Voltaire critique littéraire
Publié le 16/02/2012
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« Un excellent critique serait un artiste Si nous en croyons E. Faguet, ce « bourgeois gentilhomme « fut le contraire d'un artiste. Nous constaterons que sa science, même littéraire, est trop souvent en défaut. Son goût, indéniable, est, chacun le sait, singulièrement étroit; c'est par là, néanmoins, qu'il fait encore figure de critique. Ses préjugés, tenaces et féroces, lui interdisent...
«
Tous les maitres du siecle, prosateurs et pokes, ont passé sous la toise de
M.
de Voltaire.
Si la plupart ont ate loues avec un rare bonheur d'expression, peu s'en sont tires sans recevoir au passage qui un coup de griffe, qui uncoup de pied.
La Rochefoucauld n'en sort pas diminue, bien au contraire.
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tume a penser, a renfermer sa pens& dans un tour vif, précis, &Heat.
» Le
pessimiste de Candide devait ce salut admiratif a l'auteur des Maximes.
Pascal est poste aux nues pour ses Provinciales, «le premier livre de genie
qu'on vit en prose »...
et oil les Jesuites, les « chers maitres » d'Arouet, sont
mis a mal; il est traits de « misanthrope sublime » pour ces Pensees oiz il « montre Phomme sous un jour odieux »...
pour ces Pensees que bientOt Cha-
teaubriand proclamera venir d'un Dieu plus que d'un homme! C'est que
Pascal - outre qu'il est un « fanatique » - est, avec Bossuet, le plus vrai-
ment poke, le plus lyrique des ecrivains de son temps et, par la, echappe
au gout de Voltaire.
Bossuet, loue pour la sublimite de ses Oraisons funebres, est blame pour
les « familiarites » qui deparent la noblesse de ces discours de gala.
L'amour
de la regularite et de l'elegance lui fait preferer Bourdaloue, qui « kale dans
la chaire tine raison eloquente », It Bossuet sermonnaire, trop personnel, trop
libre en son essor.
Le deiste, qui professe que.
Dieu n'intervient pas dans les affaires de ce monde, exalte les merites de Bossuet historien, dont la « force
majestueuse » l'etonne.
N'empeche que Candide et l'Essai sur les Mmurs se
proposent de refuter, a leur maniere, le Discours sur l'Histoire Universelle.
Non content de combattre les idees du champion de la verite catholique,
Voltaire veut ternir sa reputation et lance l'absurde legende d'un Bossuet
secretement marie.
Cette gloire si pure risquait, sans doute, d'eclipser la
sienne! Il se montre plus indulgent pour Fenelon, tres a la mode au xviiie siècle,
rival et ennemi « malgre lui » de Bossuet.
Mais it voudrait nous faire croire
qu'ils professaient tous deux comme theologiens des principes qu'ils repu-
diaient comme philosophes!...
A ses yeux, le vrai titre de gloire de Fenelon,
c'est Telemaque, « livre singulier, qui tient du roman et du poeme », ecrit
dans un style « qui coulait de source avec abondance ».
Nous ne professons
pas le meme enthousiasme pour ce livre faux et ne l'estimons ni comme
roman, ni comme poeme.
Mais Voltaire, qui avait rave d'être le conseiller des rois, lui devait son admiration.
Les Caracteres, comme Telemaque, sont un livre d'avant-garde; Voltaire
a pour eux un faible.
II loue le « style rapide, concis, nerveux », les « expres-
sions pittoresques » de La Bruyere.
Il rappelle un mot de Malezieu, et apres
avoir constate malignement que le livre baissa dans l'esprit des hommes
quand cut disparu In generation qui l'avait vu naitre, il a le bon gout
d'ajouter : « Comme it y a des choses de tous les temps et de tous les lieux,
il est It croire que cet ouvrage ne sera jamais oublie.
» La prophetic s'est rea-
lisee.
Plus juste envers Mme de Sevigne qu'envers Voiture - il est redevable
l'un comme a l'autre - Voltaire voit en la Marquise « la premiere personne
de son siècle pour le style epistolaire et surtout pour confer des bagatelles avec grace ».
La encore, le Me serieux de cette correspondance lui echappe;
it n'en a pas compris la valeur morale et historique.
Fontenelle, ennemi de La Bruyere et « moderne »militant, est felicite
d'avoir « su repandre des graces jusque sur la philosophic ».
Neanmoins ses
Mondes, fondes sur la theorie fausse des tourbillons de Descartes, pourraient bien, a cause de vela, ne jamais devenir classiques.
Its ne le sont pas devenus,
mais pour d'autres raisons; cette vulgarisation de connaissances in com- pletes ne nous suffit plus.
Nous nous interessons bien davantage aux Eloges.
De Fontenelle It Corneille, du neveu a l'oncle, it n'y a qu'un pas; franchis-
sons-le, et passons de la prose It la poesie.
Voltaire, grand amateur de theatre, est maintes fois revenu It Corneille;
rarement sa louange va sans restrictions.
« Ancien Romain parmi les Fran-
cais, il a etabli une stole de grandeur d'ame.
» Ii s'est forme tout seul, it
Tous les maîtres du siècle, prosateurs et poètes, ont passé sous la toise de M.
de Voltaire. Si la plupart ont été loués avec un rare bonheur d'expression,
peu s'en sont tirés sans recevoir au passage qui un coup de griffe, qui un coup de pied.
La Rochefoucauld n'en sort pas diminué, bien au contraire. « Il accou tume à penser, à renfermer sa pensée dans un tour vif, précis, délicat.
» Le pessimiste de Candide devait ce salut admiratif à l'auteur des Maximes.
Pascal est porté aux nues pour ses Provinciales, « le premier livre de génie qu'on vit en prose »...
et où les Jésuites, les « chers maîtres » d'Arouet, sont
mis à mal; il est traité de «misanthrope sublime» pour ces Pensées où il
« montre l'homme sous un jour odieux »... pour ces Pensées que bientôt Cha teaubriand proclamera venir d'un Dieu plus que d'un homme! C'est que Pascal — outre qu'il est un « fanatique » — est, avec Bossuet, le plus vrai ment poète, le plus lyrique des écrivains de son temps et, par là, échappe au goût de Voltaire.
Bossuet, loué pour la sublimité de ses Oraisons funèbres, est blâmé pour
les « familiarités » qui déparent la noblesse de ces discours de gala.
L'amour
de la régularité et de l'élégance lui fait préférer Bourdaloue, qui « étale dans la chaire une raison éloquente », à Bossuet sermonnaire, trop personnel, trop libre en son essor. Le déiste, qui professe que Dieu n'intervient pas dans les affaires de ce monde, exalte les mérites de JBossuet historien, dont la « force
majestueuse » l'étonné.
N'empêche que Candide et l'Essai sur les Mœurs se proposent de réfuter, à leur manière, le Discours sur l'Histoire Universelle.
Non content de combattre les idées du champion de la vérité catholique, Voltaire veut ternir sa réputation et lance l'absurde légende d'un Bossuet secrètement marié. Cette gloire si pure risquait, sans doute, d'éclipser la sienne! Il se montre plus indulgent pour Fénelon, très à la mode au xvme siècle, rival et ennemi « malgré lui » de Bossuet.
Mais il voudrait nous faire croire qu'ils professaient tous deux comme théologiens des principes qu'ils répu diaient comme philosophes!... A ses yeux, le vrai titre de gloire de Fénelon, c'est Télémaque, « livre singulier, qui tient du roman et du poème », écrit dans un style « qui coulait de source avec abondance ». Nous ne professons
pas le même enthousiasme pour ce livre faux et ne l'estimons ni comme roman, ni comme poème. Mais Voltaire, qui avait rêvé d'être le conseiller des rois, lui devait son admiration.
Les Caractères, comme Télémaque, sont un livre d'avant-garde; Voltaire a pour eux un faible. Il loue le « style rapide, concis, nerveux », les « expres
sions pittoresques » de La Bruyère.
Il rappelle un mot de Malézieu, et après avoir constaté malignement que le livre baissa dans l'esprit des hommes quand eut disparu la génération qui l'avait vu naître, il a le bon goût d'ajouter : « Comme il y a des choses de tous les temps et de tous les lieux, il est à croire que cet ouvrage ne sera jamais oublié.
» La prophétie s'est réa lisée.
Plus juste envers Mme de Sévigné qu'envers Voiture — il est redevable à l'un comme à l'autre — Voltaire voit en la Marquise « la première personne
de son siècle pour le style épistolaire et surtout pour conter des bagatelles
avec grâce ».
Là encore, le côté sérieux de cette correspondance lui échappe ; il n'en a pas compris la valeur morale et historique.
Fontenelle, ennemi de La Bruyère et « moderne » militant, est félicité d'avoir « su répandre des grâces jusque sur la philosophie ».
Néanmoins ses Mondes, fondés sur la théorie fausse des tourbillons de Descartes, pourraient bien, à cause de cela, ne jamais devenir classiques. Ils ne le sont pas devenus,
mais pour d'autres raisons; cette vulgarisation de connaissances incom plètes ne nous suffit plus. Nous nous intéressons bien davantage aux Eloges.
De Fontenelle
à Corneille, du neveu à l'oncle, il n'y a qu'un pas; franchis
sons-le, et passons de la prose à la poésie.
Voltaire, grand amateur de théâtre, est maintes fois revenu à Corneille;
rarement sa louange va sans restrictions. « Ancien Romain parmi les Fran çais, il a établi une école de grandeur d'âme.» Il s'est formé tout seul, il.
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