Voltaire, Traité sur la Tolérance - Chapitre XXIII : « Prière à Dieu »
Publié le 01/04/2011
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temps).
Cet Être suprême a créé non seulement les hommes, mais aussi l'univers (toi qui as tout donné) et sesdécrets sont immuables parce que souverains.
Il est infiniment bon et infiniment supérieur à ses créatures.
La vieest un bien ou un fardeau (dernière phrase), mais la terre où nous vivons ne doit être à ses yeux qu'un petit tas deboue, et toutes les inégalités de condition doivent s'effacer devant sa grandeur.
Mais ce Déisme présente surtout un aspect négatif.
En déclarant qu'il croit en un Dieu de tous les mondes et detous les êtres, Voltaire se refuse à admettre non seulement que la terre est le centre de l'univers, mais encore etsurtout que l'homme faible créature perdue dans l'immensité a été créé par Dieu pour être formé à son image.
C'étaitrejeter toutes les conceptions anthropomorphiques de la Divinité.
En ajoutant que son Dieu est de tous les temps,Voltaire repousse surtout l'idée que les religions d'aujourd'hui sont supérieures à celles d'autrefois et que par suiteles sages de l'antiquité doivent être damnés parce qu'ils étaient païens.
Ainsi le déisme de Voltaire s'affirme surtouten s'opposant.
Il est essentiellement fondé sur une critique des dogmes des religions révélées.
Mais, ce faisant, ilapparaît beaucoup moins comme un élan irrésistible et irraisonné du cœur que comme une construction de l'esprit.
Ilest beaucoup plus logique et critique que mystique et sentimental.
Nous sommes loin de la Profession de Foi duVicaire Savoyard.
II.
— La haine de l'Intolérance et du Fanatisme
Dans son Commentaire sur les Pensées de Pascal, publié en 1734, en même temps que les Lettres Philosophiques(Lettre 25), Voltaire avait reproché à l'auteur des Pensées de dire éloquemment des injures au genre humain.
Ils'était efforcé de démontrer que les hommes ne sont ni aussi méchants ni aussi malheureux que Pascal le dit.
C'étaitl'époque du Mondain.
Dans cette prière à Dieu, au contraire, Voltaire évoque, comme dans Candide, tous lesmalheurs de l'humanité.
Après Montaigne dans Les Essais, il rappelle notre faiblesse (nos débiles corps, nos usagesridicules, nos lois imparfaites, nos opinions insensées, c'est-à-dire nos erreurs de jugement).
Il énumère les fléauxdont nous sommes les victimes, l'horreur de la tyrannie, les cruautés de la guerre, la violence des brigandages.C'était répéter ce qu'il avait déjà dit, sous une forme plaisante, dans Micromégas.
C'était proclamer, pour que lecontraste soit plus saisissant, en face de la puissance et de la grandeur de Dieu, la petitesse et la misère del'homme.
Pourtant, loin de sombrer avec les Jansénistes dans un pessimisme qui ne connaîtrait d'apaisement que dans lerenoncement et la prière, Voltaire trouve aussi et surtout dans le spectacle de nos misères la raison même quijustifie la tolérance.
A ses yeux, seule la tolérancpermettra aux hommes d'adoucir leurs maux, elle les rapprocherales uns des autres, elles les invitera à l'humilité; elle apaisera les haines ridicules et stériles, elle empêchera que noserreurs deviennent des calamités.
Puissent tous les hommes, dit-il, se souvenir qu'ils sont frères! Après nous avoirexhortés dans Candide à considérer le travail comme une consolation et un remède à nos misères, il dégage ici denos misères mêmes la nécessité de mieux nous comprendre et de mieux nous aimer.
Comme chez Montesquieu(Esprit des Lois, livre XXV, chap.
23), comme chez Rousseau (Contrat Social, livre IV, chap.
8), comme chez tousles philosophes du siècle, l'esprit de tolérance ne se fonde pas sur la pitié, il n'est même pas la conséquence de laliberté.
Il est pour ainsi dire une nécessité de la raison.
Cette conception a l'avantage de mieux mettre en relief l'absurdité des querelles religieuses qui, au lieu derapprocher les hommes, les jettent au contraire les uns contre les autres et déchaînent les haines de l'intolérance etles persécutions du fanatisme.
Au lieu de reconnaître que, sous des formes et des pratiques différentes, ellesadorent toutes le même Dieu, au lieu d'aider leurs fidèles à soulager mutuellement leurs misères communes, lesreligions aggravent encore leurs malheurs en se déchirant entre elles pour les motifs les plus futiles.
Affectant deridiculiser, en les minimisant, les questions dogmatiques ou liturgiques (couleur des robes — emploi des cierges —utilisation ou non du latin), Voltaire n'a toujours vu dans les guerres de religion que des folies criminelles qui neseraient que des stupidités, si elles n'avaient pas entraîné les plus sanglantes conséquences.
C'est cette idée qu'ilexprime ici quand il demande à Dieu de mettre un terme à toutes ces querelles pour le plus grand bien de l'humanité.
Sans ces remarques, ce texte perdrait beaucoup de son mouvement et de son éloquence, car Voltaire a trouvé,pour exprimer sa haine du fanatisme, des accents passionnés que son déisme un peu froid ne lui aurait certainementpas inspirés.
Mais ce que cette «Prière» gagne en chaleur, elle le perd aussi en sérénité.
Voltaire est tropirrévérencieux et trop moqueur (emploi du mot péjoratif jargon ; allusion ironique à ceux qui allument des cierges enplein midi) pour être impartial.
Ce n'est pas le meilleur moyen de prêcher la tolérance que de condamner ainsil'intolérance sur le ton de la polémique.
III.
— Idéal social et politique
Tout en laissant la première place aux questions religieuses qui ont été la préoccupation constante de son esprit, cetexte permet aussi de connaître sur un certain nombre de points les idées sociales et politiques de Voltaire.
a) D'abord Voltaire est un conservateur.
Il reconnaît que toutes les différences entre nos conditions sontdisproportionnées, mais il semble s'y résigner ; en tout cas, il ne souhaite pas qu'elles soient une raison suffisantepour tout bouleverser.
On sait que Voltaire n'est pas un démocrate.
Tout en affirmant que les hommes sont égauxnaturellement, il a toujours proclamé que l'égalité sociale est une chimère.
b) D'autre part, il estime que l'or et les grandeurs ne sont pas de véritables Biens.
Il invite les puissants et les richesà ne pas les envier.
Déjà, dans Candide, il avait évoqué ce que peut être un pays idéal où les fragments arrondis.
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