Une méthode de dissertation (philosophie)
Publié le 29/09/2013
Extrait du document
2° Les règles de l'autre espèce sont des conseils proposés au joueur dans son intérêt, de façon à porter au maximum ses chances de gagner. Elles sont innombrables : elles enseignent à ne pas attaquer « sous son roi «, à attaquer au sans atout « dans la quatrième de sa longueur «, à jouer dans la « faible « ou la« forte« du mort selon qu'on est placé après ou avant lui, quand faire ou ne pas faire une« impasse«, comment calculer ses points pour annoncer, ou pour répondre à l'annonce du partenaire, etc. Aucun de ces préceptes n'est imposé par le règlement du jeu : un joueur qui ne respecte pas une de ces règles n'est pas mis hors-jeu; bien plus, il y a des cas où l'on a intérêt à manquer à une règle donnée, où deux règles même peuvent entrer en conflit; on en arrive ainsi à penser qu'il n'y a jamais de règle absolument générale, et qu'il n'y a, au fond, que des cas singuliers. Ces règles sont néanmoins fort utiles, en principe, et au moins au début d'un apprentissage, pour éviter des « fautes « catastrophiques. Aussi bien ont-elles été établies peu à peu, par des joueurs expérimentés, au prix de réflexions, de raisonnements et de calculs. Surtout, aucune de ces règles n'est conventionnelle, elles sont toutes raisonnées, logiques, disons même naturelles, puisqu'elles dérivent de la nature même du jeu.
«
Une dissertation philosophique étant un exercice scolaire, son texte
est un écrit en prose rédigé
par un élève et lu par un professeur.
Diverses
conséquences en résultent:
Il est vrai que l'élève écrit
pour le professeur, mais il n'écrit pas néces
sairement pour
son professeur; il écrit parfois aussi pour un professeur
inconnu, et, d'une façon générale, il doit toujours supposer qu'il écrit
pour un lecteur anonyme, imaginaire, pour quiconque voudra
se poser le
même problème et chercher sa solution sans prévention ni préférence
personnelle.
Par conséquent ni la personnalité du lecteur ni celle du rédac
teur ne sont en cause.
On blâmerait un élève qui chercherait à plaire à son
lecteur, à flatter ses manies, s'il en a, à lui proposer la conclusion qu'il
attend,
ou dont il croit savoir qu'elle lui agréera.
On jugerait ridicule
l'élève qui prétendrait exprimer ses goûts
ou ses inclinations personnelles,
qui userait
par exemple de formules telles que : « J'estime que ...
», « Pour
ma part ...
»,« Selon mon opinion ...
».
Une dissertation n'est ni une confes
sion, ni une interpellation, ni une exhortation, ni une récrimination.
La rédaction et la lecture d'une dissertation sont des manifestations
d'une pensée universelle,
à laquelle tous ceux qui font profession de philo
sophie s'efforcent de participer.
2.
Qu'est-ce qu'une méthode de dissertation?
Le mot
méthode a heureusement, grâce au fameux Discours de DESCARTES,
ses lettres de noblesse, et nous sommes ainsi mis en garde.
Heureusement,
car l'usage
qu'on fait souvent de ce mot tendrait à l'affaiblir.
On dira
qu'un bibliothécaire, par exemple, dispose d'une méthode de classement
telle que
tout livre entrant dans sa bibliothèque est assuré de trouver sa
cote et sa place sur un rayon et dans le catalogue.
On dira aussi qu'un
mécanicien cherche
méthodiquement la cause d'une panne de moteur en
examinant successivement tous les organes qui composent ce moteur.
Tous
les métiers, toutes les industries, comportent des méthodes, bref tous
les
travaux humains peuvent être accomplis méthodiquement.
Tel est le sens
banal du mot.
Comment parler de méthode quand il s'agit de la pensée? Penser, c'est
toujours découvrir, inventer, créer; or, il n'y a évidemment pas de méthode
pour inventer.
Si nous regardons bien, ce que Descartes propose c'est une méthode
« pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences ».
1 Ce n'est pas par la méthode que nous trouvons la vérité, c'est par la raison,
~ faculté de« discerner le vrai du faux».
Mais c'est par la méthode que nous
la cherchons.
Il n'y a pas de méthode pour penser, mais
il peut y avoir une
méthode pour bien conduire sa pensée 1
• Par exemple la raison nous permet
1.
Voir à ce propos le sujet n° 6, page 102..
»
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