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VILAR Jean : sa vie et son oeuvre

Publié le 13/11/2018

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VILAR Jean (1912-1971). Acteur, metteur en scène, animateur et essayiste. Originaire de Sète et issu d’une famille de commerçants, Vilar « monte à Paris » pour entreprendre des études de lettres. Mais, après avoir occupé un poste de surveillant au collège Sainte-Barbe, attiré par le théâtre, il devient l’élève de Charles Dullin à l’École nouvelle du comédien. Acteur, il prendra ensuite, pendant la Seconde Guerre mondiale, la direction de la

 

Compagnie des Sept. Le succès des pièces qu’il monte (la Danse de mort, de Strindberg, 1943; Dom Juan, de Molière, 1944) le fait connaître; l’après-guerre confirme sa célébrité, tant comme acteur que comme metteur en scène : il reçoit, en 1945, le prix des Critiques pour la réalisation de Meurtre dans la cathédrale de T.S. Eliot, au Vieux-Colombier; il contribue au succès de la pièce de Sartre : le Diable et le Bon Dieu (1951), en incarnant

« le personnage de Heinrich.

Mais, surtout, commencent deux expériences décisives qui imposeront les concep­ tions dramatiques de Vilar dans les années 50 : en 194 7, il inaugure l'animation du festival d'A vignon, et, en 1951, il est nommé directeur du Théâtre national popu­ laire.

Il quittera ce dernier poste en 1963, mais ne cessera d'organiser les mises en scène d'Avignon.

Il dirigera également des acteurs aussi prestigieux que Gérard Phi­ lipe, Maria Casarès, Daniel Sorano ou Georges Wilson, jouera lui-même le rôle d'Harpagon dans l'Avare - interprétation qui restera longtemps une référence.

Considéré comme 1 'un des plus importants réalisa­ teurs de la seconde moitié du siècle, Vilar n'en sera pourtant pas moins critiqué pour ses options politiques; délibérément opposé au maintien des privilèges sociaux au théâtre, il passera pour un défenseur de 1' art de masse socialiste -alors que certains partisans du « gau­ chisme » de mai 1968 lui reprocheront son conserva­ tisme.

En fait, sans s'attacher à aucune doctrine politi­ que, Vilar voulait retrouver ce que, pour lui, le théâtre devait symboliser : une grande fête civique et populaire.

A cet effet, il préconisait le développement des théâtres dans les quartiers socialement les moins privilégiés.

Il s'est de mêm;: efforcé de redéfinir l'espace scénique: refusant une architecture qui soulignerait les divisions sociales, il entreprend de transformer le «plateau»; les comédiens jouent hors de la scène, et ainsi se trouve abolie la séparation entre le public et le jeu des acteurs.

Mais, au-delà de cette nouvelle politique théâtrale, c'est la signification de la mise en scène que Vilar a remise en cause.

En effet, fondant ses réflexions sur les recherches précédentes de Copeau, Baty, Jouvet, Stanis­ lavski ou Meyerhold, il s'oppose à un théâtre où les signes surabondent au détriment de 1' efficacité; le pla­ teau ne doit pas être « un carrefour où se rencontrent tous les arts majeurs et mineurs (peinture, architecture, électromanie, musicomanie, machinerie, etc.)» [De la tra dition théâtrale]; seul le jeu de l'acteur importe.

La mise en scène ne saurait donc être une fin en soi, qui saturerait l'espace scénique d'objets, de couleurs, de cos­ tumes.

Contœ cette « décoromanie >>, Vilar prône un théâtre dont l'espace serait occupé par la seule parole.

Car, dans ce J ieu « ouvert >>, tout vérisme, toute préten­ tion à la pseudo-reconstitution historique paraît une tromperie : « de même que l'imagination est abstraite et illimitée, de même la scène doit être illimitée, non close et, si possible., nue>> (De la tra dition théâtrale); il faut éliminer les sens accessoires et pléthoriques, qui, en fait, limitent la compréhension de l'œuvre.

Le théâtre n'est pas un spectacle pour le spectacle, dont la confusion détourne de cette seule vérité : la présence d'un corps « qui parle >>.

Le metteur en scène est donc plutôt un « régisseur >> qui met en mouvement, qui laisse s' expri­ mer et organise un jeu d'acteur, qu'un second auteur présentant « sa >> version de la pièce.

Cette exigence de dépouillement concerne également l'acteur : « Le comédien digne de ce nom ne s'impose pas au texte.

Il le sert.

Et servilement >> (De la tra dition théâtrale).

Cependant Vilar n'a jamais recherché d'as­ cèse, comme on l'a prétendu : le corps ne peut pas être oublié; il doit, au contraire, exprimer le mieux possible une syntaxe, un rythme, une poésie.

C'est par un travail incessant de la diction, par une parfaite connaissance physique de ses moyens que le comédien doit atteindre son but.

La scène doit être, suivant le mot de Vilar, le lieu de l'« incantation >>, non de la simple virtuosité - faux brillant extérieur au sens du texte.

La position du réalisateur suppose donc des choix critiques, dans la mesure où les auteurs dramatiques eux­mêmes peuvent oublier cette puissance incantatoire.

Et, de fait, Vilar refuse les formes héritées de Victorien Sardou: celles qui abusent d'intrigues, de morceaux de bravoure, de « scènes à faire >>.

A l'inverse, le metteur en scène doit se méfier des tendances « modernes >> qui font de la scène le lieu du débat idéologique simpliste, du > : dire un texte c'est ni donner une leçon, ni imposer un pensum.

Vilar opère, en fait, une synthèse entre les conceptions classiques et les conceptions baroques : la scène est le miroir du spectateur; elle lui réfléchit mensonges et réa­ lités.

Il n'y a pas de vérité à exposer : le théâtre est une alliance entre le moi du spectateur et un monde illusoire et vrai, où le spectateur doit retrouver la part obscure et la part rationnelle de son être.

Si aujourd'hui les mises en scène reviennent parfois à la notion de spectacle, si la Comédie-Française n'a pas été supplantée par le T.N.P., si le texte reste encore un « prétexte >> à la virtuosité classique, la réflexion de Vilar anime cependant un grand nombre de démarches : l'im­ portance donnée au jeu du corps, l'étude précise, voire grammaticale, du texte restent toujours les préoccupa­ tions majeures de la plupart des metteurs en scène.

BIBLIOGRAPHIE Les notes écrites par Vilar, et ses interviews, ont été, pour 1' essentiel, réunies dans un ouvrage facilement accessible : Jean Vilar, De la tradition théâtrale, Paris, l'Arche, 1955, et disponi­ ble dans les éditions de poche ( « Idées »/Gallimard).

On pourra également, pour situer l'œuvre de Vilar dans l'histoire des réali­ sations théâtrales et évaluer l'importance du T.N.P.

ou du festival d'Avignon, lire Cl.

Roy, Jean Vilar, Paris, Seghers, 1968, Ph.

Wehle, le Théâtre populaire selon Jean Vilar, Actes Sud, 1981, et consulter le Théâtre, réalisé sous la direction de Daniel Couty et Alain Rey, Paris, Bordas, 1980.. »

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