partir de deux ou trois cas concrets d'émotion, de passion, ou de sentiment, tâchez de préciser le rôle du physiologique, du psychologique et du social dans la vie affective et de déterminer quel est le facteur essentiel de l'affectivité. ?
Publié le 22/06/2009
Extrait du document
Identifier est la tendance fondamentale de l'esprit humain. Cette tendance se manifeste jusque dans l'étude de la réalité la plus complexe qu'il nous soit donné de connaître: l'âme humaine. L'activité psychologique dépend de l'organisme; nous né le savons que trop. Mais, du moins sous ses formes les plus élevées, elle se révèle si différente des mouvements de la matière organique qu'il est difficile de ne pas lui reconnaître une réalité propre. Enfin, vivant au sein d'une collectivité, nous observons jusque dans notre pensée la plus intime l'écho de la pensée collective. Cette multiplicité ne saurait satisfaire un esprit systématique avide d'unité absolue. Aussi nombre de penseurs, suivant ce mystérieux coefficient personnel si important en philosophie, cherchent à expliquer toute la vie psychologique de l'homme soit par l'organisme, soit par l'esprit, soit par la société. Nous cantonnant au domaine de l'affectivité, nous analyserons trois cas d'émotion, de passion et de sentiment, puis nous essaierons, nous appuyant sur ces exemples, de préciser le rôle du physiologique, du psychologique et du social dans la vie affective et de déterminer quel en est le facteur essentiel.
«
pensée de ce (( toujours » qui nous séparait l'un de l'autre...Hélas ! l'oubli vint, ou du moins l'atténuation de ma peine.
Je cherchai, avec d'ailleurs l'impression de commettre unelâcheté, à me distraire.
Peu à peu, la vie reprit, sans lui.
Un jour même, l'image de mon grand-père ne revint à monesprit que difficilement, vague et sans l'accompagnement émotif d'autrefois.
La tristesse s'était sublimée en unsouvenir d'une douleur, souvenir dont le temps chaque jour atténue les arêtes.J'ai beaucoup insisté sur les descriptions objectives de ces trois faits affectifs : elles vont nous servir à lesinterpréter.
* * *
Il faut d'abord reconnaître en chacun d'eux les trois sortes de phénomènes qui s'observent dans la plupart des faitsde notre vie intérieure : phénomènes organiques, phénomènes psychologiques et phénomènes sociaux.Les deux premiers sont assez faciles à discerner.
La peur s'accompagne de tremblements, de sueur; elle rendincapable de faire certains gestes; elle fait perdre la maîtrise, non seulement de ses mouvements, mais plus encorede ses pensées, la raison n'exerçant plus son contrôle sur l'imagination affolée.
Dans le jeu, la raison est, aucontraire, très active, mais au service de la passion, sans cesse en quête de motifs qui justifient le joueur, demoyens de trouver l'argent nécessaire; mais si le joueur est si fatalement attiré vers la table où la sagesse devraitlui dire qu'il perdra, n'est-ce pas à cause de ce délicieux frisson qui parcourt ses membres durant les quelquessecondes qui décident de son sort, à cause de ces alternatives de tension et de détente de tout son être ? Quantà la tristesse, si les représentations y prédominent, les éléments organiques n'y manquent pas : on y constate unralentissement général qu'il serait aisé de faire voir dans toutes les fonctions vitales, une vraie sensationd'abattement et de misère physique.
L' existence du facteur social, au moins dans un grand nombre de faits affectifs, est plus délicate à constater.Dans la façon dont je fus pris par la passion du jeu, l'influence importante exercée par la société saute aux yeux : sij'ai été amené à risquer mon argent, c'est que, des lectures de romans, il m'était resté l'impression que le jeu est unplaisir délicat, supérieur, réservé aux gens qui sortent du commun; c'est un jugement collectif et non un jugementpersonnel qui déterminait mon acte.
L'influence de la collectivité est encore sensible dans la valorisation desangoisses du joueur et des frissons qui parcourent son corps : ces incertitudes, cette fièvre, ne sont pas agréablespar nature; elles sont plutôt désagréables; l'agrément qu'elles nous causent résulte de l'éducation reçue de lasociété.Il en est de même, du moins en partie, dans le cas de la tristesse causée par la mort de mon grand-père.
S'il y a, eneffet, quelque chose de naturel et comme d'instinctif dans l'attachement de la mère pour son enfant l'attachementdes enfants à leurs parents et, à plus forte raison, leurs grands-parents est une création de la société.
Nous avonsété imbus, dès notre enfance, de l'esprit de famille; on nous a répété qu'il fallait respecter les vieillards et qu'ungrand-père n'est que bonté pour ses petits-enfants...: sans l'éducation reçue, mon grand-père m'eût été à peu prèsindifférent; De plus, cette tristesse ne m'était pas propre : elle était partagée par toute la famille et tous ses amis;bien plus, ceux qui, dans lé long défilé qui accompagnait mon grand-père au cimetière, n'éprouvaient pour luiqu'indifférence devaient cependant, dans des relations qu'ils avaient avec nous à la suite de notre deuil, couvrir enquelque sorte leur visage et leurs paroles d'un léger voile de tristesse, s'ils ne voulaient pas paraître manquer desavoir-vivre.
Comment ne pas être triste quand on ne voit que visages pleureurs;? Il est bien rare que l'homme aitune tristesse solitaire.
Pour moi, je crois n'avoir éprouvé que très rarement de sentiments strictement personnels :c'est l'écho des sentiments d'autrui qui renforce les miens, quand les miens ne sont pas un simple écho.Dans la peur, au contraire, il semble bien que nous ayons un état affectif assez imperméable à l'influence de lacollectivité.
C'est que la peur est une manifestation d'une tendance essentiellement personnelle, l'instinct deconservation.
Et cependant, je dois bien le reconnaître, un primitif n'aurait pas éprouvé, dans la même circonstance,une peur identique à la mienne : ce sont les récits de nos voisins, c'est trop évident, qui ont alimenté monimagination; mais combien ai-je inconsciemment emprunté aux romans que j'ai lus, aux films dont les images se sontfixées dans mon esprit ?C'est donc dans tous les états affectifs que nous découvrons, à différents degrés, des éléments organiques, deséléments psychologiques et des éléments sociaux.Une question se pose maintenant : de ces éléments, quel est le plus important? Quel est celui qui est essentiel,c'est-à-dire qui commande les autres et sans lequel il n'y aurait plus de phénomène d'affectivité?
* * *
Sur l'explication dernière de l'affectivité, les psychologues se divisent, attribuant lé premier rôle tantôt à l'un tantôtà l'autre des éléments que nous avons discernés dans tout fait affectif.Le sens commun et la psychologie classique qui en dérive fait dépendre l'affectivité des représentations : c'est lavue, réelle ou imaginaire, du danger qui provoque la peur; ensuite, la peur provoque les troubles organiques de lasueur froide, du tremblement, des battements de cœur.
Que faut-il penser de cette explication ?Normalement, l'émotion débute par une représentation : tout le monde l'accorde.
Mais la question est de savoir sil'émotion suit immédiatement la représentation, ou si elle ne vient qu'après le déclenchement des troublesorganiques.
Il semble bien que la tristesse de la mort de mon grand-père n'a pas attendu la conscience derabattement physique causé par ce malheur; il est du moins certain qu'elle en a été singulièrement renforcée.
Entout cas, le frisson du risque me paraît bien faire partie intégrante de l'émotion du jeu de hasard.
Quant à la peur,on ne peut pas nier,, semble-t-il, que les troubles organiques constituent son élément essentiel : ce sont cestroubles qui entraînent l'affolement de l'imagination par laquelle la raison et la volonté sont débordées; la maîtrisedes mouvements et le fonctionnement régulier de l'organisme sont incompatibles avec la peur..
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