Vous analyserez dans ce poème l'originalité du lyrisme d'Apollinaire.
Publié le 11/09/2014
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TEXTE
AUTOMNE MALADE
Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes 1 aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé
Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé
Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles Qu'on foule
Un train Qui roule La vie
S'écoule
Guillaume APOLLINAIRE, Alcools, « Automne Malade «,
Gallimard.
Le thème de l'automne, de l'agonie de la nature n'est pas nouveau : il a été exploité par nombre de poètes lyriques avant Apollinaire. Aussi est-ce tout naturellement qu'il s'y attache, lui qui a aimé Ronsard et qui doit tant à Verlaine. L'imminence de la mort — « Automne malade... Tu mourras « — n'est-elle pas plus bouleversante, plus pathétique que la mort elle-même ? Moment privilégié pour l'âme désenchantée qui se complaît à envisager la mort qui vient — « Automne malade et adoré «

«
APOLLINAIRE 35
COMMENTAIRE PROPOS~
INTRODUCTION
Le recueil d'A/coo/s fait date dans l'histoire de la poes1e
moderne.
On est loin ici de l'art sophistiqué de Mallarmé et
des brouillards symbolistes : tout y est au contraire jeune, dyna
mique, désinvolte même, tout y est surprise.
Automne malade n'est sans doute pas le poème le plus représentatif du recueil,
mais on y perçoit ce qui fait l'originalité attachante d'Apollinaire
qui, grâce au choix de ses images, au jeu des rythmes et des
sonorités, nous fait accéder, à partir de thèmes lyriques tradi
tionnels, à l'univers unique et ouaté de sa mélancolie.
1.
DES THÈMES TRADITIONNELS
Le thème de l'automne, de l'agonie de la nature
n'est pas
nouveau : il a été exploité par nombre de poètes lyriques avant
Apollinaire.
Aussi est-ce tout naturellement qu'il s'y attache,
lui qui a aimé Ronsard et qui doit tant à Verlaine.
L'imminence
de la mort - «Automne malade ...
Tu mourras » -n'est-elle
pas plus bouleversante, plus pathétique que la mort elle-même ?
Moment privilégié pour l'âme désenchantée qui se complaît
à envisager la mort qui vient - «Automne malade et adoré»-.
Le parfum des fruits trop mûrs rappelle encore les richesses de
cette saison d'abondance en même temps qu'il annonce la pourriture irréversible ; « les éperviers planent » guettant leurs
victimes pas encore offertes ; les animaux ont déjà pressenti
l'angoisse de l'hiver - «Les cerfs ont bramé» - ; toute la
nature est attente, attente triste d'un destin inéluctable : «Le vent et les forêts ...
pleurent...
» Cette attente est aussi celle du poète.
L'étroite harmonie qui
s'établit entre la saison en pleurs et son propre état d'âme, suggérée
depuis le début du poème, devient évidente dans la dernière
strophe.
Le « Et » qui ouvre le premier vers montre bien qu'il
ne peut s'empêcher d'avouer alors ouvertement et passionnément
son amour pour l'automne - «Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs» -la reprise du verbe épouse étroitement
l'élan irrésistible du cœur, avec ce qu'il peut avoir d'un peu
trop éloquent parce que trop passionné.
Mais ce transport ne
dure pas et la strophe s'achève sur un refrain désabusé mais
presque serein : tel ce train insolite dont la course est comme
l'image
« civilisée » de celle de la nature qui suit son cycle toujours.
»
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