« QU’EST CE QUI DISTINGUE UNE OEUVRE D’ART D’UN OBJET QUELCONQUE? »
Publié le 13/06/2023
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COPIE D’ELEVE
ART
BAC BLANC 4 HEURES
« QU’EST CE QUI DISTINGUE UNE OEUVRE D’ART D’UN OBJET QUELCONQUE? »
Le mot « art » provient du latin « ars » , ainsi que du grec « teknè » signi ant «
technique ».
Dès lors le savoir-faire de l’artiste et de l’artisan ainsi que tous les artefacts qui en
découlaient ont été assimilés jusqu’à la Renaissance et la création des Beaux-Arts.
Néanmoins,
de nos jours, l’art contemporain redissipe ces frontières, et « Fountain », la fameuse oeuvre readymade de Marcel Duchamp, en est l’exemple même.
Nous pouvons ainsi nous demander : qu’estce qui distingue une oeuvre d’art d’un objet quelconque? La distinction se fait-elle du point de
vue de la création? Ou a-t-elle lieu au niveau du spectateur? Et si l’art n’est pas un objet
quelconque, alors qu’est-ce que l’art? Nous verrons dans un premier temps que la distinction
entre l’oeuvre d’art et l’objet quelconque semble se faire dès la création, par le rapport utilitaire à
l’artefact, et par les grandes qualités techniques et d’innovation de l’artiste.
Dans un second
temps nous constaterons qu’une distinction se fait aussi du point de vue du spectateur par son
jugement esthétique, son apprentissage et son milieu social.
En n, dans un troisième temps ,
nous chercherons une dé nition de l’oeuvre d’art et de la création, par l’expression qu’elles
permettent dans le monde extérieur.
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Voyons tout d’abord comment la distinction entre l’oeuvre d’art et l’objet quelconque
s’opère dès le processus de création.
Dans un premier temps, le rapport utilitaire à l’oeuvre d’art et à l’objet technique est
di érent.
En e et, l’objet est un moyen pour répondre à un besoin, qui peut être reproduit en
plusieurs exemplaires ainsi qu’être remplacé lorsqu’il s’use.
L’oeuvre d’art au contraire ne
présente pas d’utilité de la même manière.
Hannah Arendt a rme qu’elle est « à l’écart des
rapports utilitaires habituels ».
En e et, l’objet d’art est une n en soi, qui a en général une valeur
esthétique, il est aussi unique, n’existe souvent qu’un un seul exemplaire et présente une certaine
permanence, par exemple dans un musée.
En revanche l’oeuvre d’art peut avoir des fonctions
symboliques que nous ne prêtons pas à l’objet quelconque, telles que magique, comme les
masques africains, religieuse, les pyramides égyptiennes, et sociale, car selon le sociologue
Bourdieu, la fréquentation de certaines oeuvres d’art montre son appartenance à la classe
dominante.
Ainsi, il semble que le rapport utilitaire à l’oeuvre d’art ou à l’objet technique permette
une première distinction entre les artefacts.
Dans un second temps, c’est la capacité d’innovation du créateur qui permettrait de
distinguer l’oeuvre d’art de l’objet quelconque.
Un artiste aurait les mêmes qualités techniques
que l’artisan ,mais du goût en plus.
Alain dans le Système des Beaux -Arts établit dette di érence
entre l’artiste et l’artisan au niveau de leur activité : l’artisan suit des règles préétablies et l’idée de
ce qu’il conçoit est présente avant la réalisation, alors que l’idée de l’artiste vient au cours de la
réalisation, et le résultat nal est une surprise.
Ainsi, contrairement à l’artisan, le véritable artiste
innove et sait désapprendre.
Picasso a rmait par exemple « A huit ans, j’étais Raphaël ; il m’a
fallu toute une vie pour peindre comme un enfant ».
De ce fait, l’oeuvre d’art se distingue de
l‘objet quelconque par ce que l’artiste, en plus de l’artisan, a innové en créant.
En n, dans un dernier temps, la distinction entre l‘oeuvre d’art et l’objet technique s’opère
aussi grâce aux qualités extraordinaires du créateur.
Selon la conception de l‘artiste issue du
Romantisme, le créateur serait un génie, un héros inspiré, presque demi-dieu.
Dans Critique de la
faculté de juger, Kant a rme : « le génie est cette disposition innée de l’esprit par laquelle la
nature donne ses règles à l’art ».
Ainsi, le génie serait un don inné, une capacité inexplicable et
incommunicable, ce qui expliquerait alors la distinction : le génie fait des oeuvres d’art et le « non
génie » fait des objets quelconques.
Néanmoins la notion de génie est critiquée, notamment par
Nietzsche dans Humain, trop humain, qui a rme que le génie est une invention du peuple qui ,
comme un enfant, aime croire aux miracles, qui atte l’orgueil de l’artiste mais aussi permettrait à
la foule « non-génie » d’apprécier l’oeuvre sans envie - soit une forme de mauvaise-foi - ainsi
selon Nietzsche le génie n’existe pas.
Néanmoins, en a rmant « le génie, c’est un pour cent
d’inspiration et quatre vingt dix neuf pour cent de transpiration », le philosophe développe la
thèse du « sur-homme » , un humain aux qualités extraordinaires dans le domaine des beaux-arts,
qui surpasse les autres mortels et qui , après un long processus de création, a fait de la vie une
oeuvre d’art.
Finalement nous revenons à une conception similaire à celle de Kant : l’oeuvre d’art
est le fruit du travail d’un homme aux qualités techniques extraordinaires , alors que l ‘objet
quelconque est créé par le commun des mortels; ainsi peut se faire la distinction.
Si nous avons vu que l’oeuvre d’art pouvait se distinguer de l’objet quelconque du point
de vue de la création par le rapport utilitaire à l’artefact, et les capacités d’innovation et
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techniques extraordinaires de l‘artiste, voyons maintenant comment la distinction entre l’ oeuvre
d’art et l’objet quelconque se fait aussi par le spectateur ; car l’artiste n’est rien sans le spectateur
qui juge et décide qu’un objet est un objet d’art.
Voyons ainsi comment le processus de distinction entre l’oeuvre d’art et l’objet
quelconque s’opère au niveau du spectateur.
Dans un premier temps, il semble évident que le spectateur décide qu’un objet est une
oeuvre d’art à partir du moment où il la trouve belle.
Seulement , comme l’a rme Hume, «
chacun perçoit une beauté di érente ».
Il est alors intéressant de se demander comment ce
jugement esthétique fondamental pour di érencier l’oeuvre d’art de l’objet quelconque a lieu.
Tout
d’abord Kant distingue deux types de jugements : le jugement de connaissances, qui est objectif,
démontrable et rationnel, comme « ce tableau est rectangulaire », et le jugement esthétique, qui
est subjectif.
Dans ce dernier type de jugement il distingue le jugement d’agrément, où l’agréable
fait appel au plaisir des sens, du corps, est personnel, inexplicable et qui ne peut pas être
contredit par autrui.
En revanche le jugement esthétique est le plaisir du corps et de l ‘esprit, qui
est censé ressenti de la même manière pour tous les hommes, et s’il ne peut ni être contredit ou
imposé, il peut au moins être discuté.
Néanmoins en a rmant « est beau ce qui plait
universellement et sans concept », Kant suggère que le beau n’est ni un jugement d’agrément « universellement « s’opposant au personnel - ni un jugement esthétique - « sans concept »
s’opposant au fait qu’on puisse en débattre-.
Ainsi, c’est la beauté de l’artefact qui entraîne la
distinction par le spectateur entre l’oeuvre d’art et l’objet quelconque; le fait que la conception de
la beauté est inexplicable montre bien que la distinction est profonde.
Dans un second temps, pour distinguer l’oeuvre d’art d’un objet quelconque, le spectateur
doit apprendre à faire cette distinction.
Un long processus d’appréciation est alors nécessaire,
pour aiguiser ses sens et a ner ses perceptions.
Le philosophe Nietzsche donne notamment les
étapes d’apprentissage pour apprécier la musique.
Au début, lors de la première écoute, le
morceau musical semble d’un seul bloc, sans particularité.
Puis il faut réécouter de nombreuses
fois a n de « supporter l’étranger » - néanmoins les réécoutes se font sans plaisir.
Vient en n la
phase de familiarisation avec l’oeuvre, où sa composition nous semble être une harmonie
nécessaire et parfaite de segments distincts.
Ainsi la distinction entre l’oeuvre d’art et l’objet
quelconque n’est pas instantanée ou innée chez le spectateur, et c’est un long processus
d’apprentissage qui permet d’établir cette di érence.
En n, la distinction entre l’oeuvre d’art et l’objet technique semble aussi être un fait
sociologique.
Il faudrait en e et des présupposés culturels et une bonne connaissance en histoire
de l’Art a n que le spectateur puisse distinguer la technique, l’innovation de l’objet , qui en font
une oeuvre d’art.
Le sociologue Bourdieu a rme que le goût n’est ni inné, ni personnel, mais qu’il
est le résultat de notre éducation et du milieu social dans lequel on évolue.
De même, la
distinction entre l’oeuvre d’art et l’objet quelconque permettrait à la classe sociale dominante
d’elle-même de se distinguer des autres.
L’exemple même de ce fait sociologique est celui de
Gervaise au Louvre, après ses noces, dans l’Assommoir de Zola : les personnages sont très
pauvres, issus du peuple, et devant les chefs d’oeuvre du Louvre, il ne savent que repérer les
cadres dorés, qui les....
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