À quoi reconnaît-on une science?
Publié le 31/01/2020
Extrait du document
A La méthode scientifique commence par l'observation des phénomènes. Ensuite, le scientifique formule des hypothèses pour expliquer les phénomènes qu'il observe. Enfin, il crée des expériences pour les mettre à l'épreuve. La méthode scientifique tiendrait donc dans ce triptyque : 1°) observation - 2°) hypothèse - 3°) expérimentation.
B. Pourtant, les mythes religieux donnent également des explications aux phénomènes : le tonnerre serait le fracas de la colère des dieux. Les hypothèses et les expérimentations scientifiques se singularisent en fait par leur effort « d'objectivité ». En effet, elles quantifient, autrement dit elles mesurent les phénomènes observés et les résultats prévus, afin que leur observation, leur vérification ou leur infirmation puissent être reproduites par tout homme.
«
Comment distinguer le savoir scientifique du charlatanisme ou de la pure et simple idéologie? Quelles sont lesqualités spécifiques de la science ?
1.
Signe extérieur de scientificité : l'efficacité.
A.
Qu'il s'agisse de superstition ou d'idéologie, de nombreux discours se prétendent scientifiques pour se donner unelégitimité.
Toutefois, ils n'ont qu'une emprise purement imaginaire sur la réalité matérielle : jamais un alchimiste n'aobtenu de l'or à partir du plomb.
On peut ainsi distinguer aisément les sciences de ce qui en emprunte le masque.
B.
La science nous permet de « nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature», comme l'écrit Descartesdans le Discours de la méthode.
Ce qui différencie la chimie moderne de l'alchimie médiévale, c'est d'abord l'efficacitématérielle.
Pourtant, ne confondons-nous pas ici la science avec ses prolongements techniques? N'assimilons-nouspas le « savoir » au « savoir-faire » qui en dérive?
...
et ainsi nous rendre comme maîtres et possesseurs de la nature (Descartes)
Dans la sixième partie du « Discours de la méthode » (1637), Descartes met au jour un projet dont nous sommes les héritiers.
Il s'agit de promouvoir une nouvelle conception de la science, de latechnique et de leurs rapports, apte à nous rendre « comme maître et possesseurs de la nature ». Descartes n'inaugure pas seulement l'ère du mécanisme, mais aussi celle du machinisme, de la domination technicienne du monde.
Si Descartes marque une étape essentielle dans l'histoire de la philosophie, c'est qu'il rompt de façon radicale et essentielle avec sacompréhension antérieure.
Dans le « Discours de la méthode », Descartes polémique avec la philosophie de son temps et des siècles passés : lascolastique, que l'on peut définir comme une réappropriation chrétienne de ladoctrine d' Aristote .
Plus précisément, il s'agit dans notre passage de substituer « à la philosophie spéculative qu'on enseigne dans les écoles » une « philosophie pratique ».
La philosophie spéculative désigne la scolastique, qui fait prédominer la contemplation sur l'action, le voir sur l'agir.
Aristote et la tradition grecque faisaient de la science une activité libre et désintéressée,n'ayant d'autre but que de comprendre le monde, d'en admirer la beauté.
Lavie active est conçue comme coupée de la vie spéculative, seule digne non seulement des hommes, mais des dieux.
Descartes subvertit la tradition.
D'une part, il cherche des « connaissances qui soient fort utiles à la vie », d'autre part la science cartésienne ne contemple plus les choses de la nature, mais construit des objets de connaissance.
Avec le cartésianisme, un idéal d'action, demaîtrise s'introduit au coeur même de l'activité de connaître.
La science antique & la philosophie chrétienne étaient désintéressées ; Descartes veut, lui, une « philosophie pratique ».
« Ce qui n'est pas seulement à désirer pour l'invention d'une infinité d'artifices qui feraient qu'on jouirait sans aucune peine des fruits de la terre et de toutes les commodités qui s'y trouvent, maisprincipalement aussi pour la conservation de la santé [...] »
La nature ne se contemple plus, elle se domine.
Elle ne chante plus les louanges de Dieu, elle est offerte à l'homme pour qu'il l'exploite et s'en rende « comme maître & possesseur ».
Or, non seulement la compréhension de la science se voit transformée, mais dans un même mouvement, celle de la technique.
Si la science peut devenir pratique (et non plus seulement spéculative), c'est qu'elle peuts'appliquer dans une technique.
La technique n'est plus un art, un savoir-faire, une routine, elle devient une scienceappliquée.
D'une part, il s'agit de connaître les éléments « aussi distinctement que nous connaissons les métiers de nos artisans ».
Puis « de les employer de même façon à tous les usages auxquels ils sont propres ».
Il n'est pas indifférent que l'activité artisanale devienne le modèle de la connaissance.
On connaît comme on agit ou ontransforme, et dans un même but.
La nature désenchantée n'est plus qu'un matériau offert à l'action de l'homme,dans son propre intérêt.
Connaître et fabriquer vont de pair.
D'autre part, il s'agit « d'inventer une infinité d'artifices » pour jouir sans aucune peine de ce que fournit la nature.
La salut de l'homme provient de sa capacité à maîtriser et même dominer techniquement, artificiellement lanature.
Ce projet d'une science intéressée, qui doive nous rendre apte à dominer et exploiter techniquement une nature désenchantée est encore le nôtre.
Or la formule de Descartes est aussi précise que glacée ; il faut nous rendre « comme maître et possesseur de la nature ».
« Comme », car Dieu seul est véritablement maître & possesseur.
Cependant, l'homme est ici décrit.
»
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