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Waterloo de Victor HUGO, « L'Expiation », Les Châtiments (commentaire)

Publié le 28/02/2011

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hugo

(Victor Hugo évoque la bataille de Waterloo) La plaine, où frissonnaient les drapeaux déchirés, Ne fut plus, dans les cris des mourants qu'on égorge, Qu'un gouffre flamboyant, rouge comme une forge ; Gouffre où les régiments, comme des pans de murs, Tombaient, où se couchaient comme des épis mûrs Les haut tambours-majors (1) aux panaches énormes, Où l'on entrevoyait des blessures difformes ! Carnage affreux ! Moment fatal ! L'homme inquiet Sentit que la bataille entre ses mains pliait. Derrière un mamelon (2) la garde était massée. La garde, espoir suprême et suprême pensée ! — Allons ! Faites donner la garde ! cria-t-il. Et, lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil (3), Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires, Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres, Portant le noir colback (4) ou le casque poli, Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli, Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête, Saluèrent leur dieu, debout dans la tempête. Leur bouche, d'un seul cri, dit : Vive l'empereur ! Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur, Tranquille, souriant à la mitraille anglaise, La garde impériale entra dans la fournaise.

Victor HUGO, « L'Expiation «, Les Châtiments.

(1) tambours-majors : sous-officiers commandant les tambours et les clairons d'un régiment. (2) mamelon : sommet arrondi d'une colline. (3) guêtres de coutil : enveloppes de coton couvrant le bas des jambes et le haut des chaussures. (4) colback : bonnet militaire.

Vous établirez un commentaire composé de cette page en étudiant par exemple comment le poète est parvenu à donner un souffle épique à cette évocation historique.

Victor Hugo (1802-1885). Un des plus célèbres et des plus puissants génies de notre littérature : poète, dramaturge et romancier. On pourrait constituer sa biographie de ses vers en y faisant allusion. Né à Besançon d'un père lorrain, d'une mère vendéenne. Père : général d'Empire, puis gouverneur en Espagne. Le ménage Hugo s'entend mal, la mère revient en France et s'installe à Paris aux cc Feuillantines «. Parallèlement à la Retraite de Russie, puis à la chute de l'Empire (Waterloo), études brillantes de Victor. Il écrit son 1" roman : BugJargal à 19 ans. À 20 ans, il se marie (mariage d'amour) avec une amie d'enfance, Adèle Foucher. Il aura 4 enfants vivants : Léopoldine, Charles, François-Victor, Adèle.

1830 : Hernani, drame théâtral qui fait de lui le chef de la bataille romantique. Multiples oeuvres, depuis Han d'Islande (roman publié à 20 ans) : Les Orientales (poésie), Marion Delorme, Le Roi s'amuse, Lucrèce Borgia... (drames) Les Chants du crépuscule, Les Voix intérieures, Les Rayons et les ombres (poésies), Ruy Blas (drame), jusqu'à la mort tragique de sa fille Léopoldine, toute jeune mariée, et de son gendre Charles Vacquerie, noyés en Seine (1843). Après la chute de Louis-Philippe, la Ile République et le coup d'État du 2 Décembre 1851 où Louis-Napoléon (bientôt Napoléon III) prend le pouvoir, Hugo s'exile à Jersey, puis à Guernesey ; il ne rentrera en France qu'en 1870, refusant toute amnistie. Période littéraire intense, nous ne citerons que les oeuvres les plus connues : Les Châtiments, Les Contemplations, La Légende des siècles, Les Chansons des rues et des bois (poésie), Les Misérables, Les Travailleurs de la mer, L'homme qui rit... (romans). Rentré à Paris, il prend la défense des communards. Il écrira encore beaucoup jusqu'à sa mort à 83 ans. Funérailles nationales au Panthéon. Citons là aussi seulement les oeuvres les plus connues : Quatre-vingt-treize (roman), L'Art d'être grand-père (poésie) et présentons quelques-unes des oeuvres posthumes comme : Toute la lyre (poésie), Choses vues (notes et journal)... Rappelons aussi son grand amour avec Juliette Drouet, après la faillite de son ménage.

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« parodie du Premier.

Donc ce Ve livre est bâti sur l'antithèse entre les deux empires et les deux empereurs.Cependant Napoléon le Grand — dans ce passage précis — disparaît derrière ses hommes.

Dans les vers précédentsdéjà Napoléon n'est que « Il »« Il avait l'offensive et presque la victoire ;Il tenait Wellington acculé sur un bois....

il observait parfois......

il dit...Ici il est cité sous forme de « ...l'homme inquiet...

», entre l'évocation des horreurs de la bataille, de la mêléeaffreuse qui a suivi le coup de théâtre spectaculairement traduit par les effets de coupe de Hugo :« Soudain, / joyeux, / il dit : / Grouchy ! — / C'était Blücher.

// » La vérité historique est parfaitement respectée.Hugo, toujours soucieux d'exactitudes minutieuse, s'est inspiré d'oeuvres historiques et de certaines pages deChateaubriand (Mémoires d'outre-tombe).

Il a choisi l'instant critique de l'immense bataille entre 7 h et 7 h 1/2 dusoir : les charges furieuses de Ney (magnifiquement décrites dans Les Misérables) ont ébranlé le centre des Anglais,le corps de Bülow, avant-garde de Blücher, est contenu ; à 7 h 1/2, on entend la canonnade de Grouchy à 2 lieues1/2 environ ; on espère qu'il va déboucher ; or, juste au moment où l'Empereur va lancer une attaque décisive de lagarde contre le centre anglais, on voit apparaître le corps prussien de Zieten (armée de Blücher).

Voilà ce quecondense Hugo en ce vers célèbre, qui précède presque immédiatement le passage à expliquer.

Dans ce dernier, laconstruction de la présentation de « la mêlée 'qui s'ensuit est nette :— lieu : « la plaine » ; un peu plus haut Hugo a écrit « cirque de bois, de coteaux, de vallons », mais a déjà employé« plaine » dans l'apostrophe fameuse qui commence tout le passage :« Waterloo ! Waterloo ! Waterloo ! Morne plaine ! »Ici : « La plaine, / où frissonnaient...

».

Le terme est détaché parune coupe après 2 pieds car c'est le lieu de « la mêlée, effroyableet vivante broussaille »,...

« la plaine » n'est donc plus que lieu :a) de lutte : « drapeaux déchirés » ;b) de souffrance : « cris des mourants qu'on égorge » (harmonie suggestive) ; d'horreur « des blessures difformes »(combat à l'arme blanche)c) de mort : soldats fauchés par la mitraille et qui « Tombaient » ; spectaculaire rejet pour le souligner, ainsi quel'image des « blés murs » fauchés ; coupe et rythme des vers :« Gouffre où les régiments comme des pans de murTombaient, / où se couchaient comme des épis mûrsLes hauts tambours-majors aux panaches énormes, / » l'inversion de « comme des pans de murs » précipitantencore le rejet... — Précisions sur les uniformes, tel ce vers cité ci-dessus, et où une amplification volontaire éclate dans les deuxadjectifs des début et fin de vers : « hauts...

énormes » ; ces « panaches » ornant les grands shakos sont ceuxdes « tambours-majors » toujours choisis pour leur « haute » taille qu'ils augmentent encore, sous-officierscommandant les tambours et clairons d'un régiment.

Donc grande précision.On relève aussi « guêtres de coutil », « noir colback » qui est un bonnet à poil en forme de cône tronqué, « casquepoli »...— tactique même de la bataille ; 2 - 4 - 4 – 2 –« Sentit que la bataille entre ses mains pliait.

» Véritable cadence, imitative souple car sans coupe apparente mais le rythme est obtenu par les groupes syntaxiqueet les inversions qui rejettent en fin de vers et phrase le verbe technique « pliait ».

C'est en effet le terme classiquepour parler de troupes qui reculent.

Mais Hugo renouvelle l'expression en ajoutant « entre ses mains » : la victoire,si proche, échappe.Le contre-rejet « // L'homme inquietSentit...

»souligne l'appréhension de l'homme de guerre qui va être contraint de modifier sa stratégie et de faire donner lameilleure partie de l'armée, dont la position est précisée, avec une inversion qui la souligne :« Derrière un mamelon la garde était massée ».Puis c'est l'ordre du stratège, utilisant son dernier recours : « – Allons ! // faites donner la garde ! // – cria-t-il.

// » Les coupes fortes et la graphie des tirets et points d'exclamation donnent un rythme haletant à l'alexandrin.— Enfin Hugo s'étend sur ce corps d'élite : « la garde ».

Description détaillée dans les diverses catégories qui lacomposent.

Énumération : « lanciers, grenadiers, dragons, cuirassiers », mais retardée par les précisions –également vérifiées sur documents – de leurs uniformes spéciaux ou leurs caractéristiques, indiquant leur qualité (le« noir colback ou le casque poli »), leur force et spécialité (« qui traînaient des tonnerres ») : avec harmonieimitative), leur allure (« guêtres de coutil »)...

Mais il insiste surtout sur leur amour pour leur « petit caporal »,phénomène historique incontestable.

A nouveau tout un travail de coupe met en valeur :leur unanimité : « Tous, / », en rejet avec coupe monosyllabique : « /, d'un seul cri, I », entre deux coupes encentre vers...

;leur vénération : « Saluèrent leur dieu, / », terme-clé, toujours détaché par une coupe ; « // Vive l'empereur ! »,. »

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