Zola, Germinal : (Etienne passe faire ses adieux aux camarades avant leur travail. En chemin, il évoque les événements qui se sont déroulés depuis sont arrivée.)
Publié le 08/04/2011
Extrait du document

Etienne, quittant le chemin de Vandame, débouchait sur le pavé. A droite, il apercevait Montsou (1) qui dévalait et se perdait. En face, il avait les décombres du Voreux (2), le trou maudit que trois pompes épuisaient sans relâche. Puis, c'était les autres fosses à l'horizon, la Victoire, Saint-Thomas, Feutry-Cantel ; tandis que vers le nord, les tours élevées des hauts-fourneaux et les batteries des fours à coke fumaient dans l'air transparent du matin. S'il voulait ne pas manquer le train de huit heures, il devait se hâter, car il avait encore six kilomètres à faire. Et, sous ses pieds, les coups profonds, les coups obstinés des rivelaines (3), continuaient. Les camarades étaient tous là, il les entendait le suivre à chaque enjambée. N'était-ce pas la Maheude (4), sous cette pièce de betteraves, l'échine cassée, dont le souffle montait si rauque, accompagné par le ronflement du ventilateur ? A gauche, à droite, plus loin, il croyait en reconnaître d'autres, sous les blés, les haies vives, les jeunes arbres. Maintenant, en plein ciel, le soleil d'avril rayonnait dans sa gloire, échauffant la terre qui enfantait. Du flanc nourricier jaillissait la vie, les bourgeons crevaient en feuilles vertes, les champs tressaillaient de la poussée des herbes. De toutes parts, des graines se gonflaient, s'allongeaient, gerçaient la plaine, travaillées d'un besoin de chaleur et de lumière. Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s'épandait en un grand baiser. Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s'ils se fussent rapprochés du sol, les camarades tapaient. Aux rayons enflammés de l'astre, par cette matinée de jeunesse, c'était de cette rumeur que la campagne était grosse. Des hommes poussaient, une armée noire, vengeresse, qui germait lentement dans les sillons, grandissant pour les récoltes du siècle futur, et dont la germination allait bientôt faire éclater la terre. Zola, Germinal. (1) Village minier (coron). (2) Exploitation minière où s'est déroulée une partie de l'action. (A la suite d'un sabotage, les galeries se sont effondrées.) (3) Pics de mineur. (4) La mère de la famille de mineurs qui joue un rôle essentiel dans le roman.
SUJET Vous étudierez ce texte sous forme de commentaire composé. Vous pourrez, par exemple, à partir de l'étude des images, mettre en relief son aspect symbolique. PLAN DÉTAILLÉ Introduction ■ Germinal : témoignage des transformations économiques et sociales sous le Second Empire (le roman écrit en 1884, paru en 1885, retrace l'histoire d'une grève minière en 1865). ■ Double aspect du livre : documentation sur une époque, perspective naturaliste. Portée visionnaire, perspective épique.

«
A cette vision presque indifférente d'Étienne se substituent des sensations qui se manifestent suivant uneperspective verticale : sous la terre, la terre, le ciel.
Dans le deuxième paragraphe : multiplication des sensations : les sons interviennent à plusieurs reprises («entendaient », « rauques », « voix chuchotantes »).
L'imagination prend le relais : « N'est-ce pas la Maheude...
ilcroyait en reconnaître d'autres ».
Dans la première perspective Etienne était très présent, encadrant le premier paragraphe ; il semble moins distinctdans le second, alors même que son émotion se fait plus grande.
Ainsi l'expression « les camarades » estintermédiaire entre le style narratif « ses camarades » et le style direct « mes camarades ».
L'auteur vient se fondreà son personnage.
Volume des phrases : relativement brèves, elles traduisent la découverte d'Etienne, de Zola, devant l'éveil de lanature dynamisme.
Passage du plan individuel au plan collectif et tellurique, grossissement des événements par assimilation del'humanité à la nature épique.
2) Un monde en mouvement
Etienne quitte le pays : rythme de la marche.
Mais le mouvement essentiel est celui des mineurs sous terre : « il les entendait le suivre à chaque enjambée ».Mouvement horizontal, parallèle à celui d'Etienne.
Puis mouvement ascensionnel en trois étapes : suggéré par le souffle de la Maheude qui « montait » vers la surfacede la terre, annoncé par « Encore, encore, de plus en plus distinctement, comme s'ils se fussent rapprochés du sol», le mouvement qui s'accentue se termine dans le grand bouleversement final « faire éclater la terre ».
La nature, elle aussi, semble en mouvement, mais la direction en est moins nette : « coulait », « s'épandait », mais« s'allongeaient ».
Ici le mouvement est général, sans direction particulière (« de toutes parts »).
Il s'agit plutôt dudébordement, du foisonnement de la vie.
L'explosion de la mine (Voreux) était porteuse de mort, celle de la natureapporte la vie.
Les substantifs eux-mêmes évoquent ce passage : « jeunes arbres, graines, bourgeons ».
3) Un monde qui naît
Du passé (l'adieu d'Etienne) à l'avenir.
Germination.
Dans la nature « jaillissait la vie ».
Etudier le volume des phrases, Relativement courtes puisque : groupe sujet (réduit au minimum)/verbe/complément(lui aussi très court).
Ainsi ce ne sont ni les circonstances qui l'emportent ni les descriptions qui sont mises enévidence mais l'action par l'intermédiaire des verbes : « jaillissaient », « tressaillaient » ; accumulation : « segonflaient, s'allongeaient, gerçaient la plaine ».
De la terre aux hommes.
La nature et les hommes sont en rapport direct : à chaque plante aperçue par Etiennesemblait correspondre un être humain : « la Maheude, sous cette pièce de betteraves », « d'autres, sous les blés,les haies vives, les jeunes arbres ».
Progression : « Un débordement de sève coulait avec des voix chuchotantes, le bruit des germes s'épandait en ungrand baiser » : nature ramenée à l'homme.
La terre, image de la mère (expressions caractéristiques : « la terre qui enfantait », « Du flanc nourricier jaillissait lavie », « c'était de cette rumeur que la campagne était grosse ».
Attention, non la mère qui protège mais bien lagénitrice).
La germination printanière va donc se confondre avec le mouvement des hommes.
La montée des mineurs prend un sens très net : trouver le jour, c'est entrer dans l'histoire (avènement desmouvements ouvriers dans le Second Empire).
Assimile ces actions ouvrières à la grande germination du monde :
« des hommes poussaient » rappelle « la poussée des herbes » ; puis complète fusion entre la nature et les hommes: « germaient, sillons, récoltes, germination ».
Passage des ténèbres, de la misère, de la souffrance, au jour « où le soleil d'avril rayonnait dans sa gloire ».
Mais,pour les ouvriers, cette venue au monde s'accompagne d'une lutte (« armée noire, vengeresse », « les coupsprofonds »)..
»
↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓
Liens utiles
- L'arrivée d'Etienne au Voreux : Première partie, chapitre 1 (Germinal de Zola)
- L'arrivée d'Etienne au Voreux - Première partie, chapitre I - Germinal de Zola
- Germinal - Première partie chapitre 1 : l'arrivée d'Etienne
- Commentaire Composé du texte d'Emile ZOLA Germinal: Le discours d'Etienne LANTIER
- Germinal de Zola: le discours d'Etienne Lantier