Vous présenterez de ces lignes un commentaire composé en analysant, par exemple, comment J.-P. Sartre évoque ici l'enfant qu'il a été et les rapports qu'il entretenait avec autrui et avec son propre personnage.
Publié le 28/03/2011
Extrait du document

« Ma vérité, mon caractère et mon nom étaient aux mains des adultes; j'avais appris à me voir par leurs yeux; j'étais un enfant, ce monstre qu'ils fabriquent avec leurs regrets. Absents, ils laissaient derrière eux leur regard, mêlé à la lumière; je courais, je sautais à travers ce regard qui me conservait ma nature de petit-fils modèle, qui continuait à m'offrir mes jouets et l'univers. Dans mon joli bocal, dans mon âme, mes pensées tournaient, chacun pouvait suivre leur manège : pas un coin d'ombre. Pourtant, sans mots, sans forme ni consistance, diluée dans cette innocente transparence, une transparente certitude gâchait tout : j'étais un imposteur. Comment jouer la comédie sans savoir qu'on la joue? Elles se dénonçaient d'elles-mêmes, les claires apparences ensoleillées qui composaient mon personnage : par un défaut d'être que je ne pouvais ni tout à fait comprendre ni cesser de ressentir. Je me tournais vers les grandes personnes, je leur demandais de garantir mes mérites : c'était m'enfoncer dans l'imposture. Condamné à plaire, je me donnais des grâces qui se fanaient sur l'heure, je traînais partout ma fausse bonhomie, mon importance désœuvrée, à l'affût d'une chance nouvelle : je croyais la saisir, je me jetais dans une attitude et j'y retrouvais l'inconsistance que je voulais fuir. Mon grand-père somnolait, enveloppé dans son plaid; sous sa moustache broussailleuse, j'apercevais la nudité rose de ses lèvres, c'était insupportable : heureusement, ses lunettes glissaient, je me précipitais pour les ramasser. Il s'éveillait, m'enlevait dans ses bras, nous filions notre grande scène d'amour : ce n'était plus ce que j'avais voulu. Qu'avais-je voulu? J'oubliais tout, je faisais mon nid dans les buissons de sa barbe. « J.-P. Sartre, Les Mots.
■ Ce texte explique en profondeur les raisons du comportement du jeune Jean-Paul (de 7 à 10 ans) avec les autres enfants, par les rapports trop « parfaits « avec les adultes, ses parents. ■ Ceux-ci — particulièrement son grand-père qui lui tient lieu du père dont il est orphelin — ne cessent de s'extasier sur lui.
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