À quelles conditions une activité est-elle un travail ?
Publié le 10/09/2004
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[III.
Travail et histoire]
S'il n'y a travail que lorsque l'activité transforme celui qui l'accomplit, on peut affirmer que, de manière générale, letravail se repère dans des activités favorisant une suite de modifications, c'est-à-dire une histoire.
C'est aussi l'unedes raisons pour lesquelles l'activité animale n'est pas un véritable travail : l'animal, même s'il « produit », resteconforme au modèle de son espèce, dont chaque génération ne peut que répéter les comportements de celle qui laprécède.
Le travail humain, au contraire, rend possible une histoire de l'humanité : il en élabore les conditions depossibilité et en définit le cadre.On pourrait en conséquence admettre que, chez l'homme, toute activité dont on constate qu'elle évoluehistoriquement participe, dans des proportions variables, du travail.
Évoquer ce dernier, c'est penser spontanémentaux tâches physiques (le paysan, l'artisan, l'ouvrier...) ou intellectuelles (l'ingénieur, le chef d'entreprise,l'enseignant...).
Mais on doit aussi considérer que des activités en apparence moins immédiatement liées à l'aspectéconomique de la production, ou plus « libres », présentent, au moins partiellement, les caractères du travail.
L'art,par exemple, implique des savoir-faire concernant ses matériaux, qui sont évidemment proches de tâches artisanalesou même industrielles.
Mais surtout, il transforme l'artiste lui-même, qui trouve confirmation de ce qu'il peut êtredans les oeuvres qu'il élabore.
Cela ne signifie pas que l'art soit entièrement assimilable à un travail : le savoir-fairen'y détermine pas à lui seul la qualité de l'oeuvre, et la « création » semble viser très au-delà de la satisfaction desbesoins.
Mais on a tort, en évoquant l'art, de passer trop souvent sous silence son aspect laborieux, qu'il soitmatériel ou intellectuel.
Et cela peut de plus nous rappeler que les besoins humains auxquels répond le travail sontdevenus bien différents de ceux que suscite la survie : le travail transforme aussi les besoins de l'homme, parce qu'illes satisfait les uns après les autres.Transformant l'homme en même temps que le milieu et les matières, lançant l'histoire humaine dans les différentsdomaines où elle se déploie, l'activité qui est un travail ne se contente pas de combler les besoins « primaires », ellesuscite de nouveaux besoins.
[Conclusion]
Ce qui singularise le travail dans l'ensemble des activités, c'est qu'il ne désigne pas uniquement, contrairement àl'image convenue, des activités pénibles.
Par contre, les activités en quête d'un plaisir immédiat (physique ou non)sont davantage de l'ordre du délassement que du travail : une partie de cartes implique sans doute que l'on suivedes règles et que l'on puisse anticiper sur les coups suivants, mais si un bon joueur peut progresser dans saspécialité, il ne fait pas progresser l'humanité pour autant.
Or le travail, au-delà de l'individu qui l'accomplit,concerne l'humanité en général : une activité apparaît ainsi assimilable à un travail lorsque son résultat ou sasignification dépasse son seul acteur..
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