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A quoi reconnaît-on qu'un problème est philosophique ?

Publié le 01/08/2004

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Le problème n'existe que parce qu'on admet l'idée qu'il existe une vérité : s'il n'y a qu'une vérité, l'existence de deux thèses contradictoires est certes un problème. Mais pourquoi ne pas admettre plus simplement qu'il y a plusieurs vérités, ou, ce qui revient au même, qu'il n'y en a pas?- Ce faisant, le sceptique se met dans une position intenable. Il affirme qu'on ne peut rien affirmer. Il dit qu'il est vrai qu'il n'y a pas de vérité.- Le scepticisme est donc un passage obligé, mais ce n'est pas une position durable. Dire que tout problème philosophique se caractérise par deux thèses contradictoires, c'est dire qu'il y a un moment de scepticisme dans toute philosophie. Mais, parce qu'on ne peut renoncer à l'idée d'une vérité unique, parce que par essence le vrai est unique, le scepticisme doit être dépassé : la contradiction doit être résolue.3. La résolution doit maintenir le problème.

C'est un sujet difficile qui ne porte sur aucun secteur particulier du programme mais sur la réflexion philosophique elle-même. Qu'est-ce qui distingue un problème philosophique d'un autre problème, non philosophique? Le problème philosophique n'existe pas tout fait. Il ne précède pas la réflexion. C'est à la réflexion qu'il appartient de le constituer : quelle est donc la manière proprement philosophique de poser un problème? La réflexion doit réfléchir sur elle-même. Le sujet de cette dissertation n'est autre que : comment faut-il s'y prendre pour faire une dissertation de philosophie? (!) L'utilisation des auteurs est ici délicate : les auteurs ne sont que des exemples de réflexion philosophique. Vous ne pouvez prétendre qu'un auteur particulier a vu, contre tous les autres, ce qu'est un problème philosophique, car ce serait exclure les autres de la philosophie. Il faut donc, au lieu d'opposer les auteurs, chercher ce qui fait l'unité de leur démarche. C'est seulement à un certain degré de profondeur, lorsqu'il s'agira de découvrir le fondement dernier du problème philosophique, que des différences pourront réapparaître entre les auteurs.

« — La réflexion philosophique sur l'origine ou la signification du problème n'est assujettie à aucune fin pratique derésoudre le problème.La réflexion est voulue pour elle-même ; elle est libre.

L'inutilité, dont on croit pouvoir faire une objection à laphilosophie, est au contraire sa puissance.— À la différence de l'attitude naturelle qui s'empresse de trouver une solution, la philosophie laisse exister leproblème.

Elle donne aux problèmes le droit de cité.

Elle ne les condamne pas comme des obstacles au progrès del'esprit.

Bien plus, elle va s'efforcer de les rendre encore plus problématiques ; elle va chercher à creuser le problèmepour en comprendre la signification ultime.Exemple : là ou le scientifique cherche une nouvelle théorie qui résout le problème, la philosophie voit l'occasiond'une réflexion sur la science.

Le problème particulier d'un fait déconcertant pour une théorie en vigueur est l'indicedu problème de la science comme telle : la science prétend qu'elle est la nature universelle des choses.

Mais pourcela, elle s'appuie sur des expériences toujours limitées, toujours particulières.

Comment peut-elle dès lors prétendretirer l'universel du particulier?— Le problème n'est donc pas un objet particulier de la philosophie.

Il est la démarche philosophique elle-même.

Lesdialogues de Platon nous en fournissent un exemple magistral : Socrate ne cherche pas tant à enseigner quelquechose qu'à poser des problèmes, qu'à éveiller les consciences à l'existence des problèmes. II.

Le problème philosophique est un problème qui doit se maintenir jusque dans sa résolution. 1.

Le problème philosophique se caractérise par la contradiction de deux thèses également vraies.— La philosophie doit pousser tout problème jusqu'au point où il livre sa signification ultime, mais à quoi reconnaît-onqu'on est parvenu à cette signification ultime?— Le problème existe d'abord comme un fait : il est un obstacle qui se trouve là, sur mon chemin.

Comprendre leproblème, et comprendre pourquoi il est là, c'est comprendre pourquoi il ne pouvait pas ne pas être là.

Le problèmecesse d'être contingent pour devenir nécessaire : le problème est pleinement constitué quand on comprend qu'il netient pas à moi, à ma manière particulière de regarder les choses ou d'agir, mais qu'il est inscrit dans la nature mêmedes choses.Exemple : l'apparence.

Je bute sur un obstacle : certaines apparences trompent.

Le problème ne devient vraimentphilosophique que lorsque je comprends que cela est lié à l'essence même de l'apparence.

Le problème particulier,contingent (il y a des apparences qui trompent), devient une contradiction interne à toute apparence : il est dansla nature de l'apparence de révéler l'être et de le cacher.— Le problème atteint donc sa nécessité quand on peut le mettre sous la forme d'une contradiction entre deuxthèses également vraies :• l'apparence révèle l'être,• l'apparence cache l'être.Les deux thèses — ce qu'on continue à appeler la thèse et l'antithèse — ne sont pas artificiellement rapprochées,mais elles s'impliquent l'une l'autre.

Elles sont les deux faces inséparables d'une même réalité : si je sais quel'apparence trompe, c'est parce qu'en même temps elle me révèle l'être, et seule cette révélation de l'être parl'apparence peut m'apprendre que l'apparence trompe. 2.

La contradiction appelle une résolution.— Le problème philosophique se caractérise donc par une contradiction.

Cette contradiction ne montre-t-elle pasalors l'inanité du problème? Pourquoi faire de la contradiction le sommet de la philosophie, alors qu'habituellement,quand nous entendons quelqu'un tenir des propos contradictoires, nous concluons, à juste titre, qu'il ne sait pas cequ'il dit?— L'existence d'une contradiction paraît conduire tout droit au scepticisme.

Si je peux dire à la fois une chose etson contraire, c'est tout simplement que la vérité n'existe pas.

Le problème n'existe que parce qu'on admet l'idéequ'il existe une vérité : s'il n'y a qu'une vérité, l'existence de deux thèses contradictoires est certes un problème.Mais pourquoi ne pas admettre plus simplement qu'il y a plusieurs vérités, ou, ce qui revient au même, qu'il n'y en apas?— Ce faisant, le sceptique se met dans une position intenable.

Il affirme qu'on ne peut rien affirmer.

Il dit qu'il estvrai qu'il n'y a pas de vérité.— Le scepticisme est donc un passage obligé, mais ce n'est pas une position durable.

Dire que tout problèmephilosophique se caractérise par deux thèses contradictoires, c'est dire qu'il y a un moment de scepticisme danstoute philosophie.

Mais, parce qu'on ne peut renoncer à l'idée d'une vérité unique, parce que par essence le vrai estunique, le scepticisme doit être dépassé : la contradiction doit être résolue. 3.

La résolution doit maintenir le problème.— Un nouveau danger menace alors le problème philosophique.

Pour sortir du scepticisme, nous devons chercherune solution au problème.

Mais alors n'en revient-on pas à l'attitude pré-philosophique qui n'examine le problème quepour le supprimer, le résoudre?— On peut certes dire que toute solution en philosophie est provisoire, au sens où à son tour elle doit êtreéprouvée, problématisée, que les problèmes se déplacent, s'approfondissent, mais ne se dissipent jamais.— Cependant, si la solution n'est destinée qu'à faire surgir un nouveau problème, on peut craindre de ne jamais venirà bout du scepticisme.

Pour vaincre le scepticisme, il faut avoir l'espoir d'une solution qui ferme le problème.— Nous sommes donc pris dans une contradiction redoutable :• pour vaincre le scepticisme, le problème doit être résolu ;• mais si la solution supprime le problème, alors le problème philosophique n'est qu'un problème comme un autre,destiné à disparaître avec la découverte de la solution.. »

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