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LA DISSERTATION LITTÉRAIRE ET SA TECHNIQUE

Publié le 22/09/2018

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technique

que vous avez, bien entendu, évité une erreur énorme dont j’ai trouvé à ma grande stupéfaction plusieurs exemples : humaniste pris dans le sens d’humanitaire, qui conduit à voir en Montaigne l’homme qui compatit aux misères de l’homme et qui s’applique à les soulager. Vous serez sans doute aussi surpris que moi de cette interprétation fantaisiste. Mais vous voyez où peut conduire, dans un cas extrême, une lecture trop hâtive.

 

Voulez-vous tenter un deuxième test? Alors voici un second sujet.

 

Dans quelle mesure pouvez-vous affirmer avec J. Calvet que «Si Polyeucte est la plus parfaite des tragédies c\\'est parce que le « métier » y est d\\'une adresse achevée » ?

 

Je suppose que vous avez, cette fois encore, en quelques mots précisé le sens que vous donnez au sujet et l’orientation que vous donnez au développement. Certains parmi vous vont faire sans doute une objection : je connais mal Polyeucte ou même je ne connais pas du tout Polyeucte. Mais, de toute manière, vous avez nécessairement des notions sur le problème posé qui pourrait d’ailleurs s’envisager à propos de toute autre tragédie classique. Qu’entend-on par une tragédie parfaite ? Voilà ce que vous devez définir. Il fallait d’abord s’attacher à distinguer les mots importants et à les définir. Le mot « parfait» est ici évidemment essentiel.

 

Vous pouvez maintenant confronter votre point de vue avec celui que je vous propose. Une tragédie parfaite, c’est une tragédie qui respecte toutes les conventions du genre. Avez-vous envisagé d’étudier la pièce dans ce sens, de voir dans quelle mesure elle respecte les trois unités et utilise les conventions propres à la tragédie classique : monologues, confidents, etc... ? Avez-vous seulement pensé aux trois fameuses unités ? ou bien, ce qu’à Dieu ne plaise, vous êtes-vous imaginé que la question avait une signification beaucoup plus large : Polyeucte est une grande œuvre émouvante, riche de psychologie humaine, etc... ?

 

Trois cas donc à considérer. Premier cas : vous êtes exactement dans la ligne. Deuxième cas : votre conception du devoir est trop étroite et incomplète. Troisième cas : vous avez « mis complètement à côté ». Pourtant dans la donnée, le mot «métier», qui suppose une technique éprouvée, un art d’évoluer avec aisance au sein de cette technique, aurait dû vous mettre sur la voie. Il ne suffit pas de peser les termes du sujet. Il faut encore les confronter. Ils s’éclairent d’ordinaire lers uns par les autres.

 

Vous prêterez-vous encore volontiers à un troisième test ? Il porte sur le sujet suivant :

1° Une lecture attentive

 

La faute la plus grave que vous puissiez commettre, c’est de traiter une autre question que celle qui vous a été posée. Une dissertation hors du sujet vous vaudra fatalement, même si elle est bien construite et agréablement écrite, une très mauvaise note. Or ce genre d’erreur est facile à éviter : il suffit de lire avec attention les termes du sujet et d’en dégager exactement le sens. L’expérience prouve qu’on ne saurait trop insister sur ce point, et chaque année une assez forte proportion de candidats doit son échec à une erreur d’interprétation.

 

Cette recommandation vous paraît superflue et vous vous sentez à l’abri de commettre une faute aussi grave? Alors nous vous proposons de vous prêter à un test. Si vous le passez brillamment, il faut décidément vous faire confiance. Sinon vous serez amené à vous défier utilement de vous-même et à prendre désormais toutes les précautions nécessaires.

 

Nous vous proposons d’abord un sujet facile, mais sur lequel nous avons relevé chez des candidats inexpérimentés des erreurs graves. Comment le comprenez-vous ?

 

Dans quelle mesure peut-on dire de Montaigne qu\\'il est un humaniste ?

 

Prenez la peine de définir en quelques mots l’interprétation que vous donnez à ce sujet. Et ne lisez qu’ensuite l’interprétation que je vous propose.

 

Vous êtes naturellement allé d\\'emblée au mot essentiel, puisque toute la question repose ici sur ce seul mot : humaniste. Avez-vous compris exactement le sens de ce terme ? L’humaniste est cet écrivain qui étudie l’homme en général, sa nature, les problèmes qui se posent à lui et à son propos, les valeurs auxquelles il s’attache. Avez-vous aussi pensé à un autre sens plus restreint du mot et qui le replace dans un contexte historique auquel Montaigne n’est pas étranger? L’humaniste, au xvie siècle, est un homme imprégné de culture antique. Si vous n’avez envisagé que le premier sens, vous avez incomplètement compris le sujet mais vous êtes allé à l’essentiel et cela suffira, si ce point est correctement traité, à vous assurer une note honorable. Je suis convaincu

b) L’introduction

 

Cette unité sensible dans la continuité de l’exposé apparaît plus clairement encore si on exprime en tête de la dissertation l’idée générale qui domine l’ensemble et l’éclaire. L’objet de l’introduction sera de mettre en valeur cette idée dominante. Elle pourra aussi, par souci de clarté, énoncer les grandes lignes du plan en marquant leur dépendance par rapport à l’idée dominante. Ainsi l’introduction jouera pleinement son rôle. Dès l’abord elle offrira la juste perspective de la dissertation.

 

Ici encore nous vous offrons deux tests successifs : deux exemples d’introduction portant sur les deux sujets dont nous venons d’esquisser le plan. Analysez-les : la tâche vous est facile puisque la clef vous est donnée à chaque fois par un plan synoptique dont vous devez retrouver les éléments et l’exacte perspective dans l’introduction correspondante.

 

I. Sujet sur Baudelaire :

 

Le succès persistant des Fleurs du Mal démontre bien que l’on peut voir en Baudelaire le précurseur des poètes contemporains. Théodore de Banville percevant chez lui ces accents nouveaux pouvait dire sur sa tombe : « Il a accepté tout l’homme moderne avec ses défaillances, avec sa grâce maladive, avec ses aspirations impuissantes ». De fait, ce jugement met en lumière le ton souvent désespéré de son œuvre, source d’une esthétique nouvelle, mais aussi les tentatives de dépassement dont elle témoigne.

 

II. Sujet sur Flaubert:

 

Un écrivain objectif s’attache à nous donner des êtres une image aussi proche que possible de celle qu’ils nous offriraient dans la vie. Aussi s’interdit-il le plus souvent de les peindre de l’intérieur, en analysant dans toutes ses nuances leur personnalité. Il les fait seulement vivre devant nous. Ainsi Flaubert, dans Madame Bovary, décrit l’aspect physique de ses personnages, leur comportement et leurs attitudes, nous fait entendre leurs propos. Sous le pittoresque de la peinture, il suggère la richesse et la complexité des âmes. Il peint « l’homme secret par sa vie ».

 

c) La conclusion La conclusion permet de faire le bilan de l’exposé. Elle peut aussi rappeler en quelques lignes les différents points traités au cours de la dissertation, d’une manière plus précise que ne l’a fait l’introduction : ces différents points ont été en effet dans l’intervalle éclairés d’une façon complète et leur reprise en fin de course peut donc être serrée de plus près. Mais à vrai dire cette reprise n’est pas indispensable. La conclusion doit surtout élargir le débat et, à partir de l’étude particulière qui vient d’être faite, chercher si elle n’ouvre pas des perspectives plus larges : énoncé d’un principe d’esthétique générale ou d’un trait commun à l’œuvre étudiée et à d’autres œuvres appartenant à la même école ou procédant du même genre littéraire. Mais il faut que cet élargissement se dégage naturellement de la dissertation que l’on vient de traiter, en offre véritablement un point d’aboutissement.

 

Dernier test : Vous pouvez analyser à titre d’exemple les deux conclusions suivantes en cherchant dans quelle mesure elles appliquent la technique qui vient de vous être énoncée.

 

I. Sujet sur Baudelaire :

 

Ce « nouveau » il l’avait partiellement trouvé. Si sa vie fut un échec sur le plan du bonheur individuel, elle lui permit de traduire tous les aspects de la condition humaine à notre époque. Il n’a pas résolu le problème métaphysique qu’il avait posé, avec autant d’acuité peut-être, que Pascal. Mais il a porté un témoignage dans cette voie de l’art que lui-même évoquait en ces termes : « Car c’est vraiment, Seigneur, le meilleur témoignage Que nous puissions donner de notre dignité,

 

Que cet ardent sanglot qui roule d’âge en âge Et vient mourir au bord de votre éternité. »

 

II. Sujet sur Flaubert :

 

Ainsi l’écrivain objectif n’éprouve pas le besoin, pour éclairer le caractère de ses personnages, de se livrer à de longues analyses psychologiques. Observateur attentif, il sait déceler dans leur aspect extérieur, dans leur comportement et leurs propos les détails significatifs qui révèlent leurs traits profonds et la qualité de leurs sentiments. Sans doute ne peut-il prétendre exprimer de cette manière les nuances de leurs états d’âme les plus fugitifs. Mais au reste telle n’est pas son ambition. Conscient que la personnalité d’un homme garde toujours sa part d’inconnaissable, et que nous ne pouvons déterminer toutes les secrètes évolutions de sa pensée, il préfère camper fortement devant nous dans leur haute vraisemblance des êtres qui ont le relief vigoureux de la vie.

 

4° Les exercices d’entraînement

 

1. Entraînement du plan

 

La dissertation est une longue patience. Il ne suffit donc pas d’avoir bien compris les principes d’une méthode. Il faut encore les assimiler en les mettant en pratique. Les dissertations qui vous seront proposées en cours d’année et seront corrigées par vos professeurs, vous permettront de prendre conscience de vos progrès et d’affirmer votre maîtrise. Mais vous pourrez, en complément, vous appliquer avec régularité à analyser les dissertations qui figurent dans ce recueil, à en retrouver et à en retracer, sous la forme synoptique dont nous vous avons donné l’exemple, le plan dans ses lignes essentielles et secondaires — sans oublier de noter à leur place les exemples. Vous pourrez pratiquer d’abord cet exercice avec le livre ouvert devant vous, puis un \"eu plus tard vous vous imposerez de le faire de mémoire, après une lecture attentive. Ainsi vous vous entraînerez à construire.

 

2. Entraînement du style

 

Il serait bon aussi que, par un procédé inverse, vous rédigiez vous-même une partie d’un devoir dont vous aurez auparavant rétabli le plan détaillé. Vous confronterez ensuite votre essai avec le passage correspondant de la dissertation rédigée dans l’ouvrage. Cela vous permettra d’exercer votre sens critique à l’égard de vous-même et bien entendu, à l’occasion, à l’égard du texte qu’on vous offre. L’essentiel est d’être, dans un sens comme dans l’autre, aussi impartial que possible. D’ailleurs deux rédactions faites à partir d’un même plan ne se recoupent pas exactement. Chacun manifeste son tempérament et son originalité dans sa manière d’écrire. Vérifiez donc seulement si votre démonstration est rigoureuse, si le dessein du paragraphe est net, sans échappée et sans bavardage, si les mots que vous avez employés traduisent exactement la nuance que vous vouliez exprimer, car l’écueil le plus grave c’est l’impropriété des termes. La probité de votre effort, votre souci de vous juger équitablement, sans forfanterie mais sans complexes, sont les plus sûrs garants de votre succès.

technique

« que vous avez, bien entendu, évité une erreur énorme dont j'ai trouv é à ma grande stupéfa ction plusieurs exemples : hu maniste pris dans le sens d'humanitaire, qui conduit à voir en Montaig ne l' homme qui compatit aux misères de l'homme et qui s'applique à les soul ager.

Vous serez sans doute aussi surpris que moi de cette interpré tation fantaisiste.

Mais vous voyez où peut condui re, dans un cas extrême, une lecture trop hâtive.

Voulez-vous un deuxième test ? Alors voici un second sujet.

Dans quelle mesure pouvez-vous affirmer avec J.

Calvet que «Si Polyeucte est la plus parfaite des tragédies c'est parce que le « métier » y est d'une adresse achevée » ? Je suppose que vous avez, cette fois enco re, en quelques mots précisé le sens que vous donnez au sujet et l'o rientation que vous donnez au développement.

Certains parmi vous vont faire sans doute une objection : je connais mal Polyeucte ou même je ne connais pas du tout Polyeuc te.

Mais, de toute manière, vous avez nécessairement des notions sur le problème posé qui pourrait d' ailleurs s'envis ager à propos de toute autre tragédie classique.

Qu 'entend-on par une tragédie parfaite? Voilà ce que vous devez dé finir.

Il fallait d'abord s'attacher à distinguer les mots impor­ tants et à les définir.

Le mot «parfait» est ici évidemment essentiel.

Vous pouvez maintenant confronter votre point de vue avec celui que je vous propose.

Une tragédie parfaite, c'est une tragédie qui respecte toutes les conventions du genre .

Avez-vous envisagé d' étudier la pièce dans ce sens, de voir dans quelle mesure elle respecte les trois unités et utilise les conventions propr es à la tragédie classique : monologues, confidents, etc ...

? Avez-vous seulement pensé aux trois fameuses unités ? ou bien, ce qu'à Di eu ne plaise, vous êtes-vous imaginé que la question avait une signification beaucoup plus large : Polyeucte est une grande œuvre émouvante, riche de psychologie humaine, etc ...

? Trois cas donc à cons idérer.

Premier cas : vous êtes exacte­ ment dans la ligne.

Deuxième cas : votre conception du devoir est trop étroite et incomplète.

Troisième cas : vous avez « mis co mplètement à côté ».

Pourtant dans la donnée, le mot «métier», qui suppose une technique éprouvée, un art d'évoluer avec aisance au sein de cette technique, aurait dû vous mettre sur la voie.

Il ne suffit pas de peser les termes du sujet.

Il faut encore les confronter.

Ils s'éclairent d'ordinai re le.s uns par les autres.

Vous prêterez -vous encore volontiers à un troisi ème test? Il porte sur le sujet suivant :. »

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