MOLIÈRE : L'École des femmes (Dossier pédagogique)
Publié le 22/02/2012
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«
l'autre un jeu dérivé de la farce ou du fabliau, dévolu aux personnages secondaires, Alain, Georgette ou le notaire.Ainsi s'entrecroisent le conte initiatique (Marcel Maréchal), inscrit dans la symbolique concentrique des lieux, et lafarce, dans un continuel mélange des genres qui est la marque même du génie de Molière.On tombera d'accord avec Marcel Maréchal pour reconnaître que le coeur de la pièce est bien dans cette scène 5de l'acte II, dite scène du Le...
et inspirée d'une vieille chanson française.
« Il n'y a rien de plus scandaleux que lacinquième scène du deuxième acte de L'École des femmes », écrira le prince de Conti.Dans cette aventure initiatique de la femme « en train de se faire » (Marcel Maréchal), cette scène occupe bien lepoint central, au plus intime de l'action, du décor et en définitive du personnage d'Agnès, elle-même, nous leverrons, « bijou » plus ou moins « indiscret » de la pièce.
Les personnages
Arnolphe
Une problématique à son sujet : la somme de ses comportements successifs, étapes de sa propre initiation àl'amour, en contrepoint dérisoire avec celle d'Agnès, fait-elle de lui un personnage pathétique ou grotesque ?Tour à tour cynique, goguenard aux deux premiers actes, raisonneur ensuite, saurait-il en fin de compte nousémouvoir au dernier ? Copeau l'affirmait, Lucien Guitry tirait le personnage vers le drame.
Molière, nous dit-on, lejouait dans l'esprit de Scaramouche.
Antoine Adam le voit tel Sganarelle, « un fantoche, petit de taille, sautillant,ironique, pointu, ahuri ».
Mais la distinction qu'il avance dans son Histoire de la littérature entre jeu théâtral etlecture est éclairante : l'un ferait ressortir l'apparence et la farce, l'autre révélerait la misère cachée et lepathétique (voir « Commentaires », p.
163).
La richesse du caractère est dans ce pli.L'interprétation la plus notable de ces cinquante dernières années, celle de Louis Jouvet, donne lieu à descommentaires contradictoires où se révèle l'ambiguïté de toute approche d'Arnolphe.
Roger Duchêne affirme quedans les deux derniers actes, le comédien le tirait « vers l'émotion, la douleur et même vers le tragique ».
PierreBrisson prétend, lui, que l'Arnolphe de Jouvet est «facétieux, éblouissant...
moins à l'aise cependant quandintervient la note douloureuse ».Cette dualité faite de burlesque et de pathétique, ressort avec évidence de l'étude détaillée de quelques scènesclefs, particulièrement la scène 4 de l'acte V.A l'aveu d'Agnès : « Oui, je l'aime » (v.
1520), répond le « Vous ne m'aimez donc pas, à ce compte » (v.
1531) d'unArnolphe aux yeux soudain dessillés.
La scène entière n'est, à partir de là, qu'une longue suite des soubresautstragi-comiques de cet homme défait.
Tour à tour, nous le verrons :a/ Naïf : «Pourquoi ne m'aimer pas ? » (v.
1533).b/ Désespéré : «Mais les soins que j'ai pris, je les ai perdus tous » (v.
1538).c/ Lucide : «Une sotte en sait plus que le plus habile homme » 1544).d/ Matamore : «Et quelques coups de poing satisferaient mon coeur » (v.
1567).e/ Désarmé : « Je te pardonne tout, et te rends ma tendresse » (v.
1581).f/ Touchant de ridicule : « Écoute seulement ce soupir amoureux » (v.
1587).g/ Bouffon : « Veux-tu que je m'arrache un côté de cheveux ? » (v.
1602).h/ Acteur tragique : «Je suis tout prêt, cruelle, à te prouver ma flamme » (v.
1604).i/ Vengeur : « Mais un cul de couvent me vengera de tout » (v.
1611).Nous avons ici, sur le mode burlesque, un Alceste aux pieds de sa Célimène, une loque pitoyable, au double sens dumot, réel et péjoratif Seule la souffrance redonne à Arnolphe une humanité qui le sauve, sinon du ridicule, du moinsde l'odieux.
Agnès
Il y a peu de choses à ajouter aux développements de Roger Duchêne sur Agnès et la découverte de l'amour (p.141) et sur le portrait qu'il en donne (p.
147).
Toutefois, dans la perspective plus humblement pédagogique qui doitêtre la nôtre, il nous semble important de bien mesurer l'effet que produit sur un public scolaire d'aujourd'hui,souvent très affranchi, un tel personnage, et quels contresens peuvent à l'occasion obscurcir sa vision.Ne prendra-t-il pas le terme d'« innocente » dans le sens de « simple d'esprit », de « demeurée » ?Comment verra-t-il Agnès ? Rouée, naïve, cynique, niaise ?A sa manière, Chrysalde anticipe ces interrogations dès la scène 1 de l'acte I.
Une femme ignorant le sens desvaleurs est dépourvue par là même de tout sens du péché ; là réside son innocence au sens moral du mot.
C'estainsi qu'incapable de coder ou de décoder le langage de l'amour, elle avoue crûment le plaisir sensuel que lui aprocuré la caresse d'Horace :La douceur me chatouille et là-dedans remue (v.
563).
Que cette candeur soit une source de comique (par exemple dans la fameuse scène du Le..., II, 5), les élèves lecomprendront aisément.
On s'emploiera à les convaincre qu'elle est aussi au coeur de la poésie qui illumine lesquelque cent cinquante vers de sa « découverte de l'amour ».
On n'omettra surtout pas, pour sensibiliser les élèvesà la tonalité très « adolescente » du personnage, de leur citer en exemple l'interprétation qu'en donna, au début desa carrière, Isabelle Adjani..
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