VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique. FANATISME - commentaire
Publié le 11/09/2014
Extrait du document
TEXTE
FANATISME
Le fanatisme est à la superstition ce que le transport est à la fièvre, ce que la rage est à la colère. Celui qui a des extases, des visions, qui prend des songes pour des réalités, et ses imaginations pour des prophéties, est un enthousiaste ; celui qui soutient sa folie par le meurtre est un fanatique.
Lorsqu'une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. J'ai vu des convulsionnaires' qui, en parlant des miracles de saint Pâris, s'échauffaient par degrés malgré eux : leurs yeux s'enflammaient, leurs membres tremblaient, la fureur défigurait leur visage, et ils auraient tué quiconque les eût contredits.
Il n'y a d'autre remède à cette maladie épidémique que l'esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les moeurs des hommes, et qui prévient les accès du mal, car, dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir, et attendre que l'air soit purifié. Les lois et la religion ne suffisent pas contre la peste des âmes ; la religion, loin d'être pour elles un aliment salutaire, se tourne en poison dans les cerveaux infectés. Ces misérables ont
t. Fanatiques jansénistes du XVIII siècle ainsi nommés parce que l'exaltation religieuse leur causait des convulsions.
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sans cesse présent à l'esprit l'exemple d'Aod, qui assassine le roi Églon ; de Judith, qui coupe la tête d'Holopherne en couchant avec lui ; de Samuel, qui hache en morceaux le roi Agag. Ils ne voient pas que ces exemples, qui sont respectables clans l'Antiquité, sont abominables dans le temps présent ; ils puisent leurs fureurs dans la religion même qui les condamne.
Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage, c'est comme si vous lisiez un arrêt du conseil à un frénétique. Ces gens-là sont persuadés que l'esprit saint qui les pénètre est au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu'ils doivent entendre.
Les accents bouleversants de ses lettres, comme ceux de ses appels en faveur des Calas, Sirven, Lally-Tollendal, victimes du fanatisme, en sont la preuve.
Encore faudrait-il que les hommes soient des hommes éclairés, doués d'intelligence, de culture, informés de tout, et suffisamment forts moralement pour résister aux séductions de l'intérêt et de l'égoïsme. Voltaire lui-même refusait au commun des hommes la possibilité d'accéder à cette « lumière « de l'esprit philosophique puisqu'il recommandait de ne pas enlever au peuple la religion, garante d'un certain ordre. Ne fit-il pas construire une église à Ferney pour ses paysans ? Sa confiance dans l'homme était donc sélective et si la raison n'est que l'apanage d'une élite, elle porte en elle ses limites et celles de son action.
«
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sans cesse présent à l'esprit l'exemple d'Aod, qui assassine le roi Églon; de Judith, qui coupe la tête d' Holopherne en couchant
avec lui; de Samuel, qui hache en morceaux le roi Agag.
Ils ne
voient pas que ces exemples, qui sont respectables dans !'Antiquité,
sont abominables dans
le temps présent; ils puisent leurs fureurs
dans la religion même qui les condamne.
Les lois sont encore très impuissantes contre ces accès de rage,
c'est comme si vous lisiez
un arrêt du conseil à un frénétique.
Ces gens-là sont persuadés que l'esprit saint qui les pénètre est
au-dessus des lois, que leur enthousiasme est la seule loi qu'ils
doivent entendre.
VoL TAIRE, Dictionnaire philosophique.
Vous dégagerez et développerez les principales idées de
ce texte de
Voltaire (article« FANATISME» du« Diction
naire philosophique»).
Vous direz ensuite si vous partagez
la confiance de Voltaire dans les pouvoirs de
l'esprit
philosophique.
COMMENTAIRE PROPOSÉ
INTRODUCTION
Le Dictionnaire philosophique est sans doute l'un des ouvrages
philosophiques les plus importants que Voltaire ait écrits.
Le
choix de la formule était heureux :
ce Dictionnaire portatif, par sa maniabilité et la facilité de sa diffusion, rendait en effet l'arme du polémiste d'autant plus efficace et· en étendait la portée.
Voltaire y a exprimé l'essentiel de sa critique sociale, politique,
religieuse, et, dans cet article qui fustige
le fanatisme, il reprend
une lutte qu'il n'a jamais cessé de mener contre ce qu'il considère
comme le plus absurde et le plus néfaste dans une société: l'into
lérance.
A côté de cette violente critique nous découvrons l'opti
misme de
l'auteur, sa confiance dans la raison et en définitive
dans l'homme.
Nous pouvons toutefois nous demander si cette
confiance, assez générale au xvme siècle, n'était pas excessive.
1.
VOLTAIRE ET LE FANATISME
Une définition.
Avec la clarté qui le caractérise et ce don de
l'image qui rend ses démonstrations si probantes, Voltaire
analyse d'abord le fanatisme et justifie d'avance sa critique dans
la définition à laquelle cette analyse tout naturellement le conduit..
»
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