Victor Hugo, Les Misérables: Le suicide de JAVERT
Publié le 22/02/2012
Extrait du document
«
3.
La présence de l'eau.La Seine est là cependant, tout près, et sa présence, si elle n'est pas vue, se fait sentir d'une manière angoissante.a) d'abord par les bruits«On entendait un bruit d'écume» : ce mot d'« écume » peut paraître étonnant quand il s'agit d'un fleuve au courspaisible comme la Seine.
Mais V.
Hugo explique un peu plus haut que, d'une part « les pluies avaient grossi la rivière» et que Javert est accoudé près du Châtelet « au-dessus du rapide de la Seine, à pic sur cette redoutable spiralede tourbillons qui se dénoue et se renoue comme une vis sans fin.
» Le bruit est donc ici associé à une menace ; ildevient d'ailleurs plus loin «le tragique chuchotement du flot », avec une personnification de l'eau qui « chuchote ».Au moment même où Javert va prendre sa décision, on retrouve le bruit de l'eau, repris dans une courte phrase :«l'eau bruissait », presque comme un appel vague vers la mort.Enfin, c'est un « clapotement sourd » qui accompagne la chute du corps dans l'eau.
Le bruit « sourd » est ici àl'unisson du « secret » de cette mort.b) puis par une lueurAlors que, comme on l'a vu, tout est noir, l'eau opère une sorte de miracle, captant la moindre lueur : « l'eau ayantcette puissance ...
de prendre la lumière on ne sait où » (à nouveau, personnification de l'eau) et lui donnant unevie animale, inquiétante « [elle la changeait] en couleuvre », métamorphose déjà indiquée par le verbe « serpentait» : « une lueur apparaissait et serpentait vaguement ».
Ainsi ce qui devrait rassurer, parce que participant de lalumière, inquiète, et de plus cette lueur n'est que fugitive : « La lueur s'évanouissait, et tout redevenait indistinct.
»c) enfin par des sensations plus vaguesElles sont d'ordre tactile « on sentait la froideur hostile de l'eau », « un souffle farouche », et olfactif «l'odeur fadedes pierres mouillées.
» Là encore ces sensations concourent à créer un malaise, à évoquer un univers d'angoisse etde mort.
4.
la notion d'infini.V.
Hugo transforme un univers somme toute assez familier — au moins pour les Parisiens —, le bord de la Seine auChâtelet, en un univers de drame.Il introduit d'abord l'idée d'un abîme : « dans cette profondeur vertigineuse », « ce n'était pas de l'eau, c'était dugouffre », « un souffle farouche montait de cet abîme », « le mur [...] abrupt ».
On se trouve ici devant des termesqui s'appliquent d'ordinaire à des montagnes, et qui sont mis là pour traduire une peur devant la chute possible (d'oùla notion de vertige : « profondeur vertigineuse »).
A noter l'expression inattendue «ce n'était pas de l'eau, c'étaitdu gouffre » : si l'article partitif est normal avec « l'eau », il l'est beaucoup moins avec « gouffre ».
L'impressiondonnée estplus inquiétante que si V.
Hugo avait écrit « un gouffre », car elle débouche sur une indétermination, sur quelquechose qui n'a pas de fin.La notion d'abîme conduit d'ailleurs ici, et comme tout naturellement, sur celle de l'infini.
On trouve d'abord «L'immensité semblait ouverte là » avec l'article défini devant « immensité » qui lui donne précisément cette forced'infini, et un peu plus loin « le mur [...] faisait l'effet d'un escarpement de l'infini ».
L'infini dans ce contexte ne peutêtre que celui de la mort, et cette impression est encore renforcée par l'expression « cette ouverture de ténèbres »qui fait penser à l'entrée des Enfers.
5.
L'hostilité des éléments.Déjà posée dès le début du texte avec les idées de nuit et d'abîme, cette hostilité du monde qui entoure Javert sefait encore plus nette dans le 2, paragraphe.
L'eau encore une fois est personnifiée puisque l'auteur lui prête dessentiments : « la froideur hostile de l'eau » ; elle attire en quelque sorte Javert vers la mort : « le tragiquechuchotement du flot ».
Il y a même un élément accidentel qui participe à cette menace : «le grossissement dufleuve » (on a vu plus haut que les pluies avaient gonflé la Seine) et les ponts, au lieu d'être la marque de laprésence humaine sur le fleuve ne présentent plus qu'une « énormité lugubre ».Progressivement l'idée de mort s'installe sans qu'elle soit nommée et le paragraphe s'achève sur ce qui se présentepresque obligatoirement à l'idée du lecteur — encore plus à celle de Javert — « la chute imaginable dans ce videsombre », et sur un mot très fort « cette ombre était pleine d'horreur».
II.
Javert face à son destin.
1.
Le regard.C'est par le regard de Javert que nous entrons dans ce monde d'angoisse et de fascination de la mort.
Ce procédéromanesque a été souvent repris (par exemple, au premier chapitre de l'Assommoir de Zola, nous voyons Paris parles yeux de Gervaise accoudée à sa fenêtre).
Ici la phrase, au passé simple, est particulièrement économe d'effet, «Javert pencha la tête et regarda » : le tragique ne viendra qu'après, dans la description de ce qu'il voit.
Mais il y adéjà dans cette petite phrase le germe de ce qui va devenir fascination : Javert se pose en spectateur de sonpropre destin.L'idée du regard est reprise dans le deuxième paragraphe, juste avant que Javert prenne la décision de se jeter àl'eau : «regardant cette ouverture de ténèbres » ; mais, alors que le premier emploi du verbe « regarder » étaitintransitif, le deuxième, venant après la description des lieux et de l'atmosphère, se charge du tragique de cettedescription : ce qu'il regarde maintenant c'est la mort.
La phrase suivante est écrite à l'imparfait pour marquer la.
»
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