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ZOLA, La Bête humaine (Zola décrit un train transportant des soldats, lâché en pleine vitesse après la mort violente de ses deux conducteurs et galopant « ainsi qu'une cavale indomptée. »)

Publié le 10/03/2011

Extrait du document

zola
« On traversa Maromme, en coup de foudre. Il n'y avait plus de sifflet, à l'approche des signaux, au passage des gares. C'était le galop tout droit, la bête qui fonçait tête basse et muette, parmi les obstacles. Elle roulait, roulait sans fin, comme affolée de plus en plus par le bruit strident de son haleine.  A Rouen, on devait prendre de l'eau; et l'épouvante glaça la gare, lorsqu'elle vit passer, dans un vertige de fumée et de flamme, ce train fou, cette machine sans mécanicien ni chauffeur, ces wagons à bestiaux emplis de troupiers qui hurlaient des refrains patriotiques. Ils allaient à la guerre, c'était pour être plus vite là-bas, sur les bords du Rhin. Les employés étaient restés béants, agitant les bras. Tout de suite, le cri fut général : jamais ce train débridé, abandonné à lui-même, ne traverserait sans encombre la gare de Sotteville, toujours barrée par des manœuvres, obstruée de voitures et de machines, comme tous les grands Dépôts. Et l'on se précipita au télégraphe, on prévint. Justement, là-bas, un train de marchandises qui occupait la voie, put être refoulé sous une remise. Déjà, au loin, le roulement du monstre échappé s'entendait. Il s'était rué dans les deux tunnels qui avoisinent Rouen, il arrivait de son galop furieux, comme une force prodigieuse et irrésistible que rien ne pouvait plus arrêter. Et la gare de Sotteville fut brûlée, il fila au milieu des obstacles sans rien accrocher, il se replongea dans les ténèbres, où son grondement peu à peu s'éteignit. «  ZOLA, La Bête humaine.  Sans dissocier la forme et le fond, vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourrez en étudier, par exemple, le caractère visionnaire et épique.  Plan détaillé  Introduction  • Dernière partie de la Bête humaine, deux paragraphes avant la fin.  • Un des romans-épisodes des Rougon-Macquart où Zola, ce « grand homme de vérité « (Jean Rostand) a voulu peindre toute l'évolution d'une famille partie du peuple.  • Cette « histoire naturelle et sociale « est menée comme une enquête depuis la petite ville de Provence où il présente les premiers personnages décrits, La Fortune des Rougon...

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« • C'est tout cet ensemble implicitement réuni qui se trouve dans les deux paragraphes cités ici et où, emballéecomme le serait un cheval, « une cavale indomptée » - ses deux conducteurs viennent de se tuer réciproquement -la Lison effectue un parcours terrifiant. • Il est certain que bien des termes choisis sont ceux qui se rapporteraient à un animal : - le mouvement est un « galop tout droit », qui sous la puissance de l'emballement dû à sa propre exaltation devientun « galop furieux »; d'ailleurs le début du premier paragraphe - supprimé ici - la montre profitant de sonindépendance toute neuve, et ceci à l'aide d'un vocabulaire d'ordinaire appliqué aux hommes : « la rétive, lafantasque...

»; - les verbes qui représentent ce mouvement ne seraient pas déplacés non plus à propos d'un cheval : elle « fonçait», « s'était rué », puis elle « fila » et « se replongea »...;- le caractère est celui d'un animal mis hors de lui par une liberté inattendue et qui perdant tout contrôle devientcomme fou : elle est « tête basse et muette », « comme affolée de plus en plus par le bruit strident de son haleine»; - à ce sujet la phrase et la fin du paragraphe montent elles aussi avec violence et les allitérations sifflantes ourauques, le rythme d'ensemble, imitent bien cette « haleine » de bête échauffée; - certains termes sont spécifiquement ceux utilisés pour un cheval emballé : puisqu'elle est dite « débridée », ou unfauve « échappé ». • Cependant sa qualité de locomotive lui est en même temps conservée.

Car elle est aussi la machine-bête, celledont la prémonitoire imagination de Zola nous laisse entendre combien elle devient dangereuse lorsqu'elle n'est plusdirigée par l'homme. • Cette échappée terrifiante se passe de gares en gares : Maromme, Rouen, Sotteville (ligne Le Havre/Paris). • On y assiste à la terreur du personnel devant la locomotive sans contrôle, car leurs habituelles méthodes setrouvent dépassées : « plus de sifflet » et « les signaux » deviennent inutiles. • L'activité même des cheminots s'avère un danger supplémentaire : « la gare de Sotteville...

barrée par lesmanœuvres, obstruée...

». • Les précisions apportées par Zola nous rappellent sa stricte documentation.

Il a parcouru ces gares, vécu avec lescheminots, même exécuté en bleu de chauffe le voyage Paris/Mantes sur la plate-forme d'une locomotive. • De même les indications topographiques (les deux tunnels) et spécifiques à l'organisation des Chemins de Fer(Sotteville est un « grand dépôt ») sont tout à fait exactes. • Aux termes animaliers précédents se mêlent intimement les expressions techniques «fumée et flamme»,...«machine sans mécanicien ni chauffeur »..., « wagons à bestiaux...

». • Le verbe qui convient à la machine voisine celui qui convient à l'animal : « elle roulait, roulait sans fin ». • Quant à la réaction des cheminots, elle est saisie sur le vif, attitude d'hommes désarmés devant les réactionsimprévisibles du robot qu'ils ont bâti, commentaires fébriles et tentatives mises en œuvre pour essayer de remédier àla catastrophe. II.

La chevauchée de la bête, une vision épique. • Ainsi cette page est-elle réaliste et minutieusement appuyée sur une documentation exacte. • C'est bien Zola, le maître du Naturalisme. • Mais bien plus fort est le souffle épique qui emporte la machine, sa cargaison de soldats, cette fin de XIXe siècleavec les découvertes fascinantes et inquiétantes de sa société industrielle...

et le lecteur. • Comme l'a très justement analysé Gilles Deleuze, l'épopée est un « espace ouvert » à la différence, précise-t-il, de« l'espace fermé » de la tragédie. • Effectivement l'impression qui, je pense, frappe en 1er à la lecture, c'est celle d'un espace sans finitude. • Lorsque la Lison « se replong[e] dans les ténèbres », ce n'est pas parce qu'elle a pu être arrêtée, c'est aucontraire parce qu'on ne sait pas briser son mouvement. • Ce mouvement, lui aussi, contribue à multiplier l'espace à l'infini.

On sent la Bête-Machine prête à « brûler » tous. »

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