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Victor Hugo, Le Rhin, Lettre XXVIII - commentaire composé

Publié le 11/01/2020

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Sujet

Hugo visite Heidelberg durant l’automne 1840

Le chemin qui mène à Heidelberg passe devant les ruines. Au moment où j’y arrivais, la lune, voilée par des nuages diffus et entourée d’un immense halo, jetait une clarté lugubre sur ce magnifique amas d’écroulements. Au-delà du fossé, à trente pas de moi, au milieu d’une vaste broussaille, la Tour Fendue, dont je voyais l’intérieur, m’apparaissait comme une énorme tête de mort. Je distinguais les fosses nasales, la voûte du palais, la double arcade sourcilière, le creux profond et terrible des yeux éteints. Le gros pilier central avec son chapiteau était la racine du nez. Des cloisons déchirées faisaient les cartilages. En bas, sur la pente du ravin, les saillies du pan de mur tombé figuraient affreusement la mâchoire. Je n’ai de ma vie rien vu de plus mélancolique que cette grande tête de mort posée sur ce grand néant qui s’appelle le Château des Palatins.

La ruine, toujours ouverte, est déserte à cette heure. L’idée m’a pris d’y entrer. Les deux géants de pierre qui gardent la Tour Carrée m’ont laissé passer. J’ai franchi le porche noir sous lequel pend encore la vieille herse de fer et j’ai pénétré dans la cour. La lune avait presque dispam sous les nuées. Il ne venait du ciel qu’une clarté blême.

Louis, rien n’est plus grand que ce qui est tombé. Cette ruine, éclairée de cette façon, vue à cette heure, avait une tristesse, une douceur et une majesté inexprimables. Je croyais sentir dans le frissonnement à peine distinct des arbres et des ronces je ne sais quoi de grave et de respectueux. Je n’entendais aucun pas, aucune voix, aucun souffle. Il n’y avait dans la cour ni ombres, ni lumières ; une sorte de demi-jour rêveur modelait tout, éclairait tout et voilait tout. L’enchevêtrement des brèches et des crevasses laissait arriver jusqu’aux recoins les plus obscurs de faibles rayons de lune ; et dans les profondeurs noires, sous des voûtes et des corridors inaccessibles, je voyais des blancheurs se mouvoir lentement.

C’était l’heure où les façades des vieux édifices abandonnés ne sont plus des façades, mais des visages.

Victor Hugo, Le Rhin, Lettre XXVIII.

(1) Heildelberg : ville allemande dominée par un château en grande partie détruit.

(2) Herse : grille qui protège l’entrée d’un château-fort.

(3) Louis : les lettres qui composent Le Rbin sont (fictivement) adressées à un ami, Louis B (Boulanger).

Dans un commentaire composé qui s’appuiera sur l’étude précise de l’écriture (composition de l’ensemble du passage, images, rythme des phrases, etc.) et sans séparer l’étude du fond de celle de la forme, vous pourrez montrer, par exemple, comment V. Hugo, en évoquant une atmosphère majestueuse et « lugubre », parvient à donner du château en ruines une vision fantastique.

Cette impression de grandeur et de mystère est liée au fait que ce sont des ruines, bien sûr, qui créent des formes étranges, avec ces « creux », ces « cloisons déchirées » qui indiquent une certaine violence qui va disparaître dans la deuxième partie, plus apaisée. Mais c’est surtout l’éclairage nocturne et lunaire qui crée le mieux les sensations fortes, le passage prenant souvent l’aspect d’un dessin en noir et blanc (on connaît les talents picturaux de Victor Hugo) ou d’une eau-forte.

La « lune » est en effet ici une sorte de personnage ; » voilée par des nuages diffus et entourés d’un immense halo », elle contribue à modeler le paysage qu’elle divulgue et voile en même temps dans un subtil jeu d’ombre et de lumière ; elle agrandit le décor par son « immense halo » et jette une « clarté lugubre », étrange alliance de mots qui semblent incompatibles, avec clarté », 

hugo

« Session de juin 1991 mur tombé figuraient affreusement la mâchoire.

Je n'ai de ma vie rien vu de plus mélancolique que cette grande tête de mort posée sur ce grand néant qui s'appelle le Château des Palatins.

La ruine, toujours ouverte, est déserte à cette heure.

L'idée m'a pris d'y entrer.

Les deux géants de pieITe qui gardent la Tour CaITée m'ont laissé passer.

J'ai franchi le porche noir sous lequel pend encore la vieille herseC2) de fer et j'ai pénétré dans la cour.

La lune avait presque disparu sous les nuées.

Il ne venait du ciel qu'une cla1té blême.

Louis(3), rien n'est plus grand que ce qui est tombé.

Cette ruine, éclairée de cette façon, vue à cette heure, avait une tristesse, une douceur et une majesté inexprimables.

Je croyais sentir dans le fris­ sonnement à peine distinct des arbres et des ronces je ne sais quoi de grave et de respectueux.

Je n'entendais aucun pas, aucune voix, aucun souffle.

Il n'y avait dans la cour ni ombres, ni lumières ; une sorte de demi-jour rêveur modelait tout, éclairait tout et voilait tout.

L'enchevêtrement des brèches et des crevasses laissait arriver jusqu'aux recoins les plus obscurs de faibles rayons de lune ; et dans les profondeurs noires, sous des voûtes et des corridors inac­ cessibles, je voyais des blancheurs se mouvoir lentement.

C'était l'heure où les façades des vieux édifices abandonnés ne sont plus des façades, mais des visages.

Victor HUGO, Le Rhin, Lettre XXVIII.

(1) Heildelberg : ville allemande dominée par un château en grande partie détruit.

(2) Herse : grille qui protège l'entrée d'un château-fort.

(3) Louis : les lettres qui composent Le Rhin sont (fictivement) adressées à un ami, Louis B (Boulanger).

Dans un commentaire composé qui s'appuiera sur l'étude précise de l'écriture (compositiou de l'ensemble du passage, images, rythme des phrases, etc.) et sans séparer l'étude du fond de celle de la forme, vous pourrez montrer, par exemple, comment V.

Hugo, en évoquant une atmosphère majestueuse et «lugubre», parvient à donner du château en ruines une vision fantastique.

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