1596 -1650 RENÉ DESCARTES
Publié le 02/09/2013
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LA pensée de Descartes comporte une partie négative qui n'a d'habitude grande importance que
chez les mystiques, « la voie purgative », et dont il nous entretient au début du Discours, quand il
fait
l'examen critique des arts et des sciences de son temps.
L'éloquence et la poésie ne peuvent pas
s'enseigner, elles doivent
tout à des aptitudes innées.
L'histoire ne fait que détruire des préjugés,
elle
n'apprend rien de positif.
La théologie, fondée sur la révélation, demande des lumières qui
sont refusées à l'homme, elle n'est d'ailleurs pas indispensable au salut.
La morale serait infiniment
utile
si elle pouvait s'appuyer sur des maximes démontrées, et non pas sur des préceptes qui
flattent l'orgueil comme ceux des stoïciens.
Quant à la philosophie, elle n'est jusqu'ici qu'un
recueil de conjectures, elle atteint parfois le vraisemblable, alors que c'est le vrai qu'il faut trouver.
L'autorité d'un penseur, fût-il aussi grand qu'Aristote, ne peut remplacer une évidence.
Où donc trouver le critérium de la certitude? Dans les mathématiques seules : ses principes
sont évidents,
ses conséquences rigoureuses, ses conclusions irréfutables.
Et pourtant elles ne
connaissent d'application que dans les arts mécaniques.
S'il était possible d'appliquer la méthode
mathématique, avec sa rigueur, à la philosophie, nous aurions un instrument parfait.
En
attendant, il faut douter.
Descartes pense
donc qu'il ne faut rien garder des opinions qu'il a reçues dans sa jeunesse
et des sciences qu'il a étudiées.
Pourquoi rien? Pourquoi ce doute radical? Ne vaudrait-il pas
mieux être plus modeste et se contenter, comme le faisaient les scolastiques, d'avoir des demi
lumières des choses divines
qu'une lumière complète des choses humaines? Descartes ne le croit
pas.
Il suffit qu'une seule partie de l'édifice branle pour que la maison entière soit menacée.
Il faut tout reprendre à pied d'œuvre.
Mais à côté de cette audace dans la pensée, Descartes montre une grande prudence dans
l'action.
On peut suspendre sa pensée, on ne peut s'arrêter d'agir, ou alors on se laisse aller à
l'événement, ce qui est pire.
Ayant décidé d'abattre sa maison, il a besoin d'être pourvu d'une
autre afin d'être logé commodément pendant qu'on travaillera à l'édification du logis définitif.
Autrement dit il se donne des règles d'action qui sont sa « morale provisoire ».
Il commence par
mettre hors de question les principes religieux et politiques qui servent de fondement à toute vie
en société, quelle qu'elle soit.
Ceux qui se réclament de Descartes à notre époque lui ont souvent reproché pareille atti
tude.
Se fondant sur une de ses paroles, ils ont prétendu que Descartes n'était pas sincère, qu'il
portait un « masque » par crainte d'être poursuivi comme novateur.
D'autres y ont vu une
inconséquence.
Mais ils ont tort : Descartes était sincèrement catholique et monarchiste.
Ses
raisons sont sérieuses : la plupart des hommes ne sont pas capables de suivre la méthode qui leur
permettrait de discerner le vrai du faux.
Ces grandes organisations peuvent être détruites facilement
grâce
à l'esprit de dénigrement; il est difficile d'en construire de nouvelles; enfin et surtout, un
philosophe qui remet tout en question dans le domaine de la théorie ne peut avancer que s'il
assure son existence dans
la vie pratique.
Aussi de nos jours un théoricien de la révolte admettra,
pour que cette révolte soit fructueuse, un certain nombre de postulats qui lui permettent d'agir.
Un nihilisme absolu est d'ailleurs le comble de la frivolité.
Descartes, débarrassé
de ces bagages encombrants que sont les questions politiques et
religieuses, va pouvoir aborder le seul problème qui lui importe : celui de la vérité.
Si toute opinion, toute sensation peut être mise en doute; si même il est possible qu'un
esprit malin nous trompe constamment, une chose demeure indubitable : c'est que pour douter,
il
faut penser; et que si l'on pense, on existe.
Descartes emploie d'ailleurs des termes
qu'on appellerait aujourd'hui existentiels : je doute,
je pense, j'existe.
Ce n'est pas un raisonnement abstrait, une série de déductions; c'est une suite d'évidences
qui se complètent l'une l'autre, et qui sont perçues directement; autrement dit, ce sont des
intuitions intellectuelles.
En creusant cette première vérité qui est celle du «je pense », on
découvre celle du «j'existe »; si j'existe, ce n'est pas par moi-même, car je n'ai pu me donnerl'être,
ni mes parents non plus, et il faut bien que ce soit grâce à un être infini qui ne doive rien aux
autres êtres.
L'existence de Dieu n'est donc pas connue grâce à un raisonnement ni à l'expérience,
comme chez les scolastiques, mais grâce
à une intuition intellectuelle.
145.
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