Voici le soir charmant (Baudelaire)
Publié le 08/09/2013
Extrait du document

Dans «Le .Crépuscule du soir«, sous le déclin de la civilisation
on lit en transparence le retour à l'état sauvage. Mais ce
cercle vicieux d'un progrès illusoire, qui n'est que le masque
de la régression vers la faute originelle, est rompu par le
sacrifice du poète, qui, comme les anciens dieux, se déchire,
se multiplie, pour renaître. Le «rugissement« de l'enfer urbain
laisse la place à un recueillement grâce auquel la solitude
du poète se peuple de toutes les vies manquées, de tous les
malheurs des hommes. La multitude des existences séparées,
vouées au péché, se résorbe en chant d'amour, en communion
universelle. Tel est le pouvoir de la charité, telle est la
force du renoncement. Ainsi la prostitution des corps est-elle
rachetée par cette prostitution de l'âme qui définit, selon
Baudelaire, la poésie :
"Voici le soir charmant, ami du criminel;
Il vient comme un complice, à pas de loup; le ciel
Se ferme lentement comme une grande alcôve,
Et l'homme impatient se change en bête fauve.
ô soir, aimable soir, désiré par celui
Dont les bras, sans mentir, peuvent dire: Aujourd'hui
Nous avons travaillé! - C'est le soir qui soulage
Les esprits que dévore une douleur sauvage,
Le savant obstiné dont le front s'alourdit,
Et l'ouvrier courbé qui regagne son lit.
Cependant des démons malsains dans l'atmosphère
S'éveillent lourdement, comme des gens d'affaire,
Et cognent en volant les volets et l'auvent.
A travers les lueurs que tourmente le vent
La Prostitution s'allume dans les rues;
Comme une fourmilière elle ouvre ses issues;
Partout elle se fraye un occulte chemin,
Ainsi que l'ennemi qui tente un coup de main;
Elle remue au sein de la cité de fange
Comme un vers qui dérobe à l'Homme ce qu'il mange.
On entend çà et là les cuisines siffler,
Les théâtres glapir, les orchestres ronfler;
Les tables d'hôte, dont le jeu fait les délices,
S'emplissent de catins et d'escrocs, leurs complices,
Et les voleurs, qui n'ont ni trêve ni merci,
Vont bientôt commencer leur travail, eux aussi,
Et forcer doucement les portes et les caisses
Pour vivre quelques jours et vêtir leurs maîtresses.
Recueille-toi, mon âme, en ce grave moment,
Et ferme ton oreille à ce rugissement.
C'est l'heure où les douleurs des malades s'aigrissent!
La sombre Nuit les prend à la gorge; ils finissent
Leur destinée et vont vers le gouffre commun;
L'hôpital se remplit de leurs soupirs. - Plus d'un
Ne viendra plus chercher la soupe parfumée,
Au coin du feu, le soir, auprès d'une âme aimée.
Encore la plupart n'ont-ils jamais connu
La douceur du foyer et n'ont jamais vécu!«
Il importe d'accorder la plus grande attention à l'attaque du
premier vers qui donne le ton du poème. La comparaison
avec le début d' «Harmonie du soir« permettra de mieux
apprécier cette fonction de l'attaque et la représentation du
soir que dans les deux cas elle implique :

«
Nous avons travaillé! - C'est le soir qui soulage Les esprits que dévore une douleur sauvage, Le savant obstiné dont le front s'alourdit, Et l'ouvrier courbé qui regagne son lit.
Cependant des démons malsains dans l'atmosphère
S'éveillent lourdement, comme des gens d'affaire,
Et cognent en volant les volets et l'auvent.
A travers les lueurs que tourmente le vent La Prostitution s'allume dans les rues;
Comme une fourmilière elle ouvre ses issues;
Partout elle se fraye un occulte chemin,
Ainsi que l'ennemi qui tente un coup de main; Elle remue au sein de la cité de fange
Comme un vers qui dérobe à l'Homme ce qu'il mange.
On entend çà et là les cuisines siffler,
Les théâtres glapir, les orchestres ronfler;
Les tables d'hôte, dont le jeu fait les délices, S'emplissent de catins et d'escrocs, leurs complices, Et les voleurs, qui n'ont ni trêve ni merci,
Vont bientôt commencer leur travail, eux aussi,
Et forcer doucement les portes et les caisses
Pour vivre quelques jours et vêtir leurs maîtresses.
Recueille-toi, mon âme,
en ce grave moment,
Et ferme ton oreille à ce rugissement.
C'est l'heure où les douleurs des malades s'aigrissent! La sombre Nuit les prend à la gorge; ils finissent
Leur destinée et vont vers le gouffre commun;
L'hôpital se remplit de leurs soupirs.
- Plus d'un
Ne viendra plus chercher la soupe parfumée,
Au coin du feu, le soir, auprès d'une âme aimée.
Encore la plupart n'ont-ils jamais connu
La douceur du foyer et n'ont jamais
vécu!»
Il importe d'accorder la plus grande attention à l'attaque du
premier vers qui donne
le ton du poème.
La comparaison
avec
le début d' «Harmonie du soir» permettra de mieux
apprécier cette fonction de l'attaque et
la représentation du
soir que dans les deux cas elle implique :
"Voici venir les temps où vibrant sur sa tige
Chaque fleur s'évapore ainsi qu'un encensoir;
Les sons et les parfums tournent dans l'air
du soir; Valse mélancolique et langoureux vertige! ,,.
»
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