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► Vous commenterez le texte de Marivaux, depuis « Avant que de donner cette histoire au public » jusqu’à « je pense que j’y aurais perdu beaucoup. » (l. 55).

Publié le 09/09/2018

Extrait du document

marivaux

Nous sommes au début du roman.

 

Avant que de donner cette histoire au public, il faut lui apprendre comment je l’ai trouvée.

 

Il y a six mois que j’achetai une maison de campagne à quelques lieues de Rennes, qui, depuis trente ans, a passé successivement  entre les mains de cinq ou six personnes. J’ai voulu faire changer quelque chose à la disposition du premier appartement, et dans une armoire pratiquée dans l’enfoncement d’un mur, on y a trouvé un manuscrit en plusieurs cahiers contenant l’histoire qu’on va lire, et le tout d’une écriture de femme. On me l’apporta ; je le lus avec deux de mes amis qui étaient chez moi, et qui depuis ce jour-là n’ont cessé de me dire qu’il fallait le faire imprimer: je le veux bien, d’autant plus que cette histoire n’intéresse1 personne. Nous voyons par la date que nous avons trouvée à la fin du manuscrit, qull y a quarante ans qu’il est écrit ; nous avons changé le nom de  deux personnes dont il y est parlé, et qui sont mortes Ce qui y est dit d’elles est pourtant très indifférent ; mais n’importe : il est toujours mieux de supprimer leurs noms.

Voilà tout ce que j’avais à dire : ce petit préambule m’a paru nécessaire, et je l’ai fait du mieux que j’ai pu, car je ne suis point  auteur, et jamais on n’imprimera de moi que cette vingtaine de lignes-ci.

 

Passons maintenant à l’histoire. C’est une femme qui raconte sa vie ; nous ne savons qui elle était. C’est la Vie de Marianne ; c’est ainsi qu’elle se nomme elle-même au commencement de son histoire ; elle prend ensuite le titre de comtesse ; elle parle à une de ses amies dont le nom est en blanc, et puis c’est tout.

 

Quand je vous ai fait le récit de quelques accidents de ma vie, je ne m’attendais pas, ma chère amie, que vous me prieriez de vous la donner tout entière, et d’en faire un livre à imprimer. Il est vrai que l’histoire en est particulière, mais je la gâterai, si je l’écris ; car où voulez-vous que je prenne un style ?

 

Il est vrai que dans le monde on m’a trouvé de l’esprit ; mais, ma chère, je crois que cet esprit-là n’est bon qu’à être dit, et qu’il ne vaudra rien à être lu.

 

Nous autres jolies femmes, car j’ai été de ce nombre, personne

 

n’a plus d’esprit que nous, quand nous en avons un peu : les hommes ne savent plus alors la valeur de ce que nous disons ; en nous écoutant parler, ils nous regardent, et ce que nous disons profite de ce qu’ils voient.

 

 J’ai vu une jolie femme dont la conversation passait pour un enchantement, personne au monde ne s’exprimait comme elle ; c’était la vivacité, c’était la finesse même qui parlait : les connaisseurs n’y pouvaient tenir de plaisir. La petite vérole3 lui vint, elle en resta extrêmement marquée : quand la pauvre femme reparut, ce 45 n’était plus qu’une babillardé incommode. Voyez combien auparavant elle avait emprunté d’esprit de son visage ! Il se pourrait bien faire que le mien m’en eût prêté aussi dans le temps qu’on m’en trouvait beaucoup. Je me souviens de mes yeux de ce temps-là, et je crois qu’ils avaient plus d’esprit que moi.

 

Combien de fois me suis-je surprise à dire des choses qui

 

auraient eu bien de la peine à passer toutes seules ! Sans le jeu d’une physionomie friponne qui les accompagnait, on ne m’aurait pas applaudie comme on faisait, et si une petite vérole était venue réduire cela à ce que cela valait, franchement, je pense que j’y aurais perdu beaucoup.

• Montrez que Marivaux se livre à un jeu littéraire entre réel et fiction.

 

• Analysez la complexité de la construction de ce début.

 

• Montrez que ce début dépasse la simple narration et que la narratrice y mène une réflexion sur la société de son temps.

 

• Étudiez le ton de Marianne et montrez qu'elle est bien représentative du siècle des Lumières, dans son attitude et ses idées.

1. Un début de roman en deux temps : le dévoilement progressif de l'héroïne

 

1. Un préambule qui crée l’illusion du réel

 

• Il sert à rendre crédible l’apparition du personnage : précisions spatiotemporelles de la découverte du manuscrit, chronologie appuyée par la mention du lieu et des dates.

 

• Il sert à créer l’effet d’attente :

 

- présentation progressive et retardée du personnage dans et par le préambule. Le personnage n’est mentionné qu’à la fin : mystère sur son identité => curiosité du lecteur mise en appétit, quoique peu de détails ;

marivaux

« r= xième piste • Mon trez que Marivaux se livre à un jeu littéraire entre réel et fiction.

• Anal ysez la comp lexité de la construction de ce début.

• Mon trez que ce début dépasse la simple narration et que la narratrice y mène une réflexion sur la société de son temps.

• Étudiez le ton de Marianne et mo ntrez qu'elle est bien représentative du siècle des Lumi ères, dans son attitude et ses idées.

CO RRIGÉ Vo ici un plan à rédiger.

Introduction (A mor ce) Les écrivains du xvu1• siècle trouvent dans le roman un genr e neuf propre à distraire le lecteur mais aussi à diffuser leurs idées.

Ils peuvent rendre compte de l'ascension sociale des personnages et y déc rire en toile de fond la société que les philo sophes veulent transformer.

(Pr ésentation du texte) Marivaux s'essaie à ce genre, d'abord avec Le Pays an parv enu, puis avec La Vie de Mari anne .

Le roman débute par un préambule narratif (de Marivaux ? de l'éditeur ?), qui esquisse une présenta­ tion de l'ouvrage et du personnage ; pui s ce personnage -Marianne - in tervient et commence son autobiograph ie, écrite pour une de ses amies.

(A nnonce du plan) Un double début de roman qui dévoile progressivement l'h éroïne ; un jeu littéraire spirituel au service de l'illusion du réel et de la réflexion sociale, bien caractéris tique du siècle des Lumières.

1.

Un début de roman en deux temps : le dévoilement progressif de l'héroïne 1.

Un préambule qui crée l'illusion du réel • Il sert à ren dre crédible l'apparition du personnage : précisions spatio­ temporelles de la découverte du manuscrit, chronologie appuyée par la mention du lieu et des dates.

• Il sert à créer l'effet d'attente : - présentation progressive et retardée du personnage dans et par le préam­ bule.

Le personnage n'est mentionné qu'à la fin : mystère sur son identité � curiosité du lecteur mise en appétit, quoique peu de détails ;. »

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