PASTEUR LES VRAIES RAISONS D'UNE GLOIRE Par A nne de Saint Romain pour le magazine Histoire Le nom de Pasteur conserve tout son prestige en France et hors de France.

PASTEUR LES VRAIES RAISONS D'UNE GLOIRE Par A nne de Saint Romain pour le magazine Histoire Le nom de Pasteur conserve tout son prestige en France et hors de France. Le label de l'Institut Pasteur production, avec ses lettres gothiques (Est-ce un hasard dans la maison de celui qui fut le grand rival de l'Allemand Koch ?), reste à l'étranger aussi un symbole de qualité. Le savant repose dans une crypte ornée de mosaïques, située exactement sous la bibliothèque de son Institut, et qui continue à être visitée par des foules de curieux et de biologistes. Le culte est incontestable. Il a été alimenté par toute une littérature édifiante dont le modèle a été Pasteur, histoire d'un savant par un ignorant, Paris, 1883, biographie écrite par le propre gendre de Pasteur, Vallery-Radot. A propos de littérature familiale, il existe un autre livre beaucoup moins connu L' Ombre de Pasteur (Paris, 1937-1938), dû à son neveu, Adrien Loir. Celui-ci avait eu le privilège de travailler avec son oncle au laboratoire, d'abord à l'Ecole normale supérieure, puis à l'Institut Pasteur, un privilège parfois ingrat, car Pasteur était un maître exigeant, aimant l'ordre et peu enclin à la contestation, qu'elle soit politique ou scientitique - les élèves de l'Ecole normale supérieure l'avaient appris à leurs dépens quand ils avaient "chahuté" le gouvernement de Napoléon III. Des années plus tard, un technicien se rappelait avoir dissimulé au grand homme qu'il avait renversé une culture fraîche de bacilles pesteux dans le sous-sol de l'Institut... Pasteur n'était pas médecin, mais chimiste et biologiste. Il appartenait à une famille religieuse et politique bien déterminée - catholique et bonapartiste. Il avait un caractère difficile. Alors comment sa séduction s'estelle exercée sur ses collaborateurs et surtout comment a-t-elle franchi les barrières du laboratoire pour susciter un vaste engouement de la part du public ? Les raisons n'en sont pas seulement scientifiques et humanitaires; elles tiennent aussi au contexte politique de l'époque. En 1885, Pasteur inocule à un jeune Alsacien, Joseph Meister, une moëlle de lapin enragé rendue inoffensive par une longue déshydratation obtenue en présence de potasse (Adrien Loir note que cette idée était due primitivement à Emile Roux et laisse entendre que celui-ci se sentit évincé de la découverte). A peine les premières vaccinations antirabiques sont-elles terminées que Pasteur déclare à l'Académie des sciences: "La prophylaxie de la rage après morsure est fondée, il y a lieu de créer un établissement vaccinal contre la rage". Cet établissement, le premier du genre, recevrait "toutes les personnes qui auraient été mordues en Europe". Une souscription est ouverte. Pour beaucoup de Français, c'est "la revanche", sur le terrain même où Pasteur avait jadis bravé l'Université prussienne en lui renvoyant, après 1871, les distinctions qu'elle lui avait conférées. En Alsace, la souscription est particulièrement enthousiaste. Le zèle des particuliers, des grands comme le tsar, des riches comme Aime Boucicaut, etc, est tel que Pasteur peut parler d'égal à égal avec l'Etat: "Faut-il réclamer le concours de l'Etat ou de la Ville de Paris pour une installation complète ? Je ne le pense pas". N'y a-t-il pas là un paradoxe ? Cet adversaire déclaré...