Vous êtes un des Parisiens, contemporain de Victor Hugo, à qui s'adresse le poème Chanson. Vous répondez au poète qui vous accuse de ne pas vous révolter contre l'ordre impérial.
Publié le 29/08/2014
Extrait du document
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j'ai préféré le joug à la liberté.
Je m'en accuse et reçois vos châtiments avec sévé
rité.
En 1830, j'étais pourtant sur les barricades : le violent soleil de juillet ne
m'avait pas empêchée de sortir pour réclamer plus d'égalité; en 1848, je hurlais
«Mort à la monarchie!» et acclamais la République.
Pauvre République et pauvre
Liberté : elles
m'ont vue renoncer et plier face au régime impérial.
Je suis de
celles, je m'en accuse, qui ont cru que Louis-Napoléon Bonaparte était un brave
homme.
Comment ne pas s'y tromper? Un même nom que son oncle! un même
glorieux passé militaire!
un même coup d'État...
Mais non pour instaurer un même
programme.
Napoléon a percé sous Bonaparte, mais personne
ne percera sous
son médiocre neveu.
Je le vois, je le sais à présent, mais trop tard! Je me suis
laissé séduire par
un programme démagogique:« Pain et travail», promettait-il.
«Je suis le garant de la démocratie et de l'égalité», clamait-il.
Non, décidément,
ce neveu-là n'est qu'un singe savant, une marionnette sans épaisseur.
Qu'a-t-il
fait depuis
sa prise du pouvoir? Tout pour les bourgeois, rien pour le peuple.
Toujours plus ventrus, coquins et
riches, les banquiers nous spolient; toujours
plus
ivres, plus assoiffés de sang, les militaires nous tuent.
Je n'étais pas boule
vard Montmartre pour défendre
ma liberté, la Liberté, mais je finirai sous la porte
cochère
si je ne me réveille pas ...
C'est pourquoi, Monsieur Hugo, je me dois de vous remercier.
Vous êtes un de
ces rares hommes à avoir compris le sens du mot« poète».
Le poète est celui qui
fabrique, celui qui
fait, dit-on.
Oui, mais vous, vous ne vous contentez pas d'être
un faiseur de rimes, vous prétendez être un faiseur d'idées.
Je crois, à votre ins
tar, au devoir et au pouvoir politique de la poésie.
Le poète doit être un mage, il
est celui qui voit mieux que le peuple et lui indique la voie.
Vous Monsieur Hugo,
n'avez pas été long à réagir :vous avez immédiatement senti, vu.
compris que ce
misérable Bonaparte n'était qu'une pâle copie, un bourgeois médiocre et limité
qui entendait gouverner
la France avec les banquiers et les usuriers et non les
idées.
Dès décembre 52, vous étiez en route pour l'Angleterre, vous ne trembliez
pas à l'idée
de l'exil.
Non, vous l'acceptiez avec grandeur et dignité! La clair
voyance
:voilà votre don et il fait de vous un vrai poète.
Je m'entends : un vrai
poète, c'est celui qui rappelle, qui martèle les valeurs de la République.« Vérité»,
«Probité», «Gloire», «Liberté» tonnez-vous dans votre poème Chanson.
Combien vous avez raison, combien nous nous devons de respecter ces vertus
démocratiques et républicaines pour lesquelles nos aïeux
se sont battus! Vous
ai-je dit que mon grand-père avait pris la Bastille avec les sans-culottes? Il
racontait cet épisode, les yeux toujours et à jamais remplis de larmes :«N'oublie
jamais cela, Aube.
La liberté n'est pas un acquis, c'est un droit qu'il faut recon
quérir chaque jour».
Voilà les paroles sensées que j'avais oubliées 1 Voilà la soif
d'égalité,
de fraternité et de liberté qui m'avait quittée.
Tel un grand-père, un père
devrais-je
dire, vous êtes venu, Poète, me les rappeler, me les crier à nouveau.
Merci
de ne pas être un de ces poètes qui trouvent un confortable refuge dans une
tour d'ivoire.
J'exècre ce Monsieur Gautier, qui est pourtant de vos amis, je crois.
Dans la préface
de son roman Mademoiselle de Maupin, il a cette formule à.
»
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