Voltaire, Zadig, chapitre 6 (commentaire composé de français)
Publié le 10/01/2020
Extrait du document
Le roi avait perdu son premier ministre. Il choisit Zadig pour remplir cette place. Toutes les belles dames de Babylone applaudirent à ce choix, car depuis la fondation de l'empire il n'y avait jamais eu de ministre si jeune. Tous les courtisans furent fâchés ; l'envieux en eut un crachement de sang, et le nez lui enfla prodigieusement [...]. Il [Zadig] se mit à exercer son ministère de son mieux. Il fit sentir à tout le monde le pouvoir sacré des lois, et ne fit sentir à personne le poids de sa dignité. Il ne gêna point les voix dudivan1, et chaque vizir2 pouvait avoir un avis sans lui déplaire. Quand il jugeait une affaire, ce n'était pas lui qui jugeait, c'était la loi ; mais quand elle était trop sévère, il la tempérait3 ; et quand on manquait de lois, son équité4 en faisait qu'on aurait prises pour celles de Zoroastre5.C'est de lui que les nations tiennent ce grand principe : qu'il vaut mieuxhasarder6 de sauver un coupable que de condamner un innocent. Il croyait que les lois étaient faites pour secourir les citoyens autant que pour les intimider. Son principal talent était de démêler la vérité, que tous les hommes cherchent à obscurcir. Dès les premiers jours de son administration il mit ce grand talent en usage. Un fameux négociant de Babylone était mort aux Indes ; il avait fait ses héritiers ses deux fils par portions égales, après avoir marié leur soeur, et il laissait un présent de trente mille pièces d'or à celui de ses deux fils qui serait jugé l'aimer davantage. L'aîné lui bâtit un tombeau, le second augmenta d'une partie de son héritage la dot7 de sa soeur ; chacun disait : « C'est l'aîné qui aime le mieux son père, le cadet aime mieux sa soeur ; c'est à l'aîné qu'appartiennent les trente mille pièces. » Zadig les fit venir tous deux l'un après l'autre. Il dit à l'aîné : « Votre père n'est point mort, il est guéri de sa dernière maladie, il revient à Babylone.
- Dieu soit loué, répondit le jeune homme ; mais voilà un tombeau qui m'a coûté bien cher ! » Zadig dit ensuite la même chose au cadet.
- Dieu soit loué, répondit-il, je vais rendre à mon père tout ce que j'ai ; mais je voudrais qu'il laissât à ma soeur ce que je lui ai donné.
- Vous ne rendrez rien, dit Zadig, et vous aurez les trente mille pièces : c'est vous qui aimez le mieux votre père.
1. divan : conseil des ministres.
2. vizir : ministre du sultan.
3. tempérait : atténuait.
4. équité : justice, impartialité.
5. Zoroastre : personnage religieux dont l'influence fut considérable.
6. hasarder de : prendre le risque de.
7. dot : biens qu'une femme apporte en mariage.
«
Voltaire, de son vrai nom François Marie Arouet, est né le 21 novembre 1694 à Paris, où il
est mort le 30 mai 1778.
Écrivain et philosophe des Lumières, il est admis à l'Académie française en
1746.
Zadig ou la Destinée : conte philosophique, publié pour la première fois en 1747, sous le
titre Memnon, histoire orientale , puis, en 1748, augmenté de plusieurs chapitres, sous son titre actuel.
À la cour du roi de Babylone, le jeune Zadig se fait apprécier pour ses qualités.
Il se heurte
aux méchants mais, après de nombreuses péripéties, il est nommé ministre du roi.
=> Il s’agit de montrer comment Voltaire argumente grâce au conte philosophique, quels sont ses
moyens argumentatifs et son message…
I- Le conte
A- Une histoire simple
• Récit => 3 epersonne, alternance imparfait / passé simple : imparfait > toile de fond, description
(« n'était ; manquait… ») / passé simple > actions brèves, actions (« choisit ; applaudirent… »)
• Présence des dialogues => temps du discours + récit vivant, on entend parler les personnages.
• Conte => histoire simple.
Cf.
« Il choisit Zadig » + référence aux « bons » et aux méchants
« Fâchés ; l'envieux… ».
∆) Récit facile et sympathique à lire.
B- Le contre oriental
• Références dépaysantes.
Cf.
les mots à connotation orientale : « Babylone ; vizir ; Zoroastre ;
Babylone ; mort aux Indes… ».
• Héros => « si jeune » ; les « belles » dames qui applaudissent, etc.
+ bonté du héros.
• « un crachement de sang, et le nez lui enfla prodigieusement » => comique.
C- Une parodie du jugement de Salomon
• Tout lecteur ne peut que reconnaître une copie du jugement de Salomon dans l’histoire avec les deux
frères (=> Ancien Testament).
Clin d’oeil de Voltaire !
=> Montre la bonté et grande sagesse de Zadig.
II- Le conte philosophique
Malgré la simplicité apparente du texte, Voltaire veut faire réfléchir son lecteur
A- Des pistes.
»
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