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Vous expliquerez et préciserez ces lignes extraites d'un article du critique Émile Henriot sur le livre de Jean Rousset consacré à La Littérature de l'âge baroque en France (1953) : «Le baroque est un art solide, massif, membré ; la préciosité est une afféterie, un jeu salonnier de la pointe, moins que rien... Cependant baroque et précieux parfois se rencontrent. Comme le baroque et le classique ; comme se rencontreront, sans nécessairement se confondre, le baroque et le romantique...»

Publié le 08/02/2011

Extrait du document

• les métaphores doubles. On peut encore renforcer une métaphore en la combinant à une autre à propos du même objet. Par exemple, Du Perron désigne une prairie que le vent agite, par l'expression «ondes d'émail tremblantes», ce qui revient à comparer la prairie, d'une part à l'émail à cause de ses fleurs et de ses couleurs, d'autre part aux vagues de la mer à cause des mouvements des herbes dans le vent. Montchrestien appelle la chevelure de Marie Stuart «Forêt d'or où l'Amour comme un oiseau nichait» (La Reine d'Écosse, tragédie, 1601), ce qui exploite et combine ingénieusement l'image de l'amour ailé comme un oiseau et de la chevelure nid d'amour (avec l'image de la forêt et de l'or, il y a en réalité quatre images qui interfèrent dans ce bel alexandrin). • Enfin l'image baroque peut être empruntée à un registre bizarre ou érudit, et tirer son effet de surprise de son caractère étrange. Ainsi Montchrestien écrit à propos de Massinissa : «Massinissa vit, Pirauste en sa flamme» (Sophonisbe, tragédie, 1596), c'est-à-dire : Massinissa vit dans sa flamme amoureuse, comme le pirauste (ou plutôt pyrauste, sorte de salamandre), dans sa flamme matérielle ; l'effet provient ici de la rareté et de la couleur magique et occultiste du mot pyrauste (du grec pyraustès, papillon qui se brûle à la lumière), combiné avec un emploi doublement imaginé du mot flamme : à un premier degré, l'image de la flamme suggère la passion amoureuse, mais à un second degré Montchrestien imagine que la flamme amoureuse garde encore le caractère brûlant de la flamme matérielle.

« Larmes de saint Pierre de Malherbe la comparaison des Saints Innocents à des lys, où l'image du lys se prolonge parles mots : «blancheur», «incarnate peinture», «teint délicat», «fleurir», «printemps éternel», vers 199-204); • la métaphore outrée (hyperbolique).

Le procédé est commun à la galanterie précieuse («les yeux qui assassinent»)et à l'art baroque ; dans le poème cité précédemment, où le désespoir de saint Pierre est comparé à un orage, lamétaphore est prolongée et renforcée de façon hyperbolique ; l'orage va provoquer un véritable torrent : C'est alors que ses cris en tonnerres éclatent, Ses soupirs se font vents, qui les chênes combattent, Et ses pleurs,qui tantôt descendaient mollement, Ressemblent un torrent qui des hautes montagnes, Ravageant et noyant lesvoisines campagnes Veut que tout l'univers ne soit qu'un élément. (Vers 301-306.) Certes on peut tout simplement parler à propos de ces vers, de mauvais goût, mais il est peut-être plus justedevant cette emphatique expression d'un sentiment religieux, de songer au caractère parfois excessif et pompeuxd'un certain art religieux, italien ou espagnol, de l'ère baroque ; • les accumulations de comparaisons.

Quand une comparaison ne suffit pas, on la renforce par d'autrescomparaisons : les Saints Innocents sont successivement comparés à une troupe de guerriers, à des lys (Malherbe,Ibidem); la France à une mer, à un géant, à un vaisseau (d'Aubigné, Les Tragiques); • les métaphores doubles.

On peut encore renforcer une métaphore en la combinant à une autre à propos du mêmeobjet.

Par exemple, Du Perron désigne une prairie que le vent agite, par l'expression «ondes d'émail tremblantes», cequi revient à comparer la prairie, d'une part à l'émail à cause de ses fleurs et de ses couleurs, d'autre part auxvagues de la mer à cause des mouvements des herbes dans le vent.

Montchrestien appelle la chevelure de MarieStuart «Forêt d'or où l'Amour comme un oiseau nichait» (La Reine d'Écosse, tragédie, 1601), ce qui exploite etcombine ingénieusement l'image de l'amour ailé comme un oiseau et de la chevelure nid d'amour (avec l'image de laforêt et de l'or, il y a en réalité quatre images qui interfèrent dans ce bel alexandrin). • Enfin l'image baroque peut être empruntée à un registre bizarre ou érudit, et tirer son effet de surprise de soncaractère étrange.

Ainsi Montchrestien écrit à propos de Massinissa : «Massinissa vit, Pirauste en sa flamme»(Sophonisbe, tragédie, 1596), c'est-à-dire : Massinissa vit dans sa flamme amoureuse, comme le pirauste (ou plutôtpyrauste, sorte de salamandre), dans sa flamme matérielle ; l'effet provient ici de la rareté et de la couleur magiqueet occultiste du mot pyrauste (du grec pyraustès, papillon qui se brûle à la lumière), combiné avec un emploidoublement imaginé du mot flamme : à un premier degré, l'image de la flamme suggère la passion amoureuse, mais àun second degré Montchrestien imagine que la flamme amoureuse garde encore le caractère brûlant de la flammematérielle. Bref, par tous les procédés indiqués précédemment, baroque et préciosité se confondent ; toutefois on peut sedemander s'ils sont utilisés exactement dans le même esprit.

En fait la préciosité n'a peut-être pas autant d'ambitionque le baroque et, sans être aussi sévère que Henriot qui écrit : «La préciosité est une afféterie, un jeu salonnier dela pointe, moins que rien», il est permis de considérer qu'elle est subtilité intellectuelle et construction raffinée d'ununivers valable pour le seul précieux, alors que le baroque se sert de la surprise, de la subtilité, de l'hyperbole pourrendre la vie dans toute sa force, sa liberté, sa plénitude.

En ce sens, le baroque se rapprocherait des ambitionsmajeures du romantisme. II Baroque et romantisme Reproduire la plénitude de la vie hors de toute contrainte rationnelle ou esthétique, telle est une des ambitionsmajeures du romantisme et, en un sens, du baroque.

D'où le goût de ce dernier pour la luxuriance et l'abondancedésordonnée, notamment dans l'expression frénétique des sentiments et dans la peinture des spectacles mystérieuxou horribles de la réalité. I Le baroque, art de la surcharge.

En face de l'art classique, art de la litote (voir sujet 7), le baroque apparaîtcomme un art de la surcharge : au lieu de ne retenir de la réalité que le significatif, il veut tout dire, tout décrire ;au lieu de ménager les moyens, il les multiplie, d'où la manie descriptive commune à tant de poètes de l'époque LouisXIII et à certains romantiques (on connaît les longues descriptions de Hugo, par exemple).

Il est frappant de voir unpoète comme Malherbe, qui fera plus tard de la densité et de la concision les plus grandes vertus littéraires,consacrer, dans sa période baroque, 396 vers rien qu'à décrire le repentir que ressent saint Pierre d'avoir trahi leChrist.

Il est plus frappant encore de voir l'insistance de l'art baroque sur les détails amusants, surprenants, vivants,qu'un classique supprimerait souvent : ainsi Saint-Amant, nous décrivant dans son Moïse sauvé (1653) le passagede la mer Rouge (XVIIe Siècle, p.

71), semble moins sensible à la signification religieuse du miracle qu'aux conditionsmatériellement surprenantes du phénomène ; il donne une description fort colorée du fond de mer découvert : De ce fond découvert le sentier il (= le peuple hébreu) admire. Sentier que la nature a d'un soin libéral Paré de sablon d'or, et d'arbres de coral... »

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