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HISTOIRE DES MATHÉMATIQUES

Publié le 02/05/2019

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L'ANALYSE ET L'ALGÈBRE

 

L'analyse aussi se ressentit de cette forte poussée vers l'abstraction, qui conduisit à la fonder sur une conception abstraite et générale de fonction ou d'application. L'idée intuitive de « relation entre quantités » est ancienne, comme les manipulations arithmétiques, c'est-à-dire les opérations entre quantités. Il suffit de penser aux tableaux, dans lesquels à chaque nombre on associe son carré, son inverse ou son logarithme. Grâce à l'introduction de l'écriture symbolique de l'algèbre, l'idée de relation entre quantités fut associée à sa représentation au moyen d'une équation, ou bien d'une formule. Les formules les plus simples sont celles qui sont exprimées au moyen de polynômes, et en général d'équations algébriques, dans lesquelles, à partir d'un nombre, on en obtient un autre avec les opérations de puissance, d'extraction de racines, de multiplication et d'addition. Mais il existe d'autres types de relations, comme celles qui lient un nombre et son logarithme. Le logarithme avait été défini par John Napier (1550-1617) au début du XVIIe siècle, pour simplifier les calculs trigonométriques de l'astronomie. Même la somme d'une série infinie peut fournir un nombre. Par exemple, si nous considérons le nombre 0,5, et que nous considérions la somme infinie :

le résultat est 6. En effet, pour n'importe quel nombre x entre 0 et 1,

3 + 3x + 3x2 + 3x3 + 3x4 +...= 3/1-x.

Les termes de cette somme deviennent « de plus en plus petits », et, par conséquent, le résultat d'une somme infinie est à la fin une quantité finie (pour x entre 0 et 1).

L'idée de « dépendance » entre quantités s'est encore renforcée quand les équations ont été associées à des courbes, et utilisées pour représenter une loi de variation mécanique : la dépendance de l'espace par rapport au temps, de la vitesse par rapport au temps et ainsi de suite. En outre, le calcul infinitésimal avait introduit les « opérations » de différentiation (calcul de la dérivée) et d'intégration (calcul de l'intégral) et avait ainsi donné lieu à des opérations plus complexes, les équations différentielles. Euler, le premier, dans son livre Introduction à l'analyse infinitésimale, définit l'idée de fonction d'une quantité variable comme une combinaison quelconque (même en nombre illimité) d'opérations appliquées à un nombre, et distingua entre les fonctions algébriques (rationnelles, si l'on applique seulement les quatre opérations arithmétiques ; irrationnelles, si l'on admet aussi l'extraction de racine) et les fonctions « transcendantes » comme le logarithme, la fonction exponentielle, les fonctions trigonométriques (sinus, cosinus, tangente, etc.). Dans la période suivante, les mathématiciens parvinrent à la considération de « fonctions arbitraires », qui font correspondre à un nombre x un autre nombre y d'une façon quelconque. Et ils ne s'intéressèrent plus à la formule de la fonction, mais à ses propriétés mathématiques.

Les mathématiciens du XVIIIe siècle ne distinguaient pas nettement la nouvelle analyse de la vieille algèbre et appelaient souvent analyse algébrique ce qui est appelé aujourd'hui analyse mathématique et analyse algébrique finie, la théorie des équations algébriques. Mais dans l'analyse, à la différence de l'algèbre, sont impliquées des quantités infiniment petites et des sommes infinies. Au début du XIXe siècle, Augustin Cauchy (1789-1857), en préparant ses leçons à l'École polytechnique de Paris, commença à éclaircir et à formuler de façon rigoureuse ces idées, à partir de la notion d'une quantité qui peut devenir aussi petite que l'on veut, d'une succession de nombres qui s'approchent autant qu'on le souhaite d'une valeur fixe (la limite), ou d'une série infinie convergente, c'est-à-dire dont la somme n'est pas infinie mais un nombre bien défini. Le travail de Cauchy fut complété à la fin du siècle par le mathématicien allemand Karl Weierstrass (1815-1897).

C'est ainsi que dans l'exemple de la série infinie écrite ci-dessus, nous avons dit que les termes devenaient de plus en plus petits, c'est-à-dire qu'ils ont comme limite zéro. En effet, pour n'importe quel nombre e aussi petit que l'on veut, il existe toujours un exposant n à partir duquel 3xm, pour m > n, est un nombre inférieur à e. De cette façon, en recourant à la considération de ces quantités e aussi petites que l'on veut et à des raisonnements arithmétiques, on fait disparaître les parties infinitésimales. C'est pour cela qu'on a l'habitude de dire que Weierstrass a réussi son projet d'« arithmétiser »l'analyse.

Ces recherches suscitèrent un nouvel intérêt pour les différents types de nombres et pour leurs rapports. Les premiers nombres utilisés par les hommes sont ceux que l'on appelle les « nombres naturels », 1, 2, 3,… ; puis les fractions, le zéro, les nombres négatifs. Si nous représentons tous ces nombres sur une droite, en prenant comme point de départ zéro, il restera encore de nombreux trous sur la droite. En revanche, elle devient « continue » si l'on prend en considération d'autres nombres, parmi lesquels les irrationnels, comme, par exemple, la  ou p, dont l'expression décimale n'est pas périodique. L'ensemble de tous les nombres qui la remplissent de façon « continue » est ce que l'on appelle aujourd'hui l'ensemble des « nombres réels », dont la construction abstraite fut obtenue à la fin du XIXe siècle.

Les algébristes, pour trouver les solutions des équations, avaient aussi eu recours à d'autres types de nombres : les racines carrées de nombres négatifs, dites aussi « nombres impossibles » ou « nombres imaginaires ». Le plus célèbre de ces nombres est , qui s'écrit également i à partir duquel s'écrivent tous les nombres de ce genre. Par exemple,  peut être écrite comme , c'est-à-dire 2i. Les nombres du type 3 + 2/3i,  - i, sont appelés « nombres complexes ». Gauss démontra que, en utilisant ces nombres, il était possible de démontrer le théorème fondamental de l'algèbre, lequel affirme que toute équation de degré n a exactement n solutions. Au cours du XIXe siècle, l'utilisation de ces nombres fut progressivement éclaircie et on étudia aussi les fonctions dont la variable ne représentait pas un nombre réel x, mais un nombre complexe z. Cauchy apporta une contribution importante à ces recherches.

Remarquons toutefois que le théorème fondamental nous dit combien il y a de solutions, mais n'explique pas comment on peut les calculer. En effet, le vieux problème consistant à trouver effectivement une formule générale, la « solution racines énièmes » d'une équation algébrique - de la même façon que ce qu'on savait faire dans le cas des quadratiques, cubiques et biquadratiques - était resté irrésolu. L'algèbre avait été négligée au XVIIIe siècle en faveur du calcul infinitésimal. En l'absence de méthodes exactes pour résoudre les équations de degré supérieur à quatre (c'est-à-dire en l'absence d'une formule générale), de nombreux mathématiciens développèrent des méthodes approchées, dites numériques, car elles se fondaient sur des opérations sur les coefficients numériques des équations afin d'obtenir les valeurs numériques ou d'autres informations utiles sur les solutions. On assista toutefois à une tentative d'expliquer de façon théorique pourquoi il n'était pas possible de trouver une solution générale. En 1826, un mathématicien norvégien, Niels Henrik Abel (1802-1829) démontra l'impossibilité de résoudre l'équation de cinquième degré par racines énièmes, mettant ainsi un point final à un grand chapitre des recherches mathématiques. Après lui, évariste Galois (1811-1832) jeta les bases d'une étude théorique abstraite des rapports entre les solutions des équations algébriques et les ensembles numériques dans lesquels étaient définis les coefficients des équations elles-mêmes.

La poussée vers l'abstraction, dans le cas de l'algèbre, se manifesta dans le déplacement de l'intérêt des mathématiciens vers la manipulation purement formelle des symboles algébriques, comme si l'on oubliait qu'ils représentaient à l'origine des nombres et des opérations bien connues. Au lieu de penser à une opération déterminée et à la façon de l'effectuer, l'attention se concentre sur ses propriétés abstraites, ce qui révèle que des « lois de composition » du même type peuvent être appliquées à différents systèmes de nombres ou à d'autres objets. Ces propriétés caractérisent les « structures », comme celles de groupe, d'anneau, de corps ou d'espace vectoriel, qui deviendront l'objet principal d'étude de l'algèbre, à partir de la fin du XIXe siècle.

 

 

LE CALCUL DES PROBABILITÉS

 

Dévoiler le secret des jeux de hasard, qui semble se soustraire aux calculs mathématiques et à leur ambition de décrire et de prévoir tous les phénomènes, a été pendant longtemps un défi pour de nombreux mathématiciens. Réussir à dominer d'une façon ou d'une autre l'imprévu et le hasard pouvait apporter de nombreux avantages économiques. Et non pas seulement pour ceux qui jouent et gagnent aux cartes ou aux dés, mais surtout pour ceux qui gèrent les compagnies d'assurances, qui font du risque le fondement de leurs affaires. Au début, les assurances maritimes s'étaient développées à l'intérieur du tissu du réseau commercial européen sans aucun type de critère « rationnel ». Une situation analogue s'était produite pour les assurances sur la vie ou pour la gestion de l'épargne visant à obtenir une rente future (une pension, dirions-nous aujourd'hui).

Dès le XVIIe siècle, les mathématiciens ont tenté de résoudre et de maîtriser les problèmes inhérents à ce domaine d'activité, en quantifiant les probabilités afin de rendre ces activités plus conformes à la légalité. D'autres questions naissaient dans le domaine de la théorie des jeux, liées aux objectifs de gains. Par exemple, en combien de coups peut-on espérer obtenir un double six avec deux dés ? Des mathématiciens célèbres comme Blaise Pascal (1623-1662), Pierre Fermat (1601-1665), Christiaan Huygens (1629-1695), Gottfried Leibniz (1646-1716), Jacques et Daniel Bernoulli, Abraham de Moivre (1667-1754) et Pierre-Simon de Laplace (1749-1827) apportèrent une contribution fondamentale au développement du calcul des probabilités. C'est ainsi que l'on doit à Jacques Bernoulli la « loi des grands nombres », selon laquelle, étant donné un événement ayant une probabilité donnée (comme par exemple la sortie d'un six dans le jeu de dés, dont la probabilité est de 1/6), plus le nombre de tentatives est grand (dans notre exemple, plus de fois on lance le dé), plus l'écart entre le nombre de fois où l'événement se vérifie effectivement et le nombre prévu théoriquement par la probabilité est petit. Laplace proposa une définition qui rendait explicite l'idée de probabilité plus répandue parmi les pionniers de ce calcul. Pour étudier un phénomène, il faut réduire tous les événements du même type à un certain nombre de cas également possibles, et alors la probabilité d'un événement donné est une fraction, dont le numérateur représente le nombre de cas favorables à l'événement et dont le dénominateur représente par contre le nombre des cas possibles. On pourrait se demander : qu'entend-on par « cas également possibles » ? Selon Laplace, il s'agit de cas où il est impossible de décider si l'un ou l'autre d'entre eux se produira. Cette définition pourrait être convaincante du point de vue du bon sens, mais elle n'est pas irréprochable du point de vue logique.

Ce n'est qu'avec beaucoup de réticences que les compagnies d'assurances se décidèrent à appliquer les méthodes mathématiques et à utiliser, dans leurs activités, les données des tableaux de mortalité. Au cours du XIXe siècle, naquit une profession spécifique, l'actuariat, et il s'organisa une nouvelle branche du savoir, la statistique, dont la base mathématique théorique est le calcul des probabilités. En réalité, parmi les mathématiciens, le sens et la définition mathématique de probabilité avaient été depuis toujours l'objet de discussions acharnées. Nombre d'entre eux, comme d'Alembert, se méfiaient de cette branche, car ils considéraient ses concepts de base comme fumeux et ses méthodes comme beaucoup moins rigoureuses que celles de la géométrie. Le développement de la physique mathématique semblait confirmer la capacité des hommes à connaître à fond la structure et les lois de l'Univers, de façon telle que chaque phénomène pouvait être ramené rationnellement à une cause, et qu'il était possible aussi de faire des prévisions exactes. Les probabilités ne semblaient pas appartenir à cette approche scientifique et mathématique « sérieuse ». Laplace considérait en revanche que les phénomènes « aléatoires » ne l'étaient qu'en apparence, car leur complexité avait empêché jusque-là une explication causale. Les probabilités devaient donc être considérées, et acceptées, comme une aide efficace, en attendant d'approfondir la compréhension de certains phénomènes et de pouvoir leur appliquer l'analyse mathématique.

Au siècle des lumières, sous l'influence de l'œuvre de Newton, se diffusa l'idée qu'il était possible et même souhaitable d'appliquer les mathématiques à tous les secteurs des connaissances humaines, pour les élever au degré de perfection de la mécanique.

C'est ainsi que l'idée d'équilibre - dont un exemple classique est fourni par l'équilibre du levier dans la statique - devint la base de la théorie dite de l'équilibre économique et permit l'introduction des méthodes de calcul infinitésimal en économie. D'autres savants, tels que Condorcet, considéraient que le calcul des probabilités était au contraire l'instrument mathématique le plus approprié pour l'étude des phénomènes économiques et sociaux. En effet, selon Condorcet, dans la vérification de la légitimité d'une décision votée dans une assemblée, ou de la justice d'un verdict rendu par un jury, entrent en jeu des facteurs comme la liberté humaine et non pas des processus d'interaction réductibles au jeu de particules matérielles suivant les lois aveugles et déterminées de la physique. Il défendait l'idée d'une « mathématique sociale » et considérait le calcul des probabilités comme une branche des mathématiques ayant la même dignité scientifique que la géométrie ou que l'analyse.

L'utilisation des mathématiques s’étendit à d'autres secteurs que la physique et vint enrichir la biologie et la médecine. Par exemple, le système musculaire et le mouvement du corps pouvaient être considérés comme relevant de la mécanique, la vision humaine comme relevant de l'optique, et l'évolution démographique des populations humaines ou le problème de la diffusion de la variole pouvaient être décrits au moyen d'équations différentielles. Dans ce domaine toutefois, ces idées suscitèrent un fort scepticisme. À la fin du XIXe siècle, Francis Galton (1822-1911) et Karl Pearson (1857-1936) furent plus entendus quand ils suggérèrent d'appliquer la statistique à l'étude des caractères héréditaires selon les idées de Charles Darwin. Ils fondèrent une nouvelle branche d'études, la biométrie, qui joua un rôle important dans l'affirmation définitive des probabilités comme discipline mathématique, ce qui n'eut lieu qu'au XXe siècle.

 

 

REVUES, SOCIÉTÉS ET COLLOQUES : L'ORGANISATION DU MONDE MATHÉMATIQUE

 

Au cours du XIXe siècle, les mathématiques s'étaient développées dans de nombreuses directions, certaines complètement nouvelles et en opposition avec les orientations traditionnelles de la pensée mathématique. Les mathématiciens avaient commencé un travail de révision des concepts et des méthodes de leur discipline. Tandis que l'édifice des théories mathématiques semblait toujours plus imposant et digne d'admiration, les vieilles certitudes sur la vérité des connaissances mathématiques commençaient de s'écrouler. De nombreux savants qui considéraient le passé des mathématiques comme une marche triomphale vers des conquêtes de plus en plus importantes se demandaient si cette science avait encore un avenir. En réalité, les mathématiques avaient déjà surmonté beaucoup de crises et de transformations, et trouveraient une fois encore une réponse aux problèmes qui se présentaient.

Toutefois, les observateurs extérieurs ne voyaient pas ce panorama menaçant, mais percevaient uniquement les effets de la créativité extraordinaire des mathématiciens et étaient convaincus de l'importance des mathématiques dans l'ingénierie et dans tous les secteurs de la connaissance qui contribuaient au progrès et à la diffusion de la technologie et de l'industrie et à la modernisation économique et sociale. Au début du XIXe siècle, la France, avec ses brillants ingénieurs-mathématiciens formés à l'École polytechnique incarnait parfaitement cette image. À la fin du XIXe siècle, c'était l'Allemagne que tous les autres pays voulaient imiter. Dans les universités allemandes, les professeurs s'occupaient de l'enseignement mais aussi de la recherche. Les directions d'étude et les résultats obtenus étaient discutés avec des spécialistes d’autres disciplines lors de rencontres appelées séminaires (parce que le nouveau savoir mathématique y germait). Et les étudiants n'apprenaient pas seulement des théories acceptées et consolidées, mais recevaient aussi une formation concernant les nouvelles idées. D'illustres mathématiciens enseignaient dans les écoles techniques supérieures et les puissantes compagnies industrielles allemandes investissaient des capitaux privés dans la recherche fondamentale des universités. De nombreux savants étrangers se rendaient en Allemagne pour compléter leur formation.

Si dans le passé la recherche mathématique ne s'était développée que dans quelques grands centres, on sentait à présent le besoin d'établir un réseau de contacts entre tous ceux qui étaient intéressés par les mathématiques dans tous les pays : professeurs universitaires et de lycée, actuaires, ingénieurs civils et industriels, militaires. C'est ainsi que naquirent des sociétés mathématiques en France, en Angleterre, en Allemagne, mais également dans de nombreux autres pays du sud et de l'est de l'Europe, ainsi qu'aux États-Unis qui, à cette époque, commençaient à manifester leur présence au niveau international. On assista également à la création, dans tous les pays, d'un grand nombre de revues consacrées uniquement aux mathématiques, les « revues spécialisées ». Cela aboutit à la mise en place d'un réseau de spécialistes entretenant des rapports transversaux d'un pays à l'autre et séparé des autres disciplines scientifiques, comme la physique et la chimie. Ces disciplines ont créé à leur tour des structures analogues. En 1897, se tint à Zurich le premier congrès international des mathématiciens. Cela devint une habitude, encore en vigueur aujourd'hui, d'organiser tous les quatre ans de grandes réunions scientifiques pour permettre aux participants de se rencontrer, de discuter et de s'informer de l'évolution de la recherche.

 

 

LES MATHÉMATIQUES AU XXe SIÈCLE

 

À LA RECHERCHE DE FONDEMENTS SOLIDES DES MATHÉMATIQUES

 

Le XXe siècle a vu un développement extraordinaire des mathématiques, qui sont devenues une entreprise internationale, pratiquée par des savants aux origines culturelles les plus diverses. Elles représentent aujourd'hui un pilier de l'enseignement et jouissent du respect et du soutien des politiques culturelles dans le monde entier. Le début du siècle fut marqué toutefois par de nombreuses discussions et par des incertitudes quant aux orientations futures de la discipline. L'un des nœuds fondamentaux de la discussion était l'abstraction croissante des concepts et des méthodes de tous les secteurs des mathématiques. Certains mathématiciens travaillaient de plus en plus dans cette direction, tandis que d'autres insistaient sur la nécessité de préserver la base intuitive des mathématiques et les connexions avec des notions empiriques, de type physique ou géométrique. À la fin du XIXe siècle, Georg Cantor (1845-1918) et Julius Dedekind (1831-1916) avaient exploré et décrit certaines idées fondamentales du raisonnement mathématique moderne. Ils avaient étudié en particulier les propriétés des « ensembles » d'entités mathématiques, qu'il s'agisse du nombre ou de n'importe quel autre objet d'étude des mathématiques modernes (comme l'ensemble des polynômes ou des fonctions de variable réelle).

Cantor s'intéressa, en particulier, aux ensembles infinis, qui expriment la notion d'infini « actuel », à la différence de l'infini « potentiel », auquel on se réfère quand on parle d'un nombre aussi grand que l'on veut. Cantor parvint de la sorte à la classification des différents « infinis ». Il découvrit ainsi que l'ensemble de tous les nombres naturels et celui de tous les naturels pairs ont le « même » nombre infini d'éléments, comme on peut le voir en établissant la correspondance

qui associe un à un les éléments des deux ensembles. Il montra aussi que l'ensemble des nombres réels a par contre une « infinité » d'éléments plus grande que celle des entiers naturels et des entiers relatifs, car il n'est pas possible d'établir une telle correspondance biunivoque, bien que l'ensemble des nombres réels contienne les deux ensembles de nombres. Les idées de Cantor furent très critiquées parce qu'elles étaient considérées comme des abstractions creuses et des élucubrations dépourvues de sens. Il semblait superflu et absurde à de nombreux mathématiciens de vouloir parvenir à une définition des nombres naturels, dont chaque homme possède une intuition claire, ou qui - comme eut l'occasion de le dire Leopold Kronecker (1823-1891), féroce adversaire de Cantor - sont seulement l'œuvre de Dieu.

D'autres mathématiciens soutenaient, au contraire, l'importance des concepts abstraits, qui permettaient d'examiner d'un point de vue général de nombreux thèmes mathématiques apparemment privés de liaisons entre eux. Et ils soutenaient aussi la nécessité de resserrer de nouveau le rapport entre mathématiques et logique. En effet, le lien entre mathématiques et logique était né avec les mathématiques grecques. Mais, avec le temps, il s'était relâché, car les mathématiciens s'étaient abandonnés à des raisonnements et à des idées dictés surtout par l'intuition et non pas justifiés rigoureusement d'un point de vue logique. À la fin du XIXe siècle, le développement de la logique mathématique et l'exigence croissante de réexaminer rigoureusement les mathématiques suggérèrent l'idée de ramener les secteurs fondateurs des mathématiques, c'est-à-dire l'arithmétique et la géométrie, à des concepts purement logico-mathématiques. Gottlob Frege (1848-1925), Bertrand Russell (1872-1970) et d'autres soutenaient un tel point de vue, dit aussi « logiciste ». Le relâchement du rapport traditionnel entre vérité mathématique et certitude intuitive était pour eux une conséquence inévitable de ce renouvellement nécessaire.

Bientôt, toutefois, ces projets subirent un dur coup du fait de la découverte des paradoxes dans la théorie des ensembles. Certains de ces paradoxes étaient connus depuis longtemps, sous une forme non mathématique. Considérons, par exemple, le paradoxe suivant. Le barbier d'un village doit raser tous les habitants de ce village qui ne se rasent pas eux-mêmes et eux seulement : le barbier doit-il se raser lui-même ou non ? Russell découvrit le nouveau paradoxe suivant : l'ensemble A de tous les ensembles qui ne sont pas éléments d'eux-mêmes est-il ou non élément de lui-même ? Dans les deux cas, que l'on essaie de raisonner en supposant certaine la réponse affirmative, ou la réponse négative, on parvient à une contradiction. Par exemple, si A n'est pas élément de lui-même, en tant qu'ensemble de tous les ensembles qui ne se contiennent pas eux-mêmes comme éléments, il l'est ; et si A est élément de lui-même, comme il contient seulement les ensembles qui ne se contiennent pas eux-mêmes, il ne l'est pas : on en déduit que A est et n'est pas élément de lui-même, c'est-à-dire une contradiction flagrante !

Face à ces véritables antinomies, qui semblaient miner le fondement de la théorie des ensembles, s'affirma alors le point de vue « intuitionniste », représenté par Henri Poincaré (1854-1912) et surtout par Luitzen E.J. Brouwer (1881-1966). Pour les intuitionnistes, les paradoxes étaient associés à des entités mathématiques dont on affirme l'existence parce qu'elles sont logiquement possibles, sans toutefois expliquer comment elles peuvent être construites ou décrites précisément. Les démonstrations d'existence obtenues en montrant que, si nous supposions qu'il n'existe pas d'entités jouissant des propriétés requises, on parviendrait à une contradiction, ne sont que des jeux formels. Ils critiquaient l'utilisation diffuse dans la théorie des ensembles de l'un des principes de la logique classique, le principe du tiers exclus, selon lequel, étant donné une proposition P, ou P se vérifie ou bien non P se vérifie.

En 1931, Kurt Gödel (1906-1978) porta un coup définitif aux tentatives, effectuées surtout par David Hilbert (1862-1943), de construire les mathématiques sur la logique. Ces tentatives visaient à établir une structure logique, qui, en partant de quelques principes de base, parviendrait à une définition des nombres et à la construction de l'arithmétique, et permettrait sur cette base de réécrire toutes les branches des mathématiques, de façon parfaitement déductive et sans paradoxes. Gödel, au contraire, démontra que, dans une telle structure logique incluant l'arithmétique, il existe toujours des propositions dont on ne peut décider si elles sont vraies ou fausses : autrement dit, il existe des propositions « indécidables ».

Pour certains mathématiciens, ces résultats furent la confirmation du point de vue de Brouwer, c'est-à-dire du fait que la mathématique ne présuppose pas la logique et que la base de ses concepts et de ses méthodes de démonstration est l'intuition directe. Un groupe réduit de mathématiciens, dits « constructivistes », a poursuivi dans cette voie, tentant de développer les mathématiques selon les préceptes établis par Brouwer.

 

 

MATHÉMATIQUES PURES...

 

Les réflexions de Gödel, contraires à toutes les attentes, semblËrent à la plupart des mathématiciens en contradiction totale avec la santé, la créativité et les succès de la discipline. Ils n'étaient pas disposés à renoncer à des résultats importants, uniquement parce qu'ils faisaient appel à des méthodes non constructivistes, et étaient démontrés selon les règles communes de la logique. Mais ils étaient prêts à se conformer à des règles plus rigoureuses pour leur travail futur. David Hilbert leur fournit un instrument qui semblait renouer le lien entre les mathématiques modernes et la tradition grecque, tout en introduisant des modifications substantielles conformément aux nouvelles orientations des mathématiques. Il s'agissait de la « méthode axiomatique ». Ce n'est pas par hasard qu'Hilbert choisit comme premier exemple les Éléments d'Euclide. En 1899, il publia un livre intitulé Fondements de la géométrie, qui rappelait dans sa présentation la forme du grand traité d'Euclide, et qui incluait aussi les géométries non euclidiennes, qui d'« étranges » qu'elles étaient devinrent ainsi « normales ». Mais les deux traités étaient différents : le traité d'Hilbert ne contenait aucune définition du point, de la droite et du plan. Il écrivait même, sous la forme d'une boutade, que ces trois noms pouvaient être remplacés par ceux de chaise, table, et chope de bière, car l'important n'était pas les objets, mais leurs propriétés. Ces propriétés étaient les « axiomes ». Les axiomes ne sont pas des propriétés « vraies », mais des propriétés que l'on demande de « supposer » comme vraies. En admettant différents groupes de propriétés ou d'axiomes, il est possible d'obtenir des géométries différentes.

De cette façon, la définition et l'exposition claires des axiomes fondateurs de chaque théorie devinrent partie intégrante de la pratique des mathématiciens. Les axiomes sont la seule source d'information concernant les objets de la théorie mathématique, et même si le mathématicien se fait une idée intuitive des objets, en se référant à des intuitions géométriques, dans ses démonstrations, il ne peut utiliser que ce qui est affirmé par les axiomes ou par les théorèmes issus de ces axiomes. La première théorie à être réécrite de cette nouvelle façon fut la théorie des ensembles, en excluant soigneusement les « ensembles étranges » responsables des paradoxes. Une fois rentrée dans la normalité, la théorie des ensembles fut adoptée par tous comme un langage commun. En mathématique, on part d'un ensemble d'objets peu précis, et on y introduit une structure décrite par certains axiomes. Une fois ces bases admises, les mathématiciens s'apprêtèrent à revoir les vieilles théories et à tenter de résoudre les nombreux problèmes en suspens. Hilbert lui-même, dans une célèbre conférence tenue au colloque international des mathématiciens de Paris en 1900, avait énuméré vingt-trois « grands problèmes ouverts ». Au cours du XXe siècle, nombre d'entre eux ont été résolus, mais d'autres restent encore en attente d'une solution. À partir des années 30, les mathématiciens se sont fortement désintéressés des questions philosophiques concernant les fondements des mathématiques. Et la philosophie mathématique fut associée aux recherches de logique mathématique, qui se poursuivirent durant tout le siècle comme une branche d'études indépendante.

Un groupe de jeunes mathématiciens français décida d'entreprendre une œuvre ambitieuse de réécriture systématique, en publiant une série de volumes d'un énorme traité, les Éléments de mathématique, dont l'objectif était de recueillir toutes les théories axiomatisées. Comme il s'agissait d'un travail dépassant les forces d'un seul homme, ils décidèrent de travailler collectivement et de choisir comme pseudonyme le nom d'un général napoléonien : Nicolas Bourbaki. Leur méthodologie de recherche eut une grande influence durant la deuxième moitié du XXe siècle sur la recherche et surtout sur l'enseignement des mathématiques au niveau international. C'est au succès de « Bourbaki » que l'on doit l'introduction dans les écoles des « mathématiques modernes », qui remplacent un enseignement des mathématiques fondé sur l'intuition arithmétique et géométrique par l'étude des ensembles et de leurs propriétés. Ces innovations suscitaient de vives discussions et, après une période d'expérimentation, en France principalement, elles ont été complètement abandonnées.

L'ancienne division des mathématiques en branches fut profondément bouleversée par le point de vue axiomatique. Les structures fondamentales, auxquelles la méthode axiomatique s'adapte parfaitement, sont les structures algébriques, définies entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. À celles-ci s'ajoutent les structures appelées « topologiques », qui sont des généralisations des idées de limite, de « autour d'un point » et de continuité, à des ensembles de n'importe quel type. Dans ce nouveau tableau, les objets de la géométrie disparaissent et ne subsistent que les méthodes géométriques. L'algèbre moderne, ou algèbre abstraite, qui n'a plus grand-chose à voir avec l'ancienne théorie des équations dont elle procède, s'est développée précocement, tout comme la nouvelle topologie. L'algèbre et la topologie se sont insérées dans l'analyse, qui s'est transformée elle aussi en une nouvelle discipline, l'analyse fonctionnelle, ainsi appelée parce qu'elle n'a plus pour objets les nombres réels et les fonctions, mais les ensembles de fonctions sur lesquels agissent les opérateurs ou fonctionnels, c'est-à-dire les fonctions de fonctions.

De ce croisement de disciplines naquirent également de nouvelles méthodes liées à différentes parties des mathématiques. Par exemple, l'extension aux nouveaux ensembles abstraits de l'idée de mesure a donné lieu à la théorie de la mesure abstraite, qui à son tour a permis d’axiomatiser une branche de la mathématique, la théorie des probabilités, qui jusqu'alors était tenue comme suspecte.

L'axiomatisation de la probabilité, due à Andreï Nikoïlaevitch Kolmogorov (1903-1987), n'a pourtant pas convaincu tous les mathématiciens, qui ont considéré que cette présentation formelle vidait de son sens intuitif l'idée de probabilité et lui ont opposé d'autres approches, comme l'approche « subjectiviste », défendue en particulier par le mathématicien italien Bruno De Finetti (1906-1985). Le point de vue axiomatique, étudié au début surtout en l'Union soviétique, a imprimé un grand élan à la discipline au XXe siècle, et a stimulé l'introduction des méthodes probabilistes et stochastiques dans d'autres secteurs des mathématiques.

En réalité, l'axiomatisation des mathématiques a conduit à une abstraction de plus en plus grande. Conséquence qui fut considérée avec méfiance par un certain nombre de mathématiciens, en raison du risque de centrer la recherche sur des questions purement formelles et de freiner la réflexion sur les véritables « problèmes » qui ont guidé la recherche mathématique depuis l'antiquité grecque.

 

 

... ET MATHÉMATIQUES APPLIQUÉES

 

Une conséquence importante de l'axiomatisation des mathématiques a été la transformation du rapport entre les mathématiques et les autres savoirs. Dès leur naissance, les mathématiques ont joué un rôle important dans la relation entre l'homme et la nature, tant au point de vue théorique qu'au point de vue pratique. En outre, dès la période de la révolution scientifique, il s'est instauré un rapport profond, avec des influences réciproques, entre les mathématiques et les sciences. L'exemple le plus significatif a été celui de la mathématique newtonienne, mais en général tous les secteurs de la physique ont établi un lien avec les mathématiques, et la physique expérimentale s'est développée parallèlement à la physique-mathématique. De nombreux savants d'autres disciplines ont voulu introduire les méthodes mathématiques pour conférer à leur spécialité une plus grande « respectabilité scientifique ». Cela eut lieu, au XIXe siècle, pour la chimie et pour l'économie ; et entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle, pour certains secteurs de la biologie, de la psychologie et des sciences sociales.

Toutes les premières tentatives pour « mathématiser » les sciences étaient guidées par l'analogie avec la mécanique, considérée comme un modèle de l'analyse scientifique, et elles tendaient à l'introduction des méthodes de l'analyse mathématique classique (le calcul différentiel et intégral, et la théorie des équations différentielles). Mais au début du XXe siècle, la physique elle-même abandonna en partie cet objectif. L'avènement des nouvelles grandes théories (la relativité et la mécanique quantique) et l'introduction de nombreux instruments mathématiques nouveaux provoquèrent une crise de la physique-mathématique classique et la création de la physique théorique. Ces processus étaient liés également à la fragmentation de la communauté scientifique. Si par le passé il pouvait arriver qu'un même savant s'occupe de mathématiques et de physique, à partir de ce moment chaque savant tendit à se spécialiser. Dans les universités en particulier, de nombreux mathématiciens se concentrèrent sur la recherche mathématique pure, c'est-à-dire la recherche non appliquée. Mais ils n’avaient pas de présupposé contre l’intérêt des mathématiques comme instrument de connaissance de la réalité. L’opinion exprimée par le groupe Bourbaki était très répandue : dans la nouvelle conception axiomatique, les mathématiques étaient devenues une réserve de formes abstraites, les structures mathématiques, et, sans que l'on sache bien pourquoi, certains aspects de la réalité expérimentale se conformaient à certaines de ces formes, en vertu d'une sorte de préadaptation. Ces réflexions un peu ésotériques exprimaient en fait une position idéaliste, voisine des pensées mystico-platoniciennes, position encore très influente aujourd'hui.

Les mathématiciens s’intéressant à l'application des mathématiques à d'autres disciplines n'avaient toutefois pas disparus. Ces mathématiciens appliqués travaillaient aussi bien dans les universités que dans les écoles techniques, les agences, les instituts de recherche nationaux et les grandes entreprises de haute technologie. Cette activité a été parfois considérée par d'autres mathématiciens comme moins noble que la recherche pure. Toutefois, surtout au cours des dernières décennies, le rôle des mathématiques dans la science et dans la technologie a revêtu une importance croissante, a inspiré de nombreuses innovations technologiques et créé de nouveaux domaines d'intérêt de la recherche mathématique elle-même. En outre, la contribution des mathématiciens appliqués au progrès technologique a été de plus en plus appréciée par les gouvernements du monde entier, dès la Seconde Guerre mondiale. Durant la guerre, aux États-Unis, en Angleterre et en Allemagne surtout, les mathématiciens apportèrent une contribution importante dans différents secteurs. En premier lieu, dans la construction de la bombe atomique, puis, dans les études de la dynamique des fluides liés aux problèmes de l'artillerie, dans l'application de techniques d'optimisation pour la distribution des ressources humaines et matérielles et, en particulier, des équipements, et, enfin, dans le développement de machines de calcul de plus en plus puissantes, jusqu'à la création des ordinateurs électroniques modernes.

Des organismes spécifiques furent créés aux États-Unis afin d’organiser ces activités de recherche. De nombreux mathématiciens européens, qui avaient fui l'Allemagne après l'avènement du nazisme, y contribuèrent. Ils eurent un rôle déterminant dans le développement des mathématiques aux États-Unis, qui devinrent dès lors, avec l'Union soviétique, le pays leader des mathématiques mondiales. Après la guerre, les mathématiques appliquées ont connu un fort développement, aussi bien dans le domaine militaire que dans le domaine industriel. Parallèlement au perfectionnement des ordinateurs, on a assisté à l'essor de techniques de calcul numérique qui permettent d'obtenir des solutions approchées quand il n'est pas possible de résoudre théoriquement certaines équations, et proposent aussi une estimation de l'erreur commise. Ces instruments ont permis d'affronter l'étude de problèmes très complexes, comme ceux des prévisions météorologiques. L'étude de ce type de problème a même déterminé un regain d'intérêt pour les équations différentielles et a renvoyé au premier plan certains problèmes déjà observés par les mathématiciens du début du XXe siècle, c'est-à-dire l'apparition de ce que l'on appelle le phénomène du chaos déterministe. Ce phénomène consiste dans le fait que, dans certains cas où il est possible de décrire un phénomène naturel au moyen d'équations différentielles, il peut être impossible de fournir une prévision mathématique exacte de ses tendances. Une autre nouvelle branche, féconde, des mathématiques est celle de la théorie des jeux, qui eut de brillantes applications en stratégie militaire et en économie.

La stratégie des mathématiciens appliqués du XXe siècle est toutefois très différente de celle des physiciens du passé, à commencer par Galilée. Comme le disait le mathématicien hongrois, émigré aux États-Unis, John von Neumann (1903-1957), le savant contemporain ne se propose plus de décrire ni d'interpréter les phénomènes, mais tout au plus de construire des modèles qui « fonctionnent », c'est-à-dire qui décrivent correctement un aspect, même partiel, de ce phénomène. L'aspiration à proposer des explications globales et uniques a été progressivement remplacée par la recherche de modèles ad hoc évalués surtout pour leur efficacité pratique. Un même modèle peut être appliqué à des situations très diverses et dans des contextes différents, comme ceux de la physique, de la chimie, de la biologie ou de l'économie. L'élément fondamental dans l'élaboration du modèle est alors la recherche d'analogies formelles, linguistiques, fournies par un schéma mathématique, sans référence à un contenu conceptuel. Cette approche fait courir le risque d’une abstraction excessive, de la construction de modèles mathématiques - schémas abstraits de réalités possibles, comme disait Bourbaki - qui relèguent à l'arrière-plan la vérification expérimentale ou modifient profondément les critères hérités de l'approche classique.

 

La mathématique du XXIe siècle se trouve ainsi devant de nouveaux défis, dont l'un des plus complexes est de redéfinir sa position dans la culture et dans la société.

histoire

« 2 LES IDÉES MATHÉMATIQUES Les idées mathématiques se retrouvent sous des formes différentes dans les diverses cultures humaines, de celle de l'homme primitif aux civilisations les plus anciennes et les plus riches (Mésopotamie, Égypte, Inde, Chine), jusqu'à la culture occidentale et aux nombreuses autres cultures plus ou moins avancées technologiquement qui se sont développées sur notre planète.

Ces dernières années, une nouvelle science est apparue : l’« ethnomathématique » qui vise à comprendre les relations entre les idées mathématiques et la vision du monde, la mentalité et la culture des différents peuples, et leurs relations avec le contexte économique et social. La naissance de la géométrie Chaque culture conçoit l'espace géographique et physique qui l'environne (le village, son territoire, les rivières, les montagnes, les étoiles visibles) dans le cadre d'un certain « ordre » physique et mental ; inversement, le cadre conceptuel à travers lequel le monde extérieur est considéré conditionne la perception humaine des faits physiques.

Par exemple, dès l'époque des Grecs, la culture occidentale a conçu le monde physique selon la géométrie d'Euclide : un espace à trois dimensions (hauteur, largeur et profondeur), continu et uniforme (doté partout des mêmes propriétés et privé de « trous »), formé de points, de droites et de figures planes (comme le cercle, les triangles et tous les autres polygones) et de solides (comme la sphère, la pyramide et d'autres polyèdres). Le mot géométrie signifie « mesure de la terre ».

Einstein disait que la géométrie pouvait être considérée comme la branche la plus ancienne de la physique, puisque la géométrie et les mathématiques doivent leur existence à notre besoin de comprendre la nature des objets réels.

Par ailleurs, certaines idées géométriques se sont développées en relation avec d'autres intérêts humains, tels que l'art et la religion.

Par exemple, dans la décoration des objets en céramique, que l'on trouve dès les cultures les plus anciennes, on a eu recours à l'utilisation de formes, de figures et de symétries qui correspondent aux concepts géométriques fondamentaux. La naissance de l'arithmétique Les activités pratiques et de nombreux autres aspects de la vie des hommes mènent de façon naturelle à compter, à calculer, et à tenir des registres d'informations, élaborés selon des principes logiques et numériques.

Que l'on songe seulement à la distribution et aux transferts des vivres et d'autres biens (stockage, vente), aux plans pour la construction des maisons, des temples et des fortifications, et aux différents aspects de l'administration (recensement de la population, prélèvement des impôts, etc.), aux calendriers et à l'enregistrement des événements astronomiques.

Ces activités, fondamentales dans toute vie sociale, se sont développées sous diverses formes dans les différentes sociétés.

Cela va des opérations élémentaires d'une petite tribu agricole, à la bureaucratie des scribes en Égypte et à Babylone, jusqu'à notre civilisation de l'information, dans laquelle les ordinateurs sont à ce jour les instruments les plus sophistiqués.

Dans tous ces domaines, le premier rôle est tenu par les nombres, par leurs représentations. »

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