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Voyage au bout de la nuit de Céline - commentaire

Publié le 03/12/2011

Extrait du document

« Ce colonel, c´était donc un monstre ! À présent, j´en étais assuré, pire qu'un chien, il n´imaginait pas son trépas ! Je conçus en même temps qu´il devait y en avoir beaucoup des comme lui dans notre armée, des braves, et puis tout autant sans doute dans l´armée d´en face. Qui savait combien ? Un, deux, plusieurs millions peut-être en tout ? Dès lors ma frousse devint panique. Avec des êtres semblables, cette imbécillité infernale pouvait continuer indéfiniment... Pourquoi s´arrêteraient-ils ?  Jamais je n´avais senti plus implacable la sentence des hommes et des choses.

Serais-je donc le seul lâche sur la terre ? Pensais-je. Et avec quel effroi !... Perdu parmi deux millions de fous héroïques et déchaînés et armés jusqu´aux cheveux ? Avec casques, sans casques, sans chevaux, sur motos, hurlants, en autos, sifflants, tirailleurs, comploteurs, volants, à genoux, creusant, se défilant, caracolant dans les sentiers, pétaradant, enfermés sur la terre, comme dans un cabanon, pour y tout détruire, Allemagne, France et Continents, tout ce qui respire, détruire, plus enragés que les chiens, adorant leur rage (ce que les chiens ne font pas) cent mille fois plus enragés que mille chiens et tellement plus vicieux! Nous étions jolis! Décidément, je le concevais, je m´étais embarqué dans une croisade apocalyptique. «

CELINE, Voyage au bout de la nuit (1932)

« 3.

Une vision critique de la guerre a) La puissance destructrice de la guerre est d'abord marquée par l'emploisystématique du pluriel "les trajectoires" "les bruits secs"..."des comme lui...des braves"...

par les hyperboles "desmagasins","des balles à en revendre", "mille morts", par un grand nombre de termes insistant sur la multitude"beaucoup","plusieurs millions", "deux millions" "mille fois plus".

L'énumération qui met l'accent sur le caractèredisparate des "fous héroïques" mime une agitation omniprésente et bruyante.

Tous ces procédés concourent à créerun effet de masse , une amplification qui montre que nous sommes bien dans le domaine de l'épique , mais il s'agitl'épopée du Mal.b) un mécanisme incontrôlable Une force inconnue : "les petits bruits secs" à l'origine indéterminée "là-bas", "cessoldats inconnus" et aveugle comme le souligne le terme "implacable" .

Une force qui est vue comme l'applicationd'une "sentence".

Ce dernier mot laisse supposer qu'il s'agit d'un châtiment imposé aux hommes par les hommes maisaussi par le monde "les choses".

Ce qui donne à cette force une dimension naturelle qui la rend impossible àmaîtriser.

La nature d'ailleurs participe : c'est un lieu hostile, le vent est "brutal", les peupliers perdent "leurs rafalesde feuilles".

Comme s'il y avait une espèce de connivence entre les hommes et la nature, comme si le narrateur étaitconfronté à une universelle coalition, un processus monstrueux qu'il se dit seul à percevoir avec lucidité; leconditionnel ("serais-je le seul lâche?") reproduisant la naissance douloureuse de la prise de conscience de l'horreur .c) Une imbécillité: le vocabulaire employé est bien sûr dépréciatif, le colonel est présenté comme un "monstre", "pirequ'un chien" superlatif absolu de l'opiniatreté.

C'est un imbécile, les expressions ironiques ne laissent aucuneambiguïté : "il manifeste une bravoure stupéfiante", il fait partie des "braves".

Les expressions "Des comme lui" , "desêtres semblables" par leur caractère évasif laissent deviner le mépris ressenti devant le degré de bêtise .

Enfin, lapériphrase "imbécillité infernale" donne à la guerre lui donne une dimension diabolique ; l'adverbe "indéfiniment"accentue l'hyperbole : la guerre est inhumaine par sa nature et par sa durée.

La dernière expression laisse mêmesuggérer qu'il s'agit d'une religion : la "croisade" des défenseur du culte de la destruction .d) Un témoignage :Bardamu est plus spectateur qu'acteur, il réfléchit, il veut comprendre.

La situation , un épisodebanal de la 1ere guerre mondiale, n'est pas perçu au 1er degré.

Le narrateur prend de la distance et analyse.

Saréflexion progresse comme le souligne la locution adverbiale "A présent".

Il juge les autres tout en s'interrogeant sursa situation.Il met en évidence sa solitude extrême: celle d'un homme seul parce qu'il réfléchit, parce qu'il n'est pasemporté par la folie ambiante.

A partir d'une anecdote, son analyse s'ouvre sur une vision de la guerre en général etbien qu'il n'y ait aucune image effrayante, la mort est omniprésente " on s'en trouvait comme habillé".

C'est donc letémoignage d'une situation sans issue , d'une prise de conscience de la tragédie. CONCLUSION : La fiction au service de la reconstitution historique .

Les réflexions sur le vif d'un homme dont nous partageons les angoisses .Aucune description réaliste dans un texte qui reflète la réalité de la guerre .

C'est l'idéequi est effrayante et la sincérité du narrateur , seul être humain doué de raison , propose l'image d'une épopéemalveillante menée par des êtres dénués de sentiments .

Ce réquisitoire est aussi une révolte .. »

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