Victor Hugo, Les Misérables, V, livre 1, chapitre 15 : « la mort de Gavroche ». Commentaire composé
Publié le 11/01/2020
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Victor Hugo, Les Misérables, V, livre 1, chapitre 15 : « la mort de Gavroche ».
Le spectacle était épouvantable et charmant. Gavroche fusillé, taquinait la fusillade. Il avait l'air de s'amuser beaucoup. C'était le moineau becquetant les chasseurs. Il répondait à chaque décharge par un couplet. On le visait sans cesse, on le manquait toujours. Les gardes nationaux et les soldats riaient en l'ajustant. Il se couchait, puis se redressait, s'effaçait dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait, reparaissait, se sauvait, revenait, ripostait à la mitraille par des pieds de nez, et cependant pillait les cartouches, vidait les gibernes et remplissait son panier. Les insurgés, haletants d'anxiété, le suivaient des yeux. La barricade tremblait ; lui, il chantait. Ce n'était pas un enfant, ce n'était pas un homme ; c'était un étrange gamin fée. On eût dit le nain invulnérable de la mêlée. Les balles couraient après lui, il était plus leste qu'elles. Il jouait on ne sait quel effrayant jeu de cache-cache avec la mort ; chaque fois que la face camarde du spectre s'approchait, le gamin lui donnait une pichenette.
Une balle pourtant, mieux ajustée ou plus traître que les autres, finit par atteindre l'enfant feu follet. On vit Gavroche chanceler, puis il s'affaissa. Toute la barricade poussa un cri.
Ce passage dénonce, les conditions de dénuement extrême dans lesquelles vivent les enfants du peuple au XIXè siècle. Gavroche se conçoit comme leur représentant, ainsi que les deux autres petits qu’il va recueillir et qui, comble de l’atrocité, sont ses propres frères, alors qu’il ne les connaît même pas, qu’il a dû se débrouiller tout seul alors qu’eux ont reçu un semblant de début d’éducation et d’instruction. Hugo nous fait comprendre ici, que la misère séparait les familles. Par manque d’argent les enfants étaient laissés sur le bord de la route et devait se débrouiller pour survivre. Le thème est d’ailleurs déjà abordé au début du livre lorsque Jean Valjean est fait prisonnier et qu’il reçoit un jour des nouvelles de sa sœur qui n’a conservé avec elle qu’un seul de ses sept enfants…Où sont passés les autres ? Dans un autre éléphant de fortune ? C’est la destinée qui était malheureusement réservée à tous ces êtres que la vie a oublié, c’est pourquoi Hugo a voulu faire de son livre un véritable plaidoyer pour ces « Misérables » dont cet extrait est la brillante illustration.
«
• Polyptote : « fusillé » / « fusillade ».
Paradoxe : « fusillé » > participe passé, est visé, est mort ? VS
« taquinait » > verbe d’action à l’imparfait + « taquinait » a une connotation enfantine qui rappelle
l’âge du petit garçon.
=> La vie, la jeunesse de l’enfant semble faire un « pied de nez » à la mort.
Ex : « Il avait l'air de
s'amuser beaucoup ».
• Un monde d’adulte, un monde dangereux.
Ex : « Les insurgés » ; « Les gardes nationaux et les
soldats » ; « fusillade » ; « la mitraille »…
• « le moineau » VS « les chasseurs » > force, armes VS le frêle oiseau.
Cf.
aussi « becquetant ».
=> Montrez que Hugo souligne avec force la différence entre l’enfant et les hommes armés…
B- Une fête ?
• « Le spectacle était épouvantable et charmant » > paradoxe, antithèse.
• Hugo semble présenter une fête d’un événement terrible.
Cf.
le champ lexical de la joie, de la gaieté.
Ex : « avait l'air de s'amuser beaucoup » ; « couplet » ;
« riaient » ; « bondissait » ; « des pieds de nez » ; « chantait »…
• Cf.
Gavroche qui bouge sans cesse.
Accumulation de verbes d’action à l’imparfait.
« Il se couchait,
puis se redressait, s'effaçait dans un coin de porte, puis bondissait, disparaissait, reparaissait, se
sauvait, revenait, ripostait »… > Insistance, verbes qui montrent que le jeune garçon s’accroche
jusqu’au bout.
Est efficace jusqu’au dernier moment.
Cf.
« pillait les cartouches » ; « vidait les giberne »…
• Pourtant, l’enfant est dans un terrible monde d’adultes et de violences… Cf.
« Les insurgés, haletants
d'anxiété ».
=> Dénonciation de Hugo de l’acharnement des soldats contre un « moineau » de 12 ans…
II- La mort du « moineau »
A- Le « gamin fée »
• Gavroche n’est plus un simple enfant.
Ex : « l'enfant feu follet » ; « étrange gamin fée »…
Semble en dehors de la réalité, féerique.
Cf.
« La barricade tremblait ; lui, il chantait.
» > répétition de
la 3 epersonne du singulier « lui /il » > redondance, insiste sur la différence de Gavroche.
« Chantait »
> gaieté, insouciance quand tout le monde a peur et se bat.
• Expliquez ces deux expressions : « c'était un étrange gamin fée » ; « On eût dit le nain invulnérable
de la mêlée ».
• « On eût dit » > subjonctif imparfait > annonce que ce n’est pas la vérité, n’est pas « invulnérable »
donc…
B- Le jeu mortel.
»
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