Voltaire, Candide ou l'optimisme (1759) : Chapitre I (jusqu'à « toute la terre »)
Publié le 07/11/2011
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Les premières lignes de Candide plantent le décor, présentent les personnages mais aussi le thème philosophique. Tous les ingrédients du conte voltairien (fiction, rire, personnages stylisés, sujets et moyens de l'argumentation) y sont déjà présents. Dès ce début, page magistrale et célèbre, Voltaire utilise plusieurs procédés argumentatifs pour vider de sens l'éden allemand et entrer dans le débat sur l'optimisme : il instaure une connivence avec le lecteur par l'identification avec un héros sympathique, par l'appel à la raison, le recours à l'ironie, le tout reposant sur une culture commune (clichés sur les peuples, allusions à la Bible, à la philosophie...). La société du château de T.T.T. dans laquelle vit Candide se présente comme un paradis terrestre digne des contes de fées. Cependant, des failles apparaissent dans ce monde, et cette société se révèle bientôt grotesque et factice, notamment ce qui relève de son pouvoir et de ses justifications . . .
«
éclater l'ineptie de sa démonstration car c'est une évidence en général inutile à exprimer.
" A propos du fils qui « paraissait en tout digne de son père » : adjectif « digne » à prendre au 2 nd degré : le
fils n'a pas la même dignité que son père mais les mêmes défauts.
2) Les cibles de la satire
a- La satire du pouvoir nobiliaire
-L'étude de la structure du texte met en valeur le projet critique de l'auteur : dans cet incipit, tous les membres
de la société de T.T.T sont passés en revue, mais cette description d'une famille noble ne respecte pas
l'ordre hiérarchique et protocolaire : Candide, le bâtard, est présenté avant le baron et la fille avant le fils.
En
perturbant l'ordre habituel des préséances, Voltaire introduit un doute sur la légitimité du pouvoir des T.T.T
et suggère qu'il repose seulement sur des apparences.
-Pour Voltaire en effet, la noblesse est, en cette fin de XVIIIe siècle, un monde figé dans ses préjugés et ses
prétentions — » L'auteur s'attaque aux généalogies qui font la fierté des nobles, en ridiculisant les prétentions
des T.T.T: Candide est présenté comme un bâtard car son père n" a «pu prouver que 71 quartiers»
(=ascendants) de noblesse : la négation restrictive associée à un nombre démesuré (hyperbole ironique), ainsi
que l'accumulation de quatre propositions subordonnées dans la même phrase, dénoncent la pesanteur et la
vanité stupide des préjugés aristocratiques.
-La noblesse des T.T.T est une illusion, un simple titre qui n'est fondé sur aucune grandeur réelle :
• leur pouvoir est expliqué par des raisons absurdes : la puissance du baron («
Monsieur le
baron...
puissant seigneur...
») est anéantie par la raison absurde donnée à cette puissance : « car son
château avait une porte et des fenêtres » ; de même, la baronne est respectée non pas pour son mérite
personnel mais à cause de son poids énorme (350 livres = environ 175 kg) — » Usage absurde de la
causalité qui montre que le pouvoir des nobles n'est fondé que sur des signes extérieurs futiles et
dérisoires.
• Illusion entretenue par les flatteries des serviteurs : rient quand le baron raconte des histoires +
« Monseigneur », appellation en principe réservée aux princes, aux ducs et aux gouverneurs des
provinces.
• Parallélismes qui traduisent le passage de la vérité au mensonge : de simples « chiens de basses-cours »
devienne^une « meute », les « palefreniers » (= valets s'occupant des écuries) deviennent
des
« piqueurs », c'est-à-dire des valets spécialisés dans la chasse à cour, de même, le « vicaire du village »
devient un « grand aumônier », titre réservé au premier aumônier de la cour des rois de France.
.
.
b- La satire de la philosophie optimiste
Allusion à la philosophie de Leibniz (principe de la raison suffisante et des causes finales, c'est-à-dire la fin pour
laquelle une chose est faite), ridiculisée à travers les explications absurdes de Pangloss.
Philosophie incarnée par
le personnage He Panglng*.
(voir étymologie) qui se distingue ici par deux caractéristiques : personne ne le
contredit (« oracle de la maison ») et ses discours sont ridicules :
• Création du ternie ironique décrivant la matière enseignée par Pangloss : « métaphysico-théologo-
cosmolonigologie » — » terme prétentieux qui, étymologiquement, signifie sciences des nigauds (logos
= science en grec)
• Principes de Leibniz = ridiculisés par l'accumulation d'exemples absurdes (nez faits pour porter des
lunettes, jambes pour porter des chausses, pierres pour être taillées et porcs pour être mangés) ; phrases
construites sur le même schéma, ce qui crée un effet comique qui culmine dans les deux dernières
propositions : allusion au château du baron qui, malgré sa médiocrité, sert de support à l'explication
philosophique, puis allusion à la consommation de porc qui est pourtant interdite dans certaines
religions (manque de culture de Pangloss)(.
.
.
Conclusion :
En quelques lignes, Voltaire pose donc l'essentiel du sujet et des procédés de la satire que l'on trouvera dans
l'ensemble de ce conte philosophique.
Dans cette parodie du premier chapitre de la Bible (allusion à la Genèse
et au jardin d'Eden dont Candide, tel Adam, sera bientôt chassé), l'auteur met en place la référence à un premier
paradis, qui se révèle être un paradis de pacotille où le bonheur est illusoire, le vrai paradis étant le jardin final : la
métairie que Candide et ses amis, assagis par l'expérience du monde, cultiveront dans le dernier chapitre — » cf.
morale de cet apologue : « II faut cultiver notre jardin », dans laquelle on peut voir un humanisme novateur, qui
accepte l'homme tel qu'il est, imparfait mais capable de créer du bonheur sur terre par son travail et le goût
d'apprendre.
:.
»
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