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Vous résumerez ou vous analyserez à votre choix ce texte de Jean-Paul Sartre, vous en dégagerez un thème que vous jugerez essentiel et vous le commenterez.

Publié le 29/03/2014

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sartre

 

Nos critiques sont des cathares : ils ne veulent rien avoir à faire avec le monde réel sauf d'y manger et d'y boire et, puisqu'il faut absolument vivre dans le commerce de nos semblables, ils ont choisi que ce soit dans celui des défunts. Ils ne se passionnent que pour les affaires classées, les querelles closes, les histoires dont on sait la fin. Ils ne parient jamais sur une issue incertaine et comme l'histoire a décidé pour eux, comme les objets qui terrifiaient ou indignaient les auteurs qu'ils lisent ont disparu, comme à deux

 

siècles de distance la vanité de disputes sanglantes apparaît claire¬ment, ils peuvent s'enchanter du balancement des périodes et tout se passe pour eux comme si la littérature tout entière n'était qu'une vaste tautologie et comme si chaque nouveau prosateur avait inventé une nouvelle manière de parler pour ne rien dire. Parler des archétypes et de «l'humaine nature«, parler pour ne rien dire? Toutes les conceptions de nos critiques oscillent de l'une à l'autre idée. Et naturellement toutes deux sont fausses : les grands écrivains voulaient détruire, édifier, démontrer. Mais nous ne retenons plus les preuves qu'il ont avancées parce que nous n'avons aucun souci de ce qu'ils entendent prouver. Les abus qu'ils dénonçaient ne sont plus de notre temps ; il y en a d'autres qui nous indignent et qu'ils ne soupçonnaient pas ; l'histoire a démenti certaines de leurs prévisions et celles qui se réalisèrent sont devenues vraies depuis si longtemps que nous avons oublié qu'elles furent d'abord des traits de leur génie ; quelques-unes de leurs pensées sont tout à fait mortes et il y en a d'autres que le genre humain tout entier a reprises à son compte et que nous tenons pour des lieux communs. Il s'ensuit que les meilleurs arguments de ces auteurs ont perdu leur efficience ; nous en admirons seulement l'ordre et la rigueur ; leur agencement le plus serré n'est à nos yeux qu'une parure, une architecture élégante de l'exposition, sans plus d'application pra¬tique que ces autres architectures : les fugues de Bach, les ara¬besques de l'Alhambra.

Jean-Paul SARTRE, Situations, Il (Gallimard). RÉSUMÉ

Les critiques, qui veulent rester en marge du monde réel, ont choisi de ne s'intéresser qu'aux auteurs morts dont les préoccupa-tions ne nous touchent plus. Ainsi peuvent-ils se limiter à des considérations esthétiques. Car les lecteurs de notre temps sont naturellement amenés à négliger les arguments des écrivains du passé parce qu'ils n'offrent plus de résonance à notre époque, ou parce qu'ils sont trop usés : l'intérêt se réduit alors à apprécier dans un exposé non la valeur des arguments, mais la rigueur de leur présentation et l'ordonnance de leur architecture.

ANALYSE

Jean-Paul Sartre commence par accuser les critiques : dans leur souci d'ignorer la réalité présente, ils ont choisi de ne s'inté-resser qu'aux auteurs morts dont les préoccupations ne nous touchent plus.

sartre

« 124 PROBLÈMES D'ESTHÉTIQUE siècles de distance la vanité de disputes sanglantes apparaît claire­ ment, ils peuvent s'enchanter du balancement des périodes et tout se passe pour eux comme si la littérature tout entière n'était qu'une vaste tautologie et comme si chaque nouveau prosateur avait inventé une nouvelle manière de parler pour ne rien dire.

Parler des archétypes et de «l'humaine nature», parler pour ne rien dire? Toutes les conceptions de nos critiques oscillent de l'une à l'autre idée.

Et naturellement toutes deux sont fausses : les grands écrivains voulaient détruire, édifier, démontrer.

Mais nous ne retenons plus les preuves qu'il ont avancées parce que nous n'avons aucun souci de ce qu'ils entendent prouver.

Les abus qu'ils dénonçaient ne sont plus de notre temps; il y en a d'autres qui nous indignent et qu'ils ne soupçonnaient pas; l'histoire a démenti certaines de leurs prévisions et celles qui se réalisèrent sont devenues vraies depuis si longtemps que nous avons oublié qu'elles furent d'abord des traits de leur génie ; quelques-unes de leurs pensées sont tout à fait mortes et il y en a d'autres que le genre humain tout entier a reprises à son compte et que nous tenons pour des lieux communs.

Il s'ensuit que les meilleurs arguments de ces auteurs ont perdu leur efficience; nous en admirons seulement l'ordre et la rigueur; leur agencement le plus serré n'est à nos yeux qu'une parure, une architecture élégante de l'exposition, sans plus d'application pra­ tique que ces autres architectures : les fugues de Bach, les ara­ besques de !'Alhambra.

Jean-Paul SARTRE, Situations, II (Gallimard).

RÉSUMÉ Les critiques, qui veulent rester en marge du monde réel, ont choisi de ne s'intéresser qu'aux auteurs morts dont les préoccupa­ tions ne nous touchent plus.

Ainsi peuvent-ils se limiter à des considérations esthétiques.

Car les lecteurs de notre temps sont naturellement amenés à négliger les arguments des écrivains du passé parce qu'ils n'offrent plus de résonance à notre époque, ou parce qu'ils sônt trop usés : l'intérêt se réduit alors à apprécier dans un exposé non la valeur des arguments, mais la rigueur de leur présentation et l'ordonnance de leur architecture.

ANALYSE Jean-Paul Sartre commence par accuser les cnt1ques : dans leur souci d'ignorer la réalité présente, ils ont choisi de ne s'inté­ resser qu'aux auteurs morts dont les préoccupations ne nous touchent plus.. »

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