A-t-on le droit de forcer la volonté humaine ?
Publié le 27/02/2008
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politique, qui me permet à la fois de n'obéir qu'à moi-même (puisque je peux me considérer comme l'auteur de la volonté générale, qui est une partiede MA volonté), et ne pas subir la volonté d'un autre (plus fort, plus rusé, plus riche).
De plus, il y a fort à parier que les lois seront justes, puisque ceux qui les font doivent les subir ; chaque membre del'Etat est à la fois et législateur et sujet.
Son propre intérêt lui commande donc de faire des lois judicieuses, puisqu'ilen subira les conséquences.
Ainsi, l'égoïsme naturel se voit servir l'intérêt commun.
On comprend alors la fort belle formule de Rousseau : « L'obéissance à la loi qu'on s'est prescrite est liberté. » La liberté n'est pas le caprice, mais le respect des lois que l'on se donne à soi-même et qui nous préservent de subir lecaprice d'autrui.
Cependant, il se peut qu'un individu désobéisse à la loi.
De quel droit le punir ? Est-ce légitime ?
Pour comprendre la réponse de Rousseau , il faut comprendre le mécanisme même qui pousse u individu à désobéir.
En désobéissant à la loi, je désobéis à moi-même, à une partie de ma volonté commune.
Cela n'est possible queparce qu'il y a une différence entre « homme » et « citoyen » : « En effet chaque individu peut avoir une volonté particulière contraire ou dissemblable à la volonté générale qu'il a comme citoyen. » Contrevenir aux lois, c'est faire prédominer sa « volonté particulière », son intérêt propre sur l' » intérêt général » qu'on continue d'avoir comme «citoyen ».
Par exemple, il y a fort à parier que, comme « citoyen », j'ai voulu et continue de vouloir une loi interdisant le vol ou protégeant la propriété.
Il se peut que dans le même temps je désire m'approprier le bien de mon voisin.
Si je vole,je ferai prévaloir mon intérêt égoïste sur l' « intérêt général » qui est aussi le mien, donc je voudrais à la fois que la loi me protège, et à la fois la violer quand cela m'arrange.
Le raisonnement du contrevenant fait « [qu'] il jouirait des droits du citoyen sans vouloir remplir les devoirs du sujet.
»
Il est clair que l'attitude du contrevenant est contradictoire et injuste, et que le corps social a donc le droitd'exercer sur lui une contrainte.
Il est légitime de faire respecter les lois, qui, sinon n'auraient plus lieu d'être.
Mais Rousseau va plus loin ; en me forçant à obéir aux lois, on ne me contraint à rien d'autre qu'à obéir à ma propre volonté (cad à la volonté générale), on me rappelle à mon statut de citoyen.
Or être citoyen, protégé pardes lois dont on est l'auteur, est la seule façon d'échapper aux rapports de forces entre individus qui ont desvolontés antagonistes, d'être soumis à la volonté du plus fort, de sombrer dans des liens de dépendancepersonnelle :
« Ce qui signifie autre chose sinon qu'on le forcera d'être libre ; car telle est la condition qui, donnant chaquecitoyen à la patrie, le garantit de toute dépendance personnelle. »
En analysant la contradiction qui peut exister entre la volonté que l'on peut avoir comme individu privé et égoïste,et la volonté universelle que l'on a comme citoyen, Rousseau ouvre la voie aux magnifiques analyses morales de Kant , qui retranscrira sur le plan éthique ce que Rousseau met à jour au plan politique.
Le rôle de l'Etat est de « transformer chaque individu, qui par lui-même est un tout parfait et solitaire, en partie d'un plus grand tout dont cet individu reçoive en quelque sorte sa vie et son être. »
Si de telles formules ont ou faire croire à un Rousseau partisan de l'autoritarisme, de l'emprise de l'Etat sur l'individu, on ne doit pas oublier que ce penseur fait de la liberté un bien inaliénable.
Transition : si la moralité des individus se présente comme un motif légitime pour forcer la volonté, cettemême moralité se présente également comme un obstacle.
2) L'acte semble en effet échapper à toute influence ou toute détermination.
L'acte moral est celui qui relève del'autonomie et non de l'hétéronomie (être déterminé par).
L'analyse de Kant dans La Critique de la raison pratique , met en lumière l'aspect universel de la moralité qui suppose une liberté qui veut obéir à la loi morale pour elle-même.Il n'est en aucune façon question d'une volonté humaine qui soit aiguillée par une quelconque pression extérieure :pas de motif, pas d'intérêt.
C'est ce qui fait la dignité de l'homme : la possibilité de suivre seul la loi morale comprisecomme un impératif catégorique.
KANT : le devoir comme impératif catégorique
Selon Kant, la volonté n'obéit pas toujours naturellement à la raison.
Dans ce cas la raison exerce une contraintesur la volonté.
Cette contraintes'appelle un impératif.
Les impératifs sont de deux sortes :— les impératifs hypothétiques expriment la nécessité pratique de certaines actions considérées non en elles-mêmesmais pour leurs résultats, c'est-à-dire comme des moyens subordonnés à une fin (par exemple, je dois prendre cemédicament pour guérir, si je veux guérir).
Les impératifs hypothétiques serattachent à la prudence et visent le bonheur de l'individu ;— les impératifs catégoriques, en revanche, commandent les actions non pour leurs résultats, mais pour elles-.
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