Grand oral du bac : Le toucher
Publié le 11/11/2018
Extrait du document
UN SENS MULTIPLE
Aristote est l'auteur du classement traditionnel des cinq sens en fonction des organes et de leur portée. Le sens le plus noble est la vue, assurée par les yeux, à distance. À l'autre extrémité de la hiérarchie se trouve le toucher, assuré par la peau par contact immédiat. Aristote le considère donc comme le sens le plus simple. Cependant, si l'on ne s'intéresse plus à l'organe mais au type de perception, on constate qu'il comporte au moins deux sens en un : nous percevons les contacts physiques aussi bien que les variations thermiques. Historiquement, le sens tactile a été privilégié. À la fin du XVe siècle, quand la tapisserie de la Dame à la licorne nous montre les cinq sens sous la forme de cinq femmes, c'est celle qui caresse la licorne qui figure le toucher. Il s'agit du toucher « haptique », actif, par la main. Il faut attendre le xviie siècle pour observer des figurations plus complexes, rendant mieux compte de la variété des perceptions : on représente des jeux de carte (toucher fin des tricheurs), de tendres baisers (toucher actif et passif, source de plaisir par les lèvres et la peau), ou une saignée (douleur).
Le toucher rassemblerait ainsi les sensibilités superficielles par opposition aux sensibilités profondes, perception de la position des membres (proprioception) et l'ensemble des perceptions « viscérales » qui nous renseignent sur l'état de nos organes internes (interoception).
PERCEPTIONS ET SENSATIONS
La peau couvre tout le corps. Avec les muqueuses entourant ses orifices, elle constitue l'organe sensoriel le plus vaste. L'image du monde qu'elle nous apporte est riche, nuancée. Nous percevons plusieurs choses à la fois : la forme des objets, leur texture, leur température, l'intensité du contact etc. Pour le seul aspect tactile, un référentiel mis au point pour l'industrie distingue dix nuances perceptives et propose 50 échantillons de matières.
Ces perceptions impliquent une multitude de récepteurs répondant à des gammes de stimulus divers. Situés dans la couche moyenne de la peau, le derme, ils sont à la fois nombreux et variés. Le derme comporte un véritable feutrage de fibres nerveuses aboutissant à ces récepteurs ou se ramifiant librement dans les tissus (terminaisons libres). Dans les deux cas, l'extrémité des fibres est nue (dépourvue de myéline), ce qui permet le recueil de l'information. Le reste de la fibre est le plus souvent enrobé de myéline, substance blanche qui l'isole, la protège et accélère les signaux électriques transmis.
Un triple relais de neurones conduit l'information jusqu'au cerveau qui la traite et la traduit, dans moins d'un pour cent des cas, en sensations. Ces sensations varient d'un individu à l'autre, selon l'âge, l'état de santé, des facteurs psychologiques, etc.
L'homme étant un animal « à sang chaud », sa survie dans un environnement changeant dépend du maintien de notre température interne aux alentours de 37 °C (homéothermie). Il nous faut donc la réajuster constamment, grâce à un système de régulation complexe comportant un thermostat, le lobe préoptique de l'hypothalamus, et de nombreux capteurs. Les plus importants de ces thermorécepteurs se trouvent en profondeur, mais il y en a aussi beaucoup dans la peau. Dans la main, par exemple, entre 1 et 5 points sensibles au froid par cm2,0,4 sensible au chaud. Quel que soit leur type, ces thermorécepteurs cutanés possèdent des propriétés communes.
D'une part, ils sont à adaptation lente : tant qu'ils restent dans leur zone thermique d'activité, ils émettent un signal électrique permanent, dont la fréquence varie en fonction de la température. Les récepteurs du chaud, actifs de 30 à 48 °C, ont un maximum d'activité vers 45 °C ; ceux du froid,
«
son
état d'origine et que le neurone
transmet fidèlement (récepteur à
adaptation lente).
Une fibre
nerveuse
s'enroule autour
de la base de
chaque poil,
sensible à son
mouvement le
plus léger, à la
moindre inclination sous
l'effet de l'air.
Comme les
corpuscules de Meissner, ce sont des
récepteurs à adaptation rapide : nous
sentons le contact de nos vêtements
quand nous les mettons, plus quand
nous les portons.
Ce sont les plus gros récepteurs tactiles,
avec un diamètre d'un millimètre et 2
ou 3 mm de long ; ce sont aussi les plus
complexes.
Une couche de 20 à 40
cellules en pelure d'oignons, séparées
par un fluide et des fibres de collagène,
entoure l'extrémité en massue d'une
fibre nerveuse.
En cas de pression, les
lamelles se réarrangent les unes par
rapport aux autres en déformant
momentanément cette extrémité
(récepteur à adaptation rapide).
Si la
déformation est assez importante, un
signal électrique est transmis le long de
la fibre à une vitesse de 4 à 30 m/s
(fibre à myéline de 1 à 5 nanomètres
de diamètre).
Ces récepteurs sont
sensibles aux variations rapides
d'intensité de déformation, ainsi qu'aux
vibrations entre 30 et 1 500 Hz, avec un
maximum entre 200 et 350 Hz.
Ce sont
eux qui sont responsables de
l'impression qu'on entend les basses
« par le ventre "· Ils sont aussi
sensibles à la pression sanguine, mais
pas aux touchers légers, car ils sont
enfoncés à la limite entre le derme et
l'hypoderme graisseux, qui joue le rôle
de coussin élastique de la peau.
Selon
leur position, zones palma-plantaires,
tissus profonds, glandes génitales ou
mammaires, leur champ de perception
peut s'étendre sur plusieurs
centimètres.
AUTRES RtCEPTEURS
Les corpuscules de Golgi-Mauoni,
présents à la jonction muscles-tendons,
mais aussi dans les mamelons et les
aréoles, sont sensibles à des pressions
légères, par l'intermédiaire de fibres de
collagène.
Les terminaisons libres se ramifient
dans la peau comme dans tout le corps.
Elles sont très faiblement ou pas du
tout myélinisées.
Ce sont donc des
récepteurs à transmission lente,
adaptés à la perception du toucher
passif (par exemple la pression d'une
boule de coton), mais aussi, selon leur
type, à celle du chaud, du froid ou de la
douleur.
LE
SENS THERMIQUE
L'homme étant un animal « à sang
chaud », sa survie dans un
environnement changeant dépend
du maintien de notre température
interne aux alentours de 37 •c
(homéothermie).
Il nous faut donc la
réajuster constamment, grâce à un
système de régulation complexe
comportant un thermostat le lobe
préoptique de l'hypothalamus, et de
nombreux capteurs.
Les plus
importants de ces thermorécepteurs se
trouvent en profondeur, mais il y en a
aussi beaucoup dans la peau.
Dans la
main, par exemple, entre 1 et 5 points
sensibles au froid par cm', 0,4 sensible
au chaud.
Quel que soit leur type, ces
thermorécepteurs cutanés possèdent
des propriétés communes.
D'une part ils sont à adaptation lente :
tant qu'ils restent dans leur zone
thermique d'activité, ils émettent un
signal électrique permanent, dont la
fréquence varie en fonction de la
température.
Les récepteurs du chaud,
actifs de 30 à 48 •c, ont un maximum
d'activité vers 45 •c ; ceux du froid,
actifs de 12 à 35 •c, vers 27 •c.
Si la
température augmente, leur activité
diminue fortement puis cesse.
Elle ne
reprend qu'à très hautes températures,
ce qui provoque la « sensation
paradoxale de froid » qu'on éprouve
en mettant la main dans une eau très
chaude.
D'autre part, ils sont extrêmement
sensibles : une variation de 0,01 •c peut
être perçue.
Cependant le seuil de
perception dépend de la vitesse de
variation, car le système nerveux
central ne traduit en sensations que les
variations de leur activité électrique
(fonctionnement opposé à celui des
récepteurs tactiles).
Un refroidissement
très progressif, comme celui de l'eau
d'un bain, n'est pas détecté à moins
de 4 •c.
Pour la même raison, une eau
tiède parait chaude après une eau
froide, froide après une eau chaude.
Le temps d'adaptation est d'environ
10 secondes, après quoi la sensation
n'est plus ressentie.
Dans la vie courante, la température de
la peau des mains évolue autour de
33 •c (point de neutralité thermique).
Si elle vient à s'accroître de 3 ou 4 •c,
nous éprouvons une sensation de
chaleur intense, de froid intense si elle
diminue de 1 ou 2 •c- cette différence
semblant indiquer une prédisposition
�,...--., de l'organisme
à lutter contre
le froid.
Les récepteurs
du chaud sont
des terminaisons
libres et les
corpuscules de
Ruffini.
Très
nombreux dans la muqueuse
buccale et la langue, ils sont séparés
en moyenne de 1 à 1, 5 cm.
Les récepteurs du froid comprennent également
des terminaisons libres et les
bulbes de Krause, situés juste sous
l'épiderme.
Séparés de 0,5 à 1 cm, ils
manquent complètement dans
certaines parties du corps comme la
luette ou, chez l'homme, l'extrémité de
la verge.
TOUCHER ET DOULEUR
Si l'on augmente l'intensité d'un
stimulus, par exemple la pression d'une
aiguille ou la température d'un bain, il
arrive un moment où apparaît une
sensation de douleur.
Celle-ci n'est pas
due à une simple accentuation de la
réponse nerveuse, mais met en jeu des
récepteurs particuliers, les nocicepteurs
(ou nocirécepteurs), sensibles aux
signaux qu'émettent les tissus
endommagés.
On parle de nociception.
Ils sont de deux types, impliquant deux
réseaux neuronaux différents.
NOCICEmURS À ACTIVATION IMM{DIATE
Les nocicepteurs à activation
immédiate, les plus superficiels, sont
habituellement dormants.
Ils ne
répondent qu'à de fortes stimulations,
provoquées par les substances
relâchées par les tissus lésés,
notamment du potassium.
Leurs
signaux voyagent vite, entre 5 et 30 rn
par seconde.
Ils provoquent
habituellement une action réflexe :
retirer sa main du cactus.
Certaines
substances émises ont pour effet de
sensibiliser ces récepteurs, qui
répondent alors à des stimulations
beaucoup plus légères (perçues comme
inoffensives en temps normal).
A contrario, une zone de la joue est
complètement dénuée de nocicepteurs
de ce type, ce que mettent à profit
certains fakirs pour passer une aiguille
au travers.
NOCICEPTEURS POLYMODAUX
Les nocicepteurs polymodaux, présents
plus en profondeur dans la peau,
répondent à des stimuli moins
intenses, mais durables.
Leurs signaux
circulent dans des neurones sans
myéline, à 1 ou 2 rn/s.
La sensation de
douleur diffuse, comme celle d'une
brûlure, incite à changer de posture ou
d'activité pour ne pas léser davantage
la zone atteinte.
En cas de douleur vive
et localisée, une des réactions est au
contraire de frotter celle-ci pour
diminuer, non pas les dommages, mais
la sensation de douleur : les messages
tactiles, transmis à grande vitesse par
des fibres de gros diamètre,
renforceraient les mécanismes
inhibiteurs au niveau de la corne
dorsale de la moelle épinière : c'est la théorie
du gate-control, de la porte
fermée aux messages nociceptifs,
qui permet de comprendre les effets de
l'acupundure.
C'est probablement le plus primitif et le
plus ancien traitement par massage.
Esculape, dieu thaumaturge, guérissait
par simple toucher.
En Égypte, le
papyrus d'Ebers (1 500 avant Jésus
Christ) mentionne déjà des massages et
ceux-ci sont pratiqués en Inde, dans la
médecine Ayurvédique, depuis plus de
3 800 ans.
Si dans les sociétés
modernes plus personne ne croit
vraiment à l'imposition des mains, les
thérapeutiques par le toucher dans leur
ensemble connaissent aujourd'hui un
très fort regain d'intérêt.
TOUCHER ET PLAISIR
Il n'existe pas de récepteurs spécifiques
du plaisir.
Les sensations agréables
naissent au niveau du système nerveux
central, à l'issue de traitements des
informations fournies par les récepteurs
ordinaires.
Ces récepteurs sont plus
nombreux dans les zones érogènes.
On a cependant pu montrer que le
toucher et sa charge émotive
impliquaient deux réseaux de neurones
différents : le toucher est traité au
niveau des grosses fibres à myéline de
l'aire somatosensorielle du cerveau,
tandis que sa charge émotive est traitée
par les fines fibres sans myéline du
cortex insulaire (qui peut être activé
aussi par des stimuli visuels).
Paradoxalement, ces fibres du cortex
insulaire sont fonctionnelles dès le
huitième mois de gestation, alors que
celles de l'aire somatosensorielle ne se
développent qu'après la naissance : le
nouveau-né perçoit donc l'affection
qu'on lui porte, mais pas la caresse
elle-même!
Plus tard, le toucher passif sera
diversement ressenti, selon les
individus, mais aussi selon les normes
extrêmement précises du milieu où ils
vivent.
En Afrique, des contacts
considérés comme insistants en Europe
font partie du comportement social
courant alors qu'en Extrême-Orient, les
adultes se saluent sans jamais se
toucher.
Les prescriptions d'origine
culturelle influent directement sur la
sensation.
i! iiM iJ oiJ f.J'l"
Premier des sens pour son
immédiateté, selon Aristote, le toucher
l'est aussi dans notre développement
Il est parfois le dernier à encore
fonctionner chez les personnes âgées.
La peau, les cellules sensorielles et le système
nerveux sont en effet issus du
même feuillet embryonnaire,
l'ectoderme.
Dès la huitième semaine
de grossesse, le fœtus est capable de
percevoir pressions et vibrations.
La
première zone sensible est le tour de la
bouche.
Si on le touche, le fœtus
déplace ses lèvres en direction du
stimulus, première ébauche du réflexe
de succion.
Les paumes, le visage,
l'extrémité des membres acquièrent
successivement le sens du toucher.
A la
quatorzième semaine, le corps tout
entier est sensible à la pression du
liquide amniotique et des parois de
l'utérus.
On peut communiquer avec
eux en touchant le ventre de leur
m�re.
Aprés l'accouchemen�
tactile le plus important du nourrisson
est sa bouche.
Il dort « à poings
fermés" jusqu'au deuxième mois, porte
tout à sa bouche pendant au moins un
an, tandis qu'il apprend à se servir de
ses mains.
On sait par ailleurs l'importance des
contacts physiques pour son
développement sensoriel et son bien
être psychoaffectif.
Les bébés africains,
toujours en contad avec la peau de
leur mrre ou celle de leurs frères et
sœurs, sont aussi les plus " éveillés ».
Pour les jeunes enfants, le toucher est
un sens fondamental.
A l'âge adulte, puis durant le
vieillissement, il décline comme les
autres sens, en général très
progressivement.
Le seul « cap >> est
celui de la cinquantaine, où la
sensibilité vibratoire diminue de façon
importante, surtout dans les membres
inférieurs.
Pour les personnes plus
âgées, la sensibilité à la douleur est
émoussée par la dégénérescence des
récepteurs, comme au niveau du
système nerveux central.
La sensibilité
thermique se dégrade.
Les personnes
âgées ont souvent froid, d'une part par
diminution de l'irrigation des capillaires
sanguins, d'autre part à cause de la
raréfaction des fibres de collagène du
derme : les corpuscules de Ruffini,
capteurs du chaud, voient leurs
performances amoindries.
Ce
vieillissement du toucher n'est
cependant
jamais total,
contrairement
à celui de la
vue ou de l'ouïe,
qui peuvent
disparaître
complètement.
Pour certaines
personnes urs
i gées ou
atteintes de démence sénile, comme
pour certains comateux, le toucher est
alors à nouveau le seul moyen de
contact avec le monde..
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