► Vous commenterez l’extrait de la scène 4 de l’acte I de George Dandin
Publié le 08/09/2018
Extrait du document
MADAME DE SOTENVILLE.- Mon Dieu, notre gendre, que vous avez peu de civilité de ne pas saluer les gens quand vous les approchez.
GEORGE DANDIN.- Ma foi, ma belle-mère, c’est que j’ai d’autres choses en tête, et...
MADAME DE SOTENVILLE.- Encore ! Est-il possible, notre gendre, que vous sachiez si peu votre monde, et qu’il n’y ait pas moyen de vous instruire de la manière qu’il faut vivre parmi les personnes de qualité [i] ?
GEORGE DANDIN.- Comment ?
MADAME DE SOTENVILLE.- Ne vous déferez-vous jamais avec moi de la familiarité de ce mot de ma belle-mère, et ne sauriez-vous vous accoutumer à me dire Madame.
GEORGE DANDIN.- Parbleu, si vous m’appelez votre gendre, il me semble que je puis vous appeler ma belle-mère.
MADAME DE SOTENVILLE.- Il y a fort à dire, et les choses ne sont pas égales. Apprenez, s’il vous plaît, que ce n’est pas à vous à vous servir de ce mot-là avec une personne de ma condition ; que tout notre gendre que vous soyez, il y a grande différence de vous à nous, et que vous devez vous connaître [9] .
MONSIEUR DE SOTENVILLE.- C’en est assez mamour, laissons cela.
MADAME DE SOTENVILLE.- Mon Dieu, Monsieur de Sotenville, vous avez des indulgences qui n’appartiennent qu’à vous, et vous ne savez pas vous faire rendre par les gens ce qui vous est dû.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Corbleu, pardonnez-moi, on ne peut point me faire de leçons là-dessus, et j’ai su montrer en ma vie par vingt actions de vigueur, que je ne suis point homme à démordre jamais d’une partie de mes prétentions [10] . Mais il suffit de lui avoir donné un petit avertissement. Sachons un peu, mon gendre, ce que vous avez dans l’esprit.
GEORGE DANDIN.- Puisqu’il faut donc parler catégoriquement, je vous dirai, Monsieur de Sotenville, que j’ai lieu de...
MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Doucement, mon gendre. Apprenez qu’il n’est pas respectueux d’appeler les gens par leur nom, et qu’à ceux qui sont au-dessus de nous il faut dire Monsieur tout court.
GEORGE DANDIN.- Hé bien, Monsieur tout court, et non plus Monsieur de Sotenville, j’ai à vous dire que ma femme me donne...
MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Tout beau. Apprenez aussi que vous ne devez pas dire ma femme, quand vous parlez de notre fille.
GEORGE DANDIN.- J’enrage. Comment, ma femme n’est pas ma femme [11] ?
MADAME DE SOTENVILLE.- Oui, notre gendre, elle est votre femme, mais il ne vous est pas permis de l’appeler ainsi, et c’est tout ce que vous pourriez faire, si vous aviez épousé une de vos pareilles.
GEORGE DANDIN.- Ah ! George Dandin, où t’es-tu fourré ? Et [12] de grâce, mettez pour un moment votre gentilhommerie à côté, et souffrez que je vous parle maintenant comme je pourrai. Au diantre soit la tyrannie de toutes ces histoires-là. Je vous dis donc que je suis mal satisfait de mon mariage.
MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Et la raison, mon gendre.
MADAME DE SOTENVILLE.- Quoi parler ainsi d’une chose dont vous avez tiré de si grands avantages ?
GEORGE DANDIN.- Et quels avantages, Madame, puisque Madame y a ? L’aventure n’a pas été mauvaise pour vous, car sans moi vos affaires, avec votre permission, étaient fort délabrées, et mon argent a servi à reboucher d’assez bons trous ; mais moi de quoi y ai-je profité, je vous prie, que [13] d’un allongement de nom, et au lieu de George Dandin, d’avoir reçu par vous le titre de Monsieur de la Dandinière ?
MONSIEUR DE SOTENVILLE.- Ne comptez-vous rien, mon gendre, l’avantage d’être allié à la maison de Sotenville ?
l’avenir d’un mariage et de sa survie. Pourtant, Molière adopte le ton de l’humour, voire même, selon certaines mises en scène, du comique appuyé. Celui-ci repose d’abord sur la situation de Dandin : il veut expliquer son affaire mais en est constamment empêché et ne peut pas parler, ce qui cause des retardements, énervants pour lui mais amusants pour le spectateur. Ainsi s’enchaînent une suite d’obstacles : d’abord, il oublie de « saluer » ; puis il utilise une mauvaise forme d’adresse et de salut ; enfin, i emploie à mauvais escient le mot « ma femme ». Cette succession d’atermoiements, par la répétition du même schéma, crée ce que le philosophe Bergson appelle le « mécanique plaqué sur du vivant », générateur de rire.
À la fin de l’extrait, Dandin ne mâche pas ses mots («vos affaires (...) étaient fort délabrées ») et finit par exploser et devenir grossier. C’est bien le comble après la leçon de courtoisie qu’il a reçue : i est fort mauvais élève et la leçon n’a pas le résultat escompté ! Le comique provient, là encore, du contraste.
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• Vous pouvez partir de la « définition » suivante :
Scène d’affrontement (genre) entre un riche paysan et ses beaux-parents nobles qui lui font des reproches (thème), polémique, comique, satirique, pathétique ? (registres), caricatirale, burlesque (adjectifs), pour faire rire le public et dresser la satire des nobliaux provinciaux (buts).
■ Pistes de recherche
Première piste : scène d’affrontement ; l’efficacité sur scène
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Deuxième piste : scène satirique ; comédie de mœurs
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