Victor HUGO, Les Misérables (1862). Portrait de Montparnasse. Commentaire
Publié le 10/11/2016
Extrait du document
Dans une peinture des bas-fonds de Paris en 1830, Victor Hugo présente quatre truands; voici le portrait du plus jeune :
Un être lugubre, c’était Montparnasse. Montparnasse était un enfant; moins de vingt ans, un joli visage, des lèvres qui ressemblaient à des cerises, de charmants cheveux noirs, la clarté du printemps dans les yeux ; il avait tous les vices et aspirait à tous les crimes. La digestion du mal le mettait en appétit du pire. C'était le gamin tourné voyou, et le voyou devenu escarpe 1. Il était gentil, efféminé, gracieux, robuste, mou, féroce. Il avait le bord du chapeau relevé à gauche pour faire place à la touffe de cheveux, selon le style de 1829. Il vivait de voler violemment. Sa redingote était de la meilleure coupe, mais râpée. Montparnasse, c'était une gravure de mode ayant de la misère et commettant des meurtres. La cause de tous les attentats de cet adolescent était l'envie d'être bien mis. La première grisette2 qui lui avait dit : « Tu es beau », lui avait jeté la tache de ténèbres dans le cœur, et avait fait un Caïn de cet Abel. Se trouvant joli, il avait voulu être élégant; or la première élégance, c'est l'oisiveté; l'oisiveté d'un pauvre, c'est le crime. Peu de rôdeurs étaient aussi redoutés que Montparnasse. A dix-huit ans, il avait déjà plusieurs cadavres derrière lui. Plus d'un passant, les bras étendus, gisait dans l'ombre de ce misérable, la face dans une mare de sang. Frisé, pommadé, pincé à la taille, des hanches de femme, un buste d'officier prussien, le
1. Assassin do profession.
murmure d'admiration des filles du boulevard autour de lui, la cravate savamment nouée, un casse-tête dans sa poche, une fleur à sa boutonnières; tel était ce mirliflore 1 du sépulcre.
Victor HUGO, Les Misérables (1862).
1. Jeune élégant, content de lui.
En un commentaire composé vous étudierez ce texte dans lequel Victor Hugo dessine et en même temps explique ce personnage.
CORRIGÉ
Remarques préalables
Le Romantisme a favorisé te développement d'une littérature populiste, mais les écrivains qui peignaient le peuple ( Hugo, Lamartine, Michelet, George Sand, Eugène Sue) étaient soumis à deux tentations contradictoires, que Von retrouvera chez Zola, auteur de La Terre et de Germinal : idéaliser le Peuple, dépositaire de toutes les vertus; noircir le peuple, surtout des villes, en insistant sur la pègre des faubourgs (mélodrame et roman-feuilleton).
En termes marxistes, on dirait que, par goût du pittoresque et de l'encanaillement (ou par peur des « classes dangereuses »), ils décrivaient plutôt le lumpenproletariat que le prolétariat proprement dit.
Commentaire composé : plan
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