Zola , l'oeuvre (commentaire)
Publié le 13/11/2012
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«
infranchissable » du « tableau immense » qui sépare l'artiste parti dans un autre monde
et la femme toujours présente ici-bas.
L'idée du « ménage à trois », de la « maîtresse »,
la « jalousie » envers une rivale restreint considérablement la sympathie
compassionnelle à l'égard du personnage féminin ; son aptitude à partager l'aventure
spirituelle de son mari est déniée.
Comme la plupart des autres héroïnes zoliennes,
Thérèse, Gervaise, Séverine…, elle produit des idées « simples », elle écoute battre son
sang et vibrer sa chair, son univers mental est peuplé de clichés, les issues vers l'infini
sont bloquées.
Si la puissance de sacrifice est ici connotée par le prénom, il faut noter
tout de suite que la dimension religieuse du passage est dégradée en superstition.
Que ce soit le « tabernacle farouche » ou les « puissants dieux de colère », les
images de la religion renvoient à une conception archaïque, celle d'un Ancien Testament
approximativement pensé comme collection de rituels primitifs et encombré de tabous.
Zola a souvent mis en scène dans ses romans le scandale d'une religion qui accable
l'homme et l'enferme dans le cercle de la culpabilité originelle, de la faute réitérée et de
l'expiation [3] .
Bien avant La Faute de l'abbé Mouret (1875), dès 1864, il évoquait ainsi le
prêtre : « l'homme des temps anciens, plus près de Dieu que de ses frères, plus parfait,
plus puissant, qui vivait autrefois dans le mystère des tabernacles, au fond des temples
fermés à la foule ; de là, il apparaissait aux fidèles, la foudre au front, tenant à la main
les clés du ciel, et il commandait au nom de la colère et de la jalousie de son Dieu [4] ».
La similarité des images est frappante, on la constate aussi bien sûr dans Madeleine
Férat , roman de 1868 dans lequel de même une amoureuse au prénom biblique voit ses
élans d'affection maritale contrariés par l'obsession du péché et les divagations
apocalyptiques d'une vieille bonne protestante.
Même si la conception artistique nourrie
par Claude présente les caractères d'une nouvelle religion — il est cependant difficile de
déterminer qui prend en charge l'expression « lutte avec l'Ange », Christine, le narrateur,
Claude ? —, c'est bien Christine qui oscille, dans son désespoir et l'abandon dont elle
est victime, entre la jalousie et la superstition, entre la souffrance et la colère, des
réactions quasi instinctives auxquelles sont affectées des notations concrètes
stéréotypées, encore une fois pour marquer l'isolement radical du personnage dans son
monde possible et son impuissance à nouer le contact avec l'artiste.
Une femme, être de
chair et de sentiment, ne peut vivre avec un homme qu'« à table, au lit », dans une
cuisine ou dans une chambre, selon un protocole et dans une complicité que le début du
roman a contribué à mettre solidement en place.
On aurait beau jeu de s'indigner d'une
adhésion sans faille à un modèle évidemment dépassé de répartition socioculturelle des
facultés selon les sexes, mais si Zola souscrit généralement à une conception de la
femme largement partagée par les hommes de son temps, il cherche aussi à mettre en
scène le refus de la vie par son personnage masculin.
Christine n'est pas qu'une incarnation réductrice de la femme d'artiste, obtuse et
inaccessible à toute idée de grandeur, elle est aussi celle qui signale la folie de son
partenaire.
Sa fonction de référent, son ancrage dans le réel sont constamment rappelés
par un narrateur soucieux de pointer les dangers de la dérive imaginaire.
La pose est
une « torture », la « fatigue » de cette ascèse physiologique est bien celle de crampes,
de « douleurs qui tendaient ses muscles » ; la vie est là, incarnée solidement en cette
femme dont nous savons que Zola s'est complu à la décrire, dans sa force et sa beauté,
depuis l'apparition providentielle du premier chapitre (p.
69 dans l'édition du Livre de
poche classique) jusqu'aux abandons d'une sensualité évoquée, il faut aussi le signaler,.
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