individu solitaire, fut-il un « grand homme » a.
Néanmoins, nous ne pouvons en rester à une telle thèse.
En effet, il semble bien que les grands hommes ne font pasl'histoire, pour la bonne raison qu'aucun homme seul n'en est capable.
Prenons un peu garde au verbe « faire ».
Ceverbe désigne l'activité par laquelle un individu se représente une fin à accomplir et la fait advenir au moyen de sonaction.
Faire, c'est toujours générer quelque chose qui sans notre intervention n'aurait jamais vu le jour.
Or, il esttout à fait impossible à un homme seul, fut-il un « grand homme » de faire l'histoire.
En effet, l'histoire ne précèdepas à l'homme, c'est toujours lui qui s'inscrit dans l'histoire.
Et quand bien même nous reconnaissons que l'acte d'unhomme seul peut avoir des conséquences absolument considérables, cela ne signifie pas pour autant que l'histoire aété faite par lui.
En effet, commettant cet acte, il n'a eu en vu que des effets limités en nombre et en portée, etnon l'ensemble des conséquences dont il s'est ensuite trouvé qu'elles résultaient de son acte.
Allant plus loin, nouspouvons voir que dans Condition de l'homme moderne , Hannah Arendt distingue entre le travail, l'œuvre et l'action. Hannah Arendt montre bien dans cet ouvrage que l'on ne fait pas l'histoire comme l'on fait un objet : dans sonchapitre « Action » elle montre que l'histoire est le résultat d'une interaction incontrôlable, imprévisible, entre leshommes.
Un homme seul ne peut faire l'histoire car son influence est doublement partielle : ce n'est jamais lui seulqui la change, il lui faut nécessairement le concours ou a minima l'aveu de ses contemporains (Napoléon n'a pasenvahi la Russie tout seul !) ; et ce n'est jamais l'histoire elle-même qu'il change, mais une partie limitée de celle-ci.Nous dirons donc que l'on a tort de prétendre qu'un grand homme fait l'histoire, car nul homme n'en est capable.
L'histoire n'est faite que par la somme des interactions entre les hommes b.
Par conséquent, si l'histoire n'est pas faite par les grands hommes, alors que nous étions enclins à penser que cetteactivité leur était propre, il nous reste à déterminer qui fait l'histoire.
Nous dirons donc que l 'histoire a beau être réalisée par des hommes qui poursuivent consciemment des fins déterminées, c'est en définitive le hasard qui décidedes conséquences réelles de leurs actes.
Telle est la thèse exposée dans le texte suivant par Engels :
"L'histoire du développement de la société se révèle, sur un point, essentiellement différente de celle de la nature.Dans la nature, ce sont uniquement des facteurs inconscients et aveugles qui agissent les uns sur les autres etc'est dans leur jeu changeant que se manifeste la loi générale.
De tout ce qui se produit, rien ne se produit en tantque but conscient, voulu.
Par contre, dans l'histoire de la société, ceux qui agissent sont exclusivement deshommes doués de conscience, agissant avec réflexion ou avec passion et poursuivant des buts déterminés ; rienne se produit sans dessein conscient, sans fin voulue.
Mais cette différence, quelle que soit son importance pourl'investigation historique, surtout d'époques et d'événements pris isolément, ne peut rien changer au fait que lecours de l'histoire est sous l'empire de lois générales internes.
Car, ici aussi, malgré les buts consciemmentpoursuivis par tous les individus, c'est le hasard qui, d'une façon générale, règne en apparence à la surface.
[...]Les buts des actions sont voulus, mais les résultats que donnent réelle ment ces actions ne le sont pas, ou s'ilssemblent, au début, correspondre malgré tout au but poursuivi, ils ont finalement des conséquences tout autresque celles qui ont été voulues.
Ainsi les événements historiques seraient en gros également dominés par lehasard.
Mais partout où le hasard semble jouer à la surface, il est toujours sous l'empire de lois internes cachées,et il ne s'agit que de les découvrir.
Les hommes font heur histoire, quelque tournure qu'elle prenne, en poursuivantchacun leurs fins propres, consciemment voulues, et c'est précisément la résultante de ces nombreuses volontésagissant dans des directions différentes et de leurs répercussions variées sur le monde extérieur qui constitue.
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