Voltaire – Le Mondain Commentaire composé
Publié le 14/05/2014
Extrait du document
Plan
I. LA CRITIQUE DE L'ÂGE D'OR ................................................................................ 3
Un état d'innocence ................................................................................................... 3
Un état d'austérité et de dénuement......................................................................... 3
Une vertu sans mérite, puisque inévitable ................................................................. 3
II. L
'
ÉLOGE DE L'ÂGE DE FER ....................................................................................... 4
a) Une époque de luxe ............................................................................................... 4
b) Une époque de plaisirs .......................................................................................... 4
c) Une époque marquée par la nouveauté et le progrès............................................ 4
III. L'
ASSOCIATION BONHEUR ET CIVILISATION ............................................................. 5
a) L'expression lyrique du bonheur ......................................................................... 5
b) L'importance du bonheur matériel et son caractère « honnête «....................... 5
c) L'âge de fer ............................................................................................................. 5
Conclusion ..................................................................................................................... 5
LE MONDAIN
Regrettera qui veut le bon vieux temps,
Et l’âge d’or, et le règne d’Astrée,
Et les beaux jours de Saturne et de Rhée,
Et le jardin de nos premiers parents;
Moi, je rends grâce à la nature sage
Qui, pour mon bien, m’a fait naître en cet âge
Tant décrié par nos tristes frondeurs :
Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs.
J’aime le luxe, et même la mollesse,
Tous les plaisirs, les arts de toute espèce,
La propreté, le goût, les ornements :
Tout honnête homme a de tels sentiments.
Il est bien doux pour mon cœur très immonde
De voir ici l’abondance à la ronde,
Mère des arts et des heureux travaux,
Nous apporter, de sa source féconde,
Et des besoins et des plaisirs nouveaux.
L’or de la terre et les trésors de l’onde,
Leurs habitants et les peuples de l’air,
Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde.
O le bon temps que ce siècle de fer!
Le superflu, chose très nécessaire,
A réuni l’un et l’autre hémisphère.
Voyez-vous pas ces agiles vaisseaux
Qui, du Texel, de Londres, de Bordeaux,
S’en vont chercher, par un heureux échange,
De nouveaux biens, nés aux sources du Gange,
Tandis qu’au loin, vainqueurs des musulmans,
Nos vins de France enivrent les sultans ?
Quand la nature était dans son enfance,
Nos bons aïeux vivaient dans l’ignorance,
Ne connaissant ni le tien ni le mien.
Qu’auraient-ils pu connaître? ils n’avaient rien,
Ils étaient nus; et c’est chose très claire
Que qui n’a rien n’a nul partage à faire.
Sobres étaient. Ah! je le crois encor :
Martialo n’est point du siècle d’or.
D’un bon vin frais ou la mousse ou la sève
Ne gratta point le triste gosier d’Ève ;
La soie et l’or ne brillaient point chez eux,
Admirez-vous pour cela nos aïeux ?
Il leur manquait l’industrie et l’aisance :
Est-ce vertu? c’était pure ignorance.
Voltaire, extrait de Le Mondain
Commentaire composé
Introduction
Prenant avec fantaisie et désinvolture le contre-pied des croyances religieuses
en un bonheur fondé sur l'austérité et le sacrifice, Voltaire trace, dans Le Mondain,
un aimable portrait de son époque, qu'il présente comme l'ère des plaisirs et du luxe.
Les images paradisiaques de l'âge d'or se trouvent ainsi considérablement ternies et
dévalorisées : l'innocence n'était qu'ignorance, et l'on n'était vertueux que parce que
l'on ne pouvait guère faire autrement ! Avec un cynisme allègre, il célèbre, en une
succession de décasyllabes au rythme tantôt lyrique et tantôt plein de verve, une
civilisation de l'abondance et des satisfactions que ne renierait aucun bon vivant.
Profession de foi personnelle, Le Mondain est un hymne à la vie et à ses plaisirs, tout
à fait dans l'esprit de la Régence, bien que composé nettement plus tard, et très
représentatif d'un courant optimiste. Le lien établi entre le bonheur et le progrès
ouvre là un débat passionné qui illustre bien les courants contradictoires du siècle.
Entre Rousseau et Voltaire, sur ce plan, la séparation sera nette, et définitive.
«
LE MONDAIN
Regrettera qui veut le bon vieux temps,
Et l’âge d’or, et le règne d’Astrée,
Et les beaux jours de Saturne et de Rhée,
Et le jardin de nos premiers parents;
Moi, je rends grâce à la nature sage
Qui, pour mon bien, m’a fait naître en cet âge
Tant décrié par nos tristes frondeurs :
Ce temps profane est tout fait pour mes mœurs.
H’aime le luxe, et même la mollesse,
Tous les plaisirs, les arts de toute espèc e,
La propreté, le goût, les ornements :
Tout honnête homme a de tels sentiments.
=l est bien doux pour mon cœur très immonde
De voir ici l’abondance à la ronde,
Mère des arts et des heureux travaux,
Nous apporter, de sa source féconde,
Et des besoi ns et des plaisirs nouveaux.
L’or de la terre et les trésors de l’onde,
Leurs habitants et les peuples de l’air,
Tout sert au luxe, aux plaisirs de ce monde.
O le bon temps que ce siècle de fer!
Le superflu, chose très nécessaire,
A réuni l’un et l’a utre hémisphère.
Voyez -vous pas ces agiles vaisseaux
Qui, du Texel, de Londres, de Bordeaux,
S’en vont chercher, par un heureux échange,
De nouveaux biens, nés aux sources du Gange,
Tandis qu’au loin, vainqueurs des musulmans,
Nos vins de France eniv rent les sultans ?
Quand la nature était dans son enfance,
Nos bons aïeux vivaient dans l’ignorance,
Ne connaissant ni le tien ni le mien.
Qu’auraient -ils pu connaître? ils n’avaient rien,
=ls étaient nus; et c’est chose très claire
Que qui n’a rien n’a nul partage à faire.
Sobres étaient.
Ah! je le crois encor : Martialo n’est point du siècle d’or. D’un bon vin frais ou la mousse ou la sève Ne gratta point le triste gosier d’Ève ; La soie et l’or ne brillaient point chez eux, Admirez -vous pour cela nos aïeux ? =l leur manquait l’industrie et l’aisance : Est -ce vertu? c’était pure ignorance. Voltaire, extrait de Le Mondain. »
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