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Voyager est, quoi qu'on en puisse dire, un des plus tristes plaisirs de la vie. Expliquez et discutez ce jugement de Mme de Staël

Publié le 10/02/2012

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Pour expliquer ce jugement étrange, il faut d'abord recourir au roman d'où

il est extrait (Corinne, livré I, ch. II); puis à la biographie de l'auteur. Pour

le discuter, il nous semble bon de l'en détacher, supposant que, par une

sorte de gageure, on prétende ériger cette réflexion particulière en thèse

générale...

« Ne nous y méprenons pas.

Oswald, Corinne, le comte d'Orfeuil, c'est, sous · un triple nom, Mm• de Staël en personne, ou telle qu'elle s'imaginait être, ou telle qu'elle eût voulu être.

Evadons-nous du roman, où·il étaitîndispensable .de pénétrer, et entrons âaris l'histoire, où nous séjournerons un peu plus; · elle seule nous expliquera tout ce ~u'il faut savoir pour comprendre à plein une pensée qui a tant fait couler d encre.

Une exilée a maintes raillons pour ne point goûter les voyages.

Or, après trois annèes de coquetteries, de cajoleri,es, destinées à conquérir l'empereur de demain, la femme - séparée - de l'ambassadeur de Suède, a fini - les écrits aidant aux paroles - par déplaire irrémédiablement au Premier Consul.

«Elle monte les têtes, dit-il impatienté, dans un sen~t qui ne convient pas.

» Ennemi déclaré des «idéologues » et des bavardes, il commence par fermer le salon de la rue· du Bac (1802); puis, en février 1803, il signifie à Germaine Necker de se retirer dans son pays, en Suisse, où l'accueille le châfeau .paternel.

Le père d'Oswald, on l'a deviné, c'est l'anCien mïnistre de Louis XVI, l:!doré de sa fille.

Le manoir écossais, c'est Coppet au bord du Léman ...

En fait, l'exil ne commence que le 19 octobre.

La proscrite étouffe dans son cadre de montagnes: En son âme agitée, point de place pour l'admira­ tion.

Avant tout elle veut se venger, et elle tient sa vengeance.

La France la repousse; elle exploitera les sympathies d'Outre-Rhin.

Reçue en persécutée, en reine .de l'esprit, elle bravera de loin le tyran 9.u'elle.n'a pu gagner.

EHe commence par Metz, confluent des deux civilisations.

Là, Villers, officier émi~ré, cosmopolite, ennemi de la France.

et du Catholicisme, lui suggère l'idee de révéler l'Allemagne à la France.

Puis ·commence le voyage proprement dit..

Première impression, désa­ gréable.

Elle croyait posséder la langue; 'elle s'aperçoit, à l'usage, qu'elle la « comprend à peine ».

Sa déception s'exhale dans cette injuste définition de la Germanie : « Un concert dans une salle enfumée.

» Elle veut rentrer en France.

·Vaine démarche.

Alors elle s'enfonçe plus avant et passe trois mois à Weimar.

Sa volubilité épouvante Schiller.

Elle demande à GQ;lthe dix jours d'entrevue.

Après ces entretiens, tous deux ont la cervelle vidée.

Schiller écrit à Gœthe : « Depuis le départ de notre amie, il me semble que je relève d'une grande malad1e.

» Tel Oswald après une eonversation avec le comte d'Erfeuil.

·La voyageuse n'est pas davantage satisfaite d'eux.

Schiller ne lui suffit pas, Gœthe lui gâte l'idéal de.

Werther.

Une fois encore elle est tentée de rentrer, mais il faut déplaire au Corse.

Et voilà qu'en partant de Weimar, elle commence à voir toute l'Allemagne en beau.

Six semaines à Berlin (1•• mars- 18 avril 1804) lui permettent d'interro~er Fichte, sommé de lui expliquer en un quart d'heure son système philosophique, et Guillaume Schlegel, l'ennemi de Bonaparte et, à cause de cela, son Phénix à elle.

Le prince· Louis, la rëine Louise accueillent chaleureusement l'exilée; la Cour fait chorus.

C'est un triomphe.

Comble de joie, Paris e.n est avisé.

Quel beau voyage! ...

Hélas! non.

A Berlin, à Potsdam, la tri()mphatrice songe à l'ingrate capitale; sur les rives de la Sprée ou de la Havel, elle rêve de son «petit rmsseau de la rue du Bac » et les châteaux royaux lui ra~pellent le salon où il n'était point d'autre reine qu'elle.

Comme le comte d Erfeuil, elle n'a d'attrait l{Ue pour la conversa~ion, et, de préférence, cel!e qu:ene dirige,.

· qu'elle amme.

Toutes «les vmx de la nature » ne sauraient egaler, pour cette égocentriste, sa propre voix.

Il lui faut, confiait-elle un jour à son père : «l'amour, Paris, la puissance ».

Ces trois éléments de bonheur lui manquent.

Triste voyage! .

·La mort de ce confident (10 avril 1804) la rappelle subitement en Suisse.

Les regrets cuisants de lord Nelvil sont, n'en doutons point, ses regrets, ses remords personnels.

Que .n'était-elle là pour consoler les vieux jours, pour recueil,hr les ultimes conseils, les volontés suprêmes et le dernier soupir de ce père, sa seule religion? Prévenue trop tard, à son retour elle ne trouve qu un tombeau.

Le castel du lord écossais, « désert et dévasté comme son propre cœur», c'est Coppet après la mort de Necker.

Le sol lui en brûle les pieds.

Va.Jt-elle retourner.

en Allemagne? Non.

Là-bas, elle est .

« dans toutes les bouches ef n'habite en aucun cœur » ,' Derechef, elle se tourne ver.s Paris; elle tente d'apitoyer Napoléon, qu'elle vient de com­ battre à Berlin en exploitant l'assassinat du duc d'Enghien.

Point de pitié.

Alqrs, vers la fin de 1804, elle s'en va au pays enchanté, «où fleurit 'l'oran:- ...

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