Victor Hugo (1802-1885) LES TRAVAILLEURS DE LA MER (2. PARTIE, LIVRE IV, CHAPITRE II)
Publié le 10/08/2014
Extrait du document
La pieuvre n'a pas de masse musculaire, pas de cri menaçant, pas de cuirasse, pas de corne, pas de dard, pas de pince, pas de queue prenante, ou contondante, pas d'ailerons tranchants, pas d'ailerons onglés, pas d'épines, pas d'épée, pas de décharge électrique, pas de virus, pas de 5 venin, pas de griffes, pas de bec, pas de dents. La pieuvre est de toutes les bêtes la plus formidablement armée.
Qu'est-ce donc que la pieuvre ? C'est la ventouse (...).
Une forme grisâtre oscille dans l'eau, c'est gros comme le bras et long d'une demi-aune environ' ; c'est un chiffon ; cette forme ressemble à un
10 parapluie fermé qui n'aurait pas de manche. Cette loque avance vers vous peu à peu. Soudain, elle s'ouvre, huit rayons s'écartent brusquement autour d'une face qui a deux yeux ; ces rayons vivent ; il y a du flamboiement dans leur ondoiement ; c'est une sorte de roue ; déployée, elle a quatre ou cinq pieds2 environ de diamètre. Épanouissement effroyable.
15 Cela se jette sur vous.
L'hydre3 harponne l'homme.
Cette bête s'applique sur sa proie, la recouvre et la noue de ses longues bandes. En dessous elle est jaunâtre, en dessus elle est terreuse ; rien ne saurait rendre cette inexplicable nuance poussière ; on dirait une bête faite
20 de cendre qui habite l'eau. Elle est arachnéide par la forme4 et caméléon par la coloration. Irritée, elle devient violette. Chose épouvantable, c'est mou.
Ses noeuds garrottent, son contact paralyse.
Elle a un aspect de scorbut et de gangrène. C'est de la maladie arrangée 25 en monstruosité.
1. Aune : mesure de longueur, valant environ 1,20 m. 2. Pied : mesure de longueur, valant environ 30,5 cm. 3. Hydre : monstre mythologique à plusieurs têtes.
4. Arachnéide par la forme : qui a la forme d'une araignée.
Vous ferez de cet extrait de roman un commentaire composé que vous organiserez à votre gré, sans séparer l'étude de fond de celle de la forme. Vous pourriez, par exemple, étudier comment l'imagination métamorphose la réalité et fait naître l'épouvante.
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Vous ferez de cet extrait de roman un commentaire composé que
vous organiserez
à votre gré, sans séparer l'étude de fond de celle de
la fonne.
Vous pourriez, par exemple, étudier comment l'imagination
métamorphose la réalité
etfait naître l'épouvante.
Corrigé
DIFFICULTÉS -CONSEILS -PROPOSITIONS
• Hugo est suffisamment important, et son œuvre suffisamment
abondante, pour que des textes lui soient empruntés chaque année ...
Il est donc nécessaire de connaître l'auteur.
Quant aux
Travailleurs
de la
mer, c'est un roman paru en 1866, soit quatre ans après Les
Misérables,
et dont l'action se situe à Guernesey, où le poète réside
en exil depuis plus de dix ans.
Suggestions
• Quoiqu'il s'agisse d'un extrait de roman, il faut être attentif ici au
travail poétique, notamment dans l'alternance des paragraphes brefs
et longs, et dans la technique de la répétition.
• Examinez le jeu des temps, 1' emploi des démonstratifs, et les
formes impersonnelles.
• Identifiez la tonalité du texte, et observez les figures de style
employées.
Documentation
-Vous lirez avec beaucoup de profit cet étonnant roman.
- Le style de Hugo est unique ...
Vous le retrouverez dans ses autres
romans, notamment
Les Misérables ou Notre-Dame de Paris.
Si
vous cherchez un roman plus court, vous pouvez lire
Bug-Jargal ou
Le dernier jour d'un condamné, le premier roman de Hugo.
- La pieuvre: certaines figures de la mythologie grecque s'apparen
tent
à cette description, en particulier l'hydre de Lerne, à laquelle fait
référence le texte, tuée par Hercule (voir Hésiode,
Théogonie, 313 et
suiv.
; ou encore Virgile,
Énéide, VIII, 299 et suiv.).
- Le monstrueux : ce type de description est fréquent dans la littéra
ture fantastique et dans les romans de science-fiction (voir, au sujet
du fantastique,
T.
Todorov, Introduction à la littérature fantastique,
collection Points, Éditions du Seuil).
78.
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