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Victor Hugo a écrit : « Améliorer la vie matérielle, c'est améliorer la vie morale ; faites les hommes heureux, vous les faites meilleurs ». Quelles réflexions vous suggèrent ces paroles de ce grand écrivain du XIXe siècle.

Publié le 12/05/2011

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DÉVELOPPEMENT

A première vue, il semblerait qu'on ne puisse contester la correspondance étroite entre les progrès de la vie matérielle et ceux de la vie morale. Constamment assailli par le souci de subsister, l'homme dans le dénuement ne peut élever sa pensée au-dessus de ce qui se rapporte à la satisfaction de ses besoins vitaux. Sa détresse ne lui permet pas de s'affranchir de son incessante préoccupation de survivre. Aussi paraît-il vain de prêcher un miséreux ; ne savons-nous pas, du reste, que « ventre affamé n'a point d'oreilles « ? La notion de bien, et même parfois celle, plus élémentaire, de simple honnêteté sont pour lui de peu d'importance, quand elles ne lui sont pas étrangères. Même s'il n'est pas mauvais de nature, la précarité de ses moyens d'existence suffit à étouffer la voix de sa conscience.

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« la réussite professionnelle, sans compter les chaudes amitiés et l'emploi captivant des loisirs, sont autrementimportants.

On peut être riche et très malheureux ; et, si l'on entend par « pauvre » celui qui ne dispose que deressources modestes, on peut être pauvre et parfaitement heureux.

Quant aux plaisirs que seuls les riches peuvents'offrir, et que parfois leur envient les pauvres, ils sont bien souvent frivoles ou artificiels.

Et leur usage immodéré,outre qu'il aboutit à ruiner la santé, provoque la satiété, parfois même le dégoût de la vie.Concèderons-nous du moins que le bien-être matériel améliore la vie morale ? Il faut reconnaître que la grandemisère met en danger la moralité.

Mais, dès l'instant que les besoins essentiels sont assurés, l'opinion de Victor Hugoest encore plus discutable que la précédente.

Elle est même peut-être contraire à la vérité.

C'est souvent parmi lespauvres, qui mènent une vie laborieuse et effacée, qu'on trouve le plus de décence et d'honnêteté morale.

C'estsouvent eux qui, connaissant les difficultés de l'existence matérielle, font preuve du plus grand esprit d'entraide etde charité envers les malheureux.

Faut-il invoquer Victor Hugo lui-même, lequel, dans son admirable poème « Lespauvres gens », nous montre un humble pêcheur qui, bien qu'il fasse difficilement vivre sa femme et ses cinq petitsenfants, en adopte deux autres, orphelins de père et mère ?On peut s'étonner qu'un esprit aussi éclairé que Victor Hugo ait pu avancer une thèse qui, dans l'ensemble,s'accorde plutôt mal avec les faits.

Il y a, à cela, deux raisons.

La première c'est que, en France, de son temps, lapauvreté confinait à la misère.

Dans les grandes agglomérations en particulier, les ouvriers vivaient généralementdans des maisons insalubres bordant des rues sans joie ; ils recevaient de bas salaires, sans allocations familiales,pour de très longues journées de travail, et n'étaient protégés ni contre les risques de chômage ni contre ceux de lamaladie ou de l'invalidité ; non seulement ils ne bénéficiaient pas de congés payés, mais le repos hebdomadairen'était même pas obligatoire ; lorsque, usés par le labeur, ils devaient cesser de travailler, aucune pension deretraite ne leur était versée.

On comprend que, dans de telles conditions, l'existence leur paraissait triste etaccablante, et que leur vie morale ne pouvait guère s'épanouir.

Victor Hugo, homme de coeur, a pensé — et dansune certaine mesure il voyait juste qu'une amélioration de leur viematérielle les rendrait à la fois meilleurs et plus heureux.

La seconde raison est que, de son vivant la conditionouvrière ne s'est pas suffisamment transformée pour qu'il ait pu vérifier l'exactitude de ses vues.

Même à la fin de savie, le pauvre était encore celui qui, au mieux, ne pouvait s'offrir de la viande que le dimanche et les jours de fête.A notre époque, hormis certaines catégories de personnes âgées dont les ressources ne sont guère supérieures àcelles des travailleurs du XIXe siècle, le pauvre est celui qui n'a pas les moyens d'acheter une automobile, puis d'ensupporter la charge et de renouveler son acquisition au bout de quelques années.

De plus, le nombre de personnesvivant dans l'aisance s'est fortement accru.

Le progrès est donc considérable et nous permet de juger parexpérience.

Il est probable que, si Victor Hugo vivait en notre temps, il émettrait une opinion plus nuancée.Dans ce modeste développement, nous n'avons considéré que l'individu.

Pour compléter la question des rapportsentre la vie matérielle et la vie morale —car il nous faudrait ici écarter le bonheur, sentiment purement personnel parsa nature même — nous devrions aussi examiner le comportement des sociétés humaines.

Nous aurions à voir si,dans les pays dits « nantis » la morale des foules, des collectivités organisées, des associations de toutes sortes,des milieux dirigeants est supérieure à celles des mêmes groupes dans les pays dits « en voie de développement ».

Ilconviendrait également de nous demander si, en matière de politique extérieure, la conduite des pays riches, enparticulier des plus puissants d'entre eux, est plus morale que celle des pays pauvres.

Cette étude nous conduiraitpeut-être à faire quelques amères réflexions.

Mais ce serait un autre sujet.. »

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